Intervention de Muriel Salle

Réunion du 12 juillet 2016 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Muriel Salle, historienne, membre de la mission égalité femmes-hommes de l'université Lyon 1, vice-présidente de l'ARGEF et membre du groupe Genre, égalité-et mixité de l'ESPE de Lyon :

En France, ces professions ne se parlent pas forcément. Si je suis à Paris aujourd'hui, c'est parce que j'ai participé hier à une journée d'étude à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui associait justement des médecins, des juristes ainsi que des personnes travaillant dans les sciences humaines, mais l'initiative était venue de l'université de Lausanne.

Ainsi, en Suisse, à l'université de Lausanne, une plateforme a été instituée pour mettre en collaboration des disciplines diverses. S'il y avait des juristes avec des médecins et des chercheurs en sciences sociales, c'est parce qu'il était question de la prise en charge médicale des personnes inter-sexe, et que cela posait des questions d'état civil. Cela montre malgré tout que des collaborations sont possibles. Elles existent au plan international. Elles doivent exister dans de nombreuses universités françaises, mais je vais parler de la mienne, parce que je la connais de l'intérieur.

À l'université de Lyon 1, nous avons un département « Sciences humaines et sociales », qui associe des philosophes, des anthropologues, des historiens, à l'intérieur de la faculté de médecine. Nous participons donc activement à la formation des médecins. Je crois modestement que cela contribue à modifier le regard d'un certain nombre de professionnels de santé sur ce que sont nos disciplines de sciences « molles ». J'utilise à dessein cet adjectif qui nous porte souvent préjudice, et que l'on oppose à l'objectivité scientifique « dure ».

Ce regard change parce que nous commençons à faire la preuve de l'intérêt de nos pratiques scientifiques. En outre, cette démarche rejoint un certain nombre d'évolutions actuelles. Par exemple, les étudiants en médecine sont moins qu'hier formés à ce que l'on appelait la médecine fondée sur les preuves physiques – evidence based medicine. Aujourd'hui, ce n'est plus ce modèle-là qui a cours : c'est un modèle que l'on appelle « bio-psycho-social ».

Pour ma part, je m'attache à expliquer à mes étudiants que, pour prendre en charge un patient ou une patiente, il va de soi que l'on s'intéresse à son corps, à certains aspects qui relèvent de son psychisme – et là, les identités de genre vont évidemment jouer – mais que l'on intervient aussi un peu comme travailleur social. Or, lorsque l'on est un peu travailleur social, on doit avoir des compétences en sociologie. Et ce sont de vraies compétences, parce que la sociologie n'est pas une science de « cuisine ». C'est une science dont les méthodologies sont bien particulières.

Les choses se mettent en place, mais il faut conquérir une légitimité scientifique auprès de ceux qui se croient plus « durs » que nos sciences sociales.

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