Intervention de Chantal Berthelot

Réunion du 20 septembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Berthelot :

Notamment en Guyane, nous sommes très fiers de nos origines diverses et variées, très fiers de nos ancêtres qui ne sont pas des Gaulois. Nos ancêtres sont des Chinois, des Eurasiens, des Amérindiens ou des Bushinenges.

S'agissant de l'égalité réelle, le Gouvernement a fait preuve de beaucoup d'ambition et il s'est fixé des objectifs louables, mais le texte produit me laisse perplexe, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire. Vous m'avez partiellement répondu en disant que vous laissiez une place à la coproduction. Victorin Lurel a même parlé de très belle coproduction. Alors, étonnez-moi ! Faites en sorte que nous puissions sortir de nos travaux avec une très belle coproduction, et mes commentaires seront alors complètement différents.

Nos compatriotes ultramarins souffrent d'inégalités d'une manière très quotidienne, madame la ministre, comme vous avez pu vous en rendre compte sur le terrain à l'occasion de votre mission parlementaire. Les inégalités concernent l'accès à des services publics sur tout le territoire, à des soins de qualité, à l'emploi, à l'énergie, au logement, au numérique, à la garantie d'une plus grande sécurité, à l'éducation, à la culture. Il existe des inégalités externes et internes. En Guyane comme en Polynésie française, les inégalités internes sont aussi importantes que les inégalités externes.

La liste est longue, composée également de besoins que d'aucuns pourraient juger futiles ou accessoires. Permettez-moi de rappeler que nos concitoyens aimeraient avoir des abonnements internet et téléphoniques à des prix aussi décents que ceux qu'ils voient dans les publicités télévisées. Ils aimeraient aussi avoir accès à des billets d'avions à des tarifs abordables pour rejoindre l'Hexagone et les autres outre-mer. Pour aller de Guyane en Martinique ou en Guadeloupe, il faut parfois dépenser 700 euros dans un billet d'avion. À la lecture de ce projet de loi, force est de constater que les mesures proposées à ce stade ne permettront pas à nos concitoyens d'atteindre l'égalité réelle sur ces problématiques très précises.

Les mesures sociales doivent être densifiées. Des mesures économiques, sanitaires, environnementales et sécuritaires apparaissent indispensables. Vous avez indiqué, madame la ministre, que la coopération régionale, la culture et l'environnement pourraient faire l'objet de nouveaux titres. Sur l'environnement, j'ai des amendements prêts et quasiment déposés. Il faudrait y travailler ainsi que sur la culture.

J'aimerais aussi revenir sur l'évaluation, un sujet sur lequel j'ai commis un rapport avec Ibrahim Aboubacar et d'autres collègues. Nous y avons rappelé que l'évaluation des politiques publiques commence à prendre corps en France, même si elle chemine lentement. Il s'agit d'un enjeu important pour nous tous. Comme les points de convergence vont être territorialisés, chacun va proposer une stratégie et des objectifs. Sans données fiables et indicateurs très concrets, on ne pourra pas évaluer ces politiques publiques.

Dans un communiqué publié hier, France Stratégie rappelle la manière d'évaluer l'impact des politiques publiques sur nos territoires, évoquant une entité indépendante et des experts. « Encore faut-il pour cela disposer d'informations précises qui permettront d'arbitrer en faveur des solutions produisant les meilleurs résultats », indique le communiqué. Il est donc nécessaire de disposer d'une méthode et de données en amont. Nous pourrions nous inspirer du guide édité par France Stratégie pour faire des propositions concrètes concernant l'article 8 et de vraies mesures d'évaluations. Nous devons en effet nous interroger sur nos objectifs et les moyens employés pour y parvenir. Les mesures prises sont-elles les bonnes ? Il s'agit de moyens financiers mais aussi d'adaptation au territoire.

Nous partageons le constat d'échec évoqué par Maina Sage. Il me semble que les échecs sont surtout dus à des choix qui n'étaient pas adaptés à nos réalités géographiques et culturelles, à notre environnement, à nos particularismes. Avec une bonne évaluation, peut-être coproduirons-nous une loi ouvrant le chemin vers l'égalité réelle souhaitée par ceux qui nous ont précédés en 1946. Nos concitoyens l'exigent de nous aujourd'hui.

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