Amendement N° 38 rectifié (Adopté)

Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales

Déposé le 5 mai 2014 par : Mme Untermaier.

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Substituer aux alinéas 19 à 22 les quatre alinéas suivants :

«  III. – L'article 706‑88 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«  Les dispositions du présent article ne sont pas applicables au délit prévu au 8°bis de l'article 706‑73 ou, lorsqu'elles concernent ce délit, aux infractions mentionnées aux 14°, 15° et 16° du même article. Toutefois, à titre exceptionnel, elles peuvent être appliquées si les faits ont été commis dans des conditions portant atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, ou aux intérêts fondamentaux de la Nation tels que définis par l'article 410‑1 du code pénal ou si l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national, dès lors que la prolongation de la garde à vue est indispensable pour poursuivre ou réaliser les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité en raison de leur complexité. Les ordonnances prolongeant la garde à vue sont prises par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République ou du juge d'instruction. Elles sont spécialement motivées et font référence aux éléments de fait justifiant que les conditions prévues par le présent alinéa sont réunies. Les dispositions des sixième et septième alinéas du présent article ne sont pas applicables. ».
«  IV. – Au second alinéa de l'article 323-5 du code des douanes, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « avant-dernier ».
«  V. – Au VII de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : « trois derniers » sont remplacés par les mots : « sixième à avant-dernier ».

Exposé sommaire :

Dans sa décision n° 2013‑679 DC du 4 décembre 2013 sur la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il n'était pas possible, au regard du principe de proportionnalité, de permettre une garde à vue de quatre jours, pour des délits qui ne sont pas susceptibles « de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ».

Tirant les conséquences de cette décision, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement interdisant le recours à la garde à vue de quatre jours pour le délit d'escroquerie en bande organisée, car il s'agit d'un délit contre les biens.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a toutefois remplacé cette interdiction par des dispositions permettant une garde à vue de trois jours.

Néanmoins, le risque constitutionnel résultant du texte de la commission reste encore élevé. Par ailleurs, dans certains cas, une garde à vue de trois jours au lieu de quatre pourrait être insuffisante.

C'est pourquoi il est proposé de maintenir la possibilité d'une garde à vue de quatre jours, mais sous réserve que soient réunies les conditions suivantes, qui permettent de respecter les exigences constitutionnelles.

Sur le champ des infractions concernées :

Les faits devront avoir été commis dans l'une ou moins des trois conditions suivantes :

-Ils portent atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ;

-Ils portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation tels que définis par l'article 410‑1 du code pénal ;

-L'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national.

Sur les garanties procédurales apportées :

La prolongation de la garde à vue devra être indispensable pour poursuivre ou réaliser les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité en raison de leur complexité.

Les ordonnances prolongeant la garde à vue seront toujours prises par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République ou du juge d'instruction.

Elles devront être spécialement motivées et devront faire référence aux éléments de fait justifiant que les conditions prévues par la loi sont réunies.

Sur le renforcement des droits de la défense

Le report de l'avocat jusqu'à la 48e heure de garde à vue ne sera plus possible en cas de délit d'escroquerie en bande organisée.

La garde à vue de quatre jours continuera ainsi d'être possible pour des escroqueries de grande ampleur portant, par exemple, sur la qualité de matériaux de construction, de produits alimentaires ou de médicaments, ou qui tendent à contourner la règlementation en matière de protection de l'environnement, escroqueries qui peuvent en effet mettre en danger les personnes. Dans de telles hypothèses, il n'est en effet pas contestable que les exigences posées par le Conseil constitutionnel, qui sont ainsi intégralement et exactement reprises dans la loi, permettent certainement le recours à une telle mesure.

La garde à vue de quatre jours sera également possible lorsque l'escroquerie en bande organisée portera atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation définis par l'article 410‑1 du code pénal, c'est-à-dire lorsqu'elle portera atteinte à l'indépendance de la Nation, à l'intégrité de son territoire, à sa sécurité, à la forme républicaine de ses institutions, aux moyens de sa défense et de sa diplomatie, à la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, à l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et aux éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel. Ce sera par exemple le cas d'une escroquerie commise au préjudice d'une très grande entreprise française dont le fonctionnement est indispensable à la Nation. Ce critère de protection des intérêts fondamentaux de la Nation répond à l'évidence aux exigences constitutionnelles.

La garde à vue de quatre jours sera enfin possible lorsque l'escroquerie en bande organisée présentera un caractère transfrontalier. Ce critère figure déjà dans notre législation, notamment aux deuxièmes alinéas des articles 145‑1 et 145‑2 du code de procédure pénale pour permettre des détentions provisoires d'une plus longue durée. Même si cette hypothèse n'a pas été envisagée par le Conseil constitutionnel, elle démontre à la fois une particulière gravité et une particulière complexité des faits – dont la preuve exige des investigations et des vérifications à l'étranger impossibles à mener dans le délai de droit commun de deux jours de la garde à vue – qui justifient, au regard des principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité – la possibilité de recourir à une garde à vue de quatre jours.

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