Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 26 juillet 2016 à 14h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Les quatre décisions techniques et opérationnelles du Conseil de défense dont je vous ai fait part auraient été prises quoi qu'il arrive, puisque le principe en avait été retenu à Stuttgart, en mai dernier, lors de la réunion des ministres de la défense de la coalition. Je vous ai dit combien j'ai jugé cette réunion utile : il est nécessaire que les ministres de la défense se rencontrent et se parlent et non leurs seuls collaborateurs, aussi talentueux soient-ils, ou les ministres des affaires étrangères. Avec l'autorisation du président de la République, j'ai dit il y a deux mois à mes homologues ce que nous ferions après la prise de Mossoul. Mais il faut se replacer dans le contexte de l'époque : en mai dernier, Falloujah n'était pas tombée, non plus que Qayyarah, et nul ne pensait que cela viendrait si tôt. La décision n'a donc pas été prise en réaction aux événements ; elle était prévue, mais il fallait l'annoncer. C'est ce qui a été fait à l'issue du Conseil de défense, de manière que je me rende à la réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense de la coalition internationale de lutte contre Daech à Washington, le 21 juillet, avec un mandat clair. Il faut garder cette chronologie à l'esprit.

M. Gautier et M. Guilloteau m'ont interrogé sur l'implantation de l'artillerie : ces batteries CAESAR sont actuellement prévues pour Qayyarah et il n'y a aucune raison que cela change. Ce choix, Monsieur Nauche, n'est pas politique mais bien opérationnel. La base aérienne de Qayyarah, qui vient d'être reprise, sera reconstruite et contribuera aussi à l'action visant à reprendre Mossoul. Il s'agit, Monsieur Gautier, d'appui au sol pour l'opération, non pour l'attaque de Mossoul proprement dite. Les pièces d'artilleries sont installées pour accompagner, le cas échéant, les forces irakiennes et kurdes quand elles passeront à l'offensive, conformément à la demande du gouvernement irakien. Entre 150 à 180 personnes serviront ces canons avec, je le redis, une autonomie de décision pour les modalités d'action. Je ne doute pas, Monsieur Guilloteau, que les quatre canons CAESAR seront prélevés là où ils sont le plus disponibles, et je laisse ce choix à ceux qui en ont la compétence.

Pourquoi ne pas accélérer le processus, m'a demandé M. Léonard ? Comme je vous l'ai dit, la coalition n'avait pas forcément prévu que l'offensive sur Mossoul serait déclenchée si tôt. Daech recule plus vite qu'on ne le pensait – mais il faut envisager que certains de ses soldats continuent de résister et de commettre des attentats. La prise de la base aérienne de Qayyarah a été un élément très positif et l'opération pourrait commencer aussitôt après qu'elle aura été remise en état, c'est-à-dire assez vite. C'est désormais une question de semaines.

En Syrie, la situation n'est pas la même. La prise de Raqqa est indispensable mais cela suppose de solidifier des forces pour l'heure encore insuffisantes. Raqqa est une ville de 200 000 habitants. Bien sûr, certains ont fui, mais c'est une autre histoire que de reprendre Falloujah, qui ne compte que 50 000 habitants. La coalition va lancer un programme de formation des militaires, dit train & equip, un peu après la prise de Mossoul. Là où le bât blesse sérieusement, c'est que la politique générale, d'une grande complexité, n'évolue pas assez. Mieux vaudrait, bien sûr, que l'on aboutisse parallèlement à un cessez-le-feu et à la reprise du processus de Genève pour la partie occidentale de la Syrie mais, quoi qu'il en soit, la reprise de Raqqa est un objectif essentiel. Parce que l'on a tendance à l'oublier, je joue en cette matière le rôle de veilleur. Il peut paraître plus « simple », plus logique d'attaquer Mossoul, mais c'est bien depuis Raqqa qu'agissent aujourd'hui la majorité des responsables des attaques en Europe occidentale. Il faut donc être très vigilant. Je répète régulièrement – et mon insistance commence d'être prise en compte – qu'il ne suffira pas d'isoler Raqqa une fois Mossoul reprise, mais qu'il faudra l'attaquer aussi ; pour ce faire, il faudra des troupes, et nous ne sommes plus présents en Irak.

Qui vous dit, Monsieur Gautier, que le porte-avions Charles-de-Gaulle sera dans le Golfe ?

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