Intervention de Isabelle Le Callennec

Réunion du 13 juillet 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Merci, monsieur le rapporteur, de votre constance sur ce sujet. Du fait des dispositions sur le travail détaché, le droit communautaire est vécu par nos concitoyens comme un outil de concurrence déloyale, de dumping social, en un mot, de développement d'un travail low cost, à la suite notamment de l'intégration dans l'Union européenne de pays aux réalités socio-économiques bien différentes des nôtres.

Malgré de très nombreux recours en justice et même l'interruption d'une quinzaine de chantiers dans notre pays, le flux des travailleurs détachés ne cesse d'augmenter – il a crû de plus de 25 % entre 2014 et 2015, pour s'établir à environ 286 000 travailleurs aujourd'hui, mais il faut tout de même rappeler qu'il y a des Français qui partent travailler à l'étranger. Il faut souligner également que le détachement d'intérim bat tous les records.

Cette proposition de révision intervient dans un climat européen tendu et, vous l'avez rappelé, onze pays ont fait usage de la procédure du « carton jaune ». La résolution ne traite pourtant pas des problèmes qui fâchent le plus : la réforme du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale ou le cas des travailleurs hautement mobiles.

Au niveau national aussi, le climat est un peu tendu, puisqu'il semble que la majorité ne soit pas tout à fait unanime : le Premier ministre a même menacé de cesser d'appliquer la directive européenne si elle n'était pas révisée, mais la rapporteure générale du budget lui a fait remarquer que la baisse des cotisations sur les bas salaires rendait l'emploi d'un travailleur local moins cher que celui d'un travailleur détaché – au niveau du SMIC en tout cas.

J'ai beaucoup discuté de ce sujet avec Élisabeth Morin-Chartier, députée européenne du groupe du parti populaire européen (PPE) et corapporteure du texte. Notre objectif commun n'est pas de lutter contre le détachement, vous l'avez dit, mais bien contre les dérives et les fraudes. La France a beaucoup réagi et l'opposition a toujours soutenu la majorité en ce sens.

Il est nécessaire de redéfinir le détachement comme le fait d'exécuter, sur une courte période, une mission que l'on exécute habituellement dans son pays d'origine.

Nous ne sommes pas favorables à la suppression totale du détachement d'intérim ; il doit juste être redéfini et contrôlé. Vous faites des propositions que l'on peut tout à fait retenir.

S'agissant des contrôles, il faut continuer de les renforcer. Il ne faut surtout pas abandonner la traque des sociétés-écrans et autres boîtes aux lettres, qui doit rester au coeur des tâches de l'inspection du travail. Une procédure européenne pourrait se révéler utile, mais il faut veiller à ne pas créer d'usine à gaz.

En ce qui concerne les secteurs d'emploi sinistrés, il est vrai que le détachement déstabilise des pans entiers de notre économie, en particulier l'agriculture. Cela doit nous amener à nous interroger sur les offres d'emploi non pourvues, et donc sur l'indemnisation du chômage ; certains Français restent au chômage alors que l'on a par ailleurs recours à une main-d'oeuvre étrangère.

Nous sommes donc plutôt favorables à votre proposition de résolution européenne. Il faudrait néanmoins s'assurer de sa compatibilité avec les dispositions contenues dans la loi Travail, que nous n'avons pas pu voter.

Madame la présidente, je pense également qu'il pourrait être utile d'entendre la commissaire Marianne Thyssen : une coopération renforcée entre ce qui se passe à Bruxelles et ce qui se passe à Paris serait utile.

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