Intervention de Christian Cambon

Réunion du 26 juillet 2016 à 14h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Christian Cambon, sénateur :

Merci, Monsieur le ministre, pour votre exposé très technique et très complet. Je voudrais faire un constat et poser deux questions.

Le constat, c'est que la France est malheureusement devenue une cible privilégiée des terroristes, et même la cible numéro un, si l'on se livre à une comptabilité macabre ; dans l'opinion publique nombre de gens se demandent si les efforts militaires que vous venez de décrire ne contribuent pas à nous surexposer vis-à-vis des terroristes, qui font de notre pays la première cible de leur vengeance.

Qui plus est, en entendant le Premier ministre annoncer de nouveaux attentats et de nouvelles victimes, on peut se demander si c'est le rôle du Gouvernement que de se faire l'oiseau de mauvais augure. Au-delà, le président Raffarin a évoqué une situation qui dure depuis plusieurs années : les États-Unis se sont désengagés d'Irak, d'Afghanistan, et se battent avec des moyens assez différents des nôtres. Ne sommes-nous pas en train de devenir le gendarme auxiliaire de l'univers ? Ne sommes-nous pas, du fait de la quantité de bombes que nous larguons et des forces que nous envoyons, emmenés dans une glissade que nous ne maîtrisons plus ? Vous dites que nous ne sommes toujours pas engagés dans les combats terrestres, mais nous envoyons des conseillers militaires pour servir des canons de grande portée. Cette stratégie, qui consiste, pour reprendre vos propres termes, à « frapper au coeur », ne conduira-t-elle pas en retour la France à être elle-même de plus en plus frappée au coeur ?

Je perçois un décrochage dans l'opinion. Par rapport à la période du lancement, dans l'unité nationale, de l'opération Barkhane en Afrique, nombre de nos concitoyens commencent à se demander si la mise en oeuvre d'autant de moyens ne va pas nous exposer à la triste compensation de cet engagement, autrement dit à de plus en plus d'attentats. La journée d'aujourd'hui ne fera qu'amplifier les choses. Une tout autre perception est en train de se faire jour dans l'opinion française.

La France mène cet engagement très courageusement, sous ses couleurs, avec son porte-avions et ses régiments, et il faut leur en rendre hommage. Or, de leur côté, les États-Unis recourent quant à eux de plus en plus à des milices privées, à des armées de mercenaires. Tout le monde a entendu parler d'Academi, l'ancienne Blackwater et de ces anciens combattants américains rémunérés par le privé. Cela produit une sorte de dilution de l'image de l'engagement américain, avec des gens venant de nulle part mais qui malgré tout préservent les intérêts américains, tandis que nous sommes quant à nous plus visibles, et du coup plus exposés en termes médiatiques. Cela n'est-il pas un élément pouvant poser problème ?

Enfin, des évaluations sont-elles conduites sur les bombardements ? Les chiffres sont considérables : 15 000 sorties de la coalition, dont une part significative de frappes de la France. Disposez-vous d'évaluations pour que vous-même et les chefs militaires qui vous entourent soyez dirigés dans vos décisions ? Au lendemain de l'attentat de Nice, le Président de la République a évoqué l'intervention de l'artillerie ; vous l'avez confirmée. Est-ce avec des canons de longue portée que l'on va attaquer Mossoul ? Nous savons que le bouclier humain est une stratégie communément utilisée par nos adversaires. Certains de nos partenaires européens ont critiqué l'intervention en Libye, estimant que la France risquait de gêner l'effort de réconciliation. Notre Commission des affaires étrangères a entendu l'ambassadeur de France dire lui-même qu'il ne fallait traiter en aucun cas avec le général Haftar ; visiblement, les points de vue divergent d'un ministère à l'autre… Et nous avons perdu trois sous-officiers, vraisemblablement victimes non d'un accident mais d'un tir de missile.

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