Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 26 juillet 2016 à 14h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Tout dépend de l'endroit où il est stationné. L'intérêt du porte-avions tient justement à sa mobilité.

Sur les relations entre DGSE et forces spéciales, des ajustements sont parfois nécessaires mais les relations sont très efficaces et je leur rends hommage.

Le retour potentiel en Europe des foreign fighters partis se battre aux côtés de Daech pose un grave problème dont je souhaite que les alliés l'abordent franchement, car rien ne serait pire qu'un traitement différencié selon les États occidentaux considérés. C'est une question que l'on mettait de côté, mais nous devons tenter de déterminer une posture commune. Nous ne sommes pas au sol : que fait l'armée irakienne si elle capture quelques-uns de ces individus ici où là ? Que fait le PYG ou que font les Kurdes s'ils capturent un djihadiste français ou suisse ? Ce ne sont pas des prisonniers de guerre. Comment applique-t-on les droits différents des différents États ? Il faut une posture commune. Aussi avons-nous décidé à Washington que les directeurs juridiques des ministères de la défense des pays de la coalition se réuniraient début septembre pour déterminer si une position commune est possible. Ensuite aura lieu une réunion des ministres de la défense, et peut-être aussi des ministres des affaires étrangères. Si l'on ne parvient pas à s'accorder, la France élaborera sa propre position.

Cette question, Monsieur Straumann, n'est pas seulement une affaire de services secrets : il faut aussi définir ce que l'on fait d'eux une fois qu'ils sont capturés par les forces irakiennes ou kurdes, d'autant qu'il n'existe pas de convention d'extradition entre l'Irak et la France, ce qui ajoute à la difficulté. D'où l'importance de maintenir des relations convenables et franches avec la Turquie pour que ce pays participe au dispositif.

La réserve opérationnelle de niveau 1 du ministère de la Défense et la réserve opérationnelle de la gendarmerie ne sont pas utilisables dans les mêmes conditions. La réserve opérationnelle de la gendarmerie a une tradition d'immédiateté territoriale : elle peut se mobiliser immédiatement, mais dans la proximité. La réserve des forces armées est composée de militaires qu'il faut organiser pour les projeter ; ce sont des soldats au plein sens du terme, qui sont généralement mobilisés régulièrement toute l'année : leur formation est beaucoup plus longue. J'espère atteindre un effectif de 40 000 hommes, c'est l'objectif fixé. Nous en avons recruté 2 000 en un an, ce qui est satisfaisant. Leur nombre a augmenté et nous sommes en mesure de les former, mais vous avez raison, Monsieur Voisin, nous avons peut-être intérêt à renforcer la communication dans les centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) pour bien faire connaître les obligations et les critères, notamment d'âge. Mais il est parfaitement possible, quel que soit son âge, de demander à être versé dans la réserve citoyenne si l'on dispose des compétences nécessaires. C'est pour nous un défi considérable ; nous y ferons face au mieux. La mesure commence à porter ses fruits.

Je n'ai reçu des États-Unis aucune information sur le déploiement de drones équipés de missiles.

Monsieur Guilloteau, les Mirage stationnés sur la base H5 seront remplacés par des Rafale. Ils seront en nombre plus limité – douze avions au lieu de quatorze – mais leur capacité de frappe sera significative. L'action, dans son ensemble, sera longue. J'espère qu'au Levant, elle sera la plus courte possible…

Pour vous répondre, monsieur Frédéric Lefebvre, je reprendrai ce que j'ai dit dans mon propos liminaire sur la nature de Daech. Le mouvement a trois composantes qui s'articulent : une composante territoriale, une composante de projection terroriste internationale et une composante « califat numérique ». Il faut frapper le coeur – ceux qui diffusent l'idéologie qui est à l'origine de tout cela ; c'est ce que nous faisons, dans les conditions que j'ai décrites. Le rôle des services de renseignement est d'identifier les commandos pour anticiper et prévenir l'action terroriste. Enfin, la lutte contre le califat numérique exige l'unité du pays. En réalité, les attentats visent à déstabiliser la démocratie jusqu'à la détruire. Nous devons donc affirmer nos valeurs fondamentales quelles que soient nos divergences – qui sont l'expression même de la démocratie – et faire preuve d'une résilience à toute épreuve. La démocratie suppose aussi de dire la vérité, y compris à huis clos quand c'est nécessaire, pour éviter que nos ennemis aient vent d'informations qui pourraient leur être utiles. Quand des initiatives sont proposées, elles sont discutées pour assurer les fondements de notre destin collectif, puisque c'est ce qui est en jeu maintenant.

Quand nous aurons détruit le coeur de Daech, ce ne sera pas fini, pour deux raisons : non seulement cette idéologie aura pénétré les esprits, mais on peut craindre que d'autres – Jabhat al-Nosra, AQMI… – ne prennent le relais. Pour éviter de telles métastases, il faut s'employer à définir des solutions politiques durables dans les territoires concernés. La vigilance est indispensable : on l'a vu en Libye, dont Daech était absent il y a deux ans, mais où il est devenu un réel sujet de préoccupation, car la Libye est très proche de l'Europe. Certes, les partisans de Daech n'y sont pas encore très nombreux, et il ne faudrait pas que leur nombre s'accroisse. La Libye est un pays indépendant, avec un gouvernement reconnu. C'est à lui qu'il revient de prendre les initiatives nécessaires et de demander les aides dont il pense avoir besoin ; ce n'est pas le cas pour l'instant, mais notre préoccupation demeure.

Il faut oser, avez-vous dit, Monsieur Lefebvre ; nous réfléchissons, bien sûr, mais il s'agit d'une affaire de longue durée.

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