Intervention de Monique Orphé

Réunion du 20 septembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales :

Je me félicite de ce projet de loi en faveur de l'égalité réelle, qui concrétise un engagement du Président de la République et est très attendu dans les territoires ultramarins. Néanmoins, madame la ministre, si des félicitations s'imposent, je constate que le titre III, qui renferme les dispositions sociales, porte uniquement sur le régime particulier mahorais.

Il est vrai que les spécificités du territoire mahorais et le processus de départementalisation, somme toute encore assez récent, rendent d'autant plus urgentes les mesures de convergence contenues dans le projet de loi. Il me semble pourtant que le rapport rendu au Premier ministre par Victorin Lurel montre qu'un très long chemin reste encore à parcourir pour assurer l'égalité réelle entre les outre-mer et l'Hexagone. Même si beaucoup a déjà été fait, les territoires ultramarins restent les plus inégalitaires, et des retards persistent – on parle de douze ans pour la Martinique et la Guadeloupe, de vingt-cinq ans pour La Réunion et de trente ans pour Mayotte.

Pour réduire ces écarts, il faut, au-delà de la programmation, des mesures fortes en matière sociale. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais recueillir votre avis, madame la ministre, sur d'éventuelles dispositions complémentaires susceptibles d'enrichir le projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui, si tant est qu'elles ne soient pas déclarées irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

J'attire en premier lieu votre attention sur l'ASPA, qui bénéficie aux personnes qui n'ont pas travaillé mais complète surtout les petites retraites, d'autant plus faibles dans les territoires ultramarins que le rattrapage du SMIC y a été tardif et que nombre de salariés n'ont pas cotisé, les employeurs ne les ayant pas déclarés à l'époque. Or le mécanisme de récupération sur succession propre à cette allocation est très mal vécu par nos concitoyens ultramarins, dont certains vont jusqu'à renoncer à la percevoir pour préserver le petit patrimoine qu'ils lègueront à leurs héritiers. Si cela peut se justifier pour des personnes n'ayant pas travaillé, pour les autres au contraire, c'est d'autant plus injuste qu'elles sont frappées par une double peine : non seulement leur retraite est inférieure à celles des personnes qui n'ont pas travaillé mais, en outre, elles ne peuvent pas émarger à certaines prestations dues aux allocataires du minimum vieillesse, parce que leurs revenus sont supérieurs à celui-ci.

Pour résoudre ce problème, plusieurs solutions peuvent être envisagées. La première consisterait à supprimer le mécanisme de récupération sur succession. La seconde serait de relever le seuil au-delà duquel s'opère le recouvrement sur succession : de 39 000 euros aujourd'hui, ne pourrait-on envisager de le porter à 50 000 voire à 100 000 euros ? La troisième solution consisterait enfin à instaurer un minimum contributif majoré à hauteur de l'ASPA, et ce pendant une durée de trente ans, puisque le SMIC a été aligné en 1996. Ce sont là trois propositions que je vous soumets concernant l'ASPA et les petites retraites.

Le deuxième problème est celui des prestations familiales. Vous le savez comme moi, les critères de leur attribution sont parfois différents de ceux qui s'appliquent en métropole, ce qui pénalise certaines familles. Ainsi, le complément familial n'est ouvert dans les DOM qu'aux parents d'enfants âgés de trois à cinq ans, alors que, dans l'Hexagone, il bénéficie aux familles d'au moins trois enfants, mais dès leurs trois ans et jusqu'à leur vingt et unième année. Bien sûr, les objectifs poursuivis par la politique familiale ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Néanmoins, ne devrait-on pas envisager d'étendre le bénéfice de ce complément dans les outre-mer, par exemple jusqu'à seize ans, âge limite de scolarisation, quitte, le cas échéant, à restreindre le dispositif aux familles de plusieurs enfants ? Jusqu'aux cinq ans de l'enfant, c'est peu vu le coût certain que représente la scolarisation, notamment pour les familles ultramarines.

Le troisième et dernier problème que j'aimerais soulever est l'application de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), qui, dans les DOM, n'est ouverte qu'aux parents d'enfants handicapés, alors qu'elle bénéficie en métropole à tous les parents ayant réduit ou cessé leur activité pour s'occuper de leurs enfants – sous condition de ressources, naturellement. Je souhaite que l'on revienne sur ce que je considère comme une profonde inégalité. Madame la ministre, quel est votre avis sur l'extension de ce dispositif ?

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