Intervention de Yann Galut

Séance en hémicycle du 28 septembre 2016 à 15h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYann Galut :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Ce texte restera sans aucun doute l’un des marqueurs de la justice économique et sociale défendue par la gauche au cours de la présente législature, et je tiens de ce point de vue, monsieur le ministre, à vous remercier pour votre détermination.

L’un des enjeux dont nous avons à débattre est la protection des lanceurs d’alerte. Pendant des années, le dispositif de protection en la matière est resté quasi inexistant, si l’on excepte trois ou quatre mesures incluses dans différentes lois au cours des dernières années.

Au moment de l’examen du texte en nouvelle lecture, j’ai une pensée pour Irène Frachon, Stéphanie Gibaud, Hervé Falciani, Nicole Meyer – qui se trouve dans nos tribunes –, Nicolas Forissier, Antoine Deltour et tous ceux qui ont risqué leur carrière, leur travail ou même leur vie pour la défense de l’intérêt général, et qui n’ont pu bénéficier d’un régime de protection adéquat.

Il y a un an, après de nombreuses rencontres et un travail de longue haleine avec des ONG – dont Transparency International et la Fondation Sciences citoyennes, que je remercie de leur coopération –, j’ai déposé, avec des députés SRC, une première proposition de loi tendant à créer un régime général et effectif de protection des lanceurs d’alerte, dont nous avons besoin. Vous avez souhaité intégrer, monsieur le ministre, cette proposition au projet de loi qui nous est soumis. À l’époque, nos objectifs étaient d’écrire une loi globale, qui définisse, encadre et protège le droit d’alerte en France ; de créer un cadre institutionnel en sécurisant les canaux de l’alerte ; d’organiser le dédommagement ou l’indemnisation des lanceurs d’alerte ; d’instituer, enfin, des sanctions pénales spécifiques pour toute entrave au droit d’alerte.

Le texte dont nous débattons répond grandement, me semble-t-il, à ces objectifs ; il faut notamment relever les nombreuses avancées qui y ont été introduites depuis le début de son examen. Je remercie notamment M. Sébastien Denaja, rapporteur, d’avoir travaillé avec détermination au renforcement de ce régime, ainsi que Sandrine Mazetier, notre responsable de groupe, et tous les parlementaires qui se sont impliqués pour apporter la meilleure protection possible aux lanceurs d’alerte.

Cependant, si je pense qu’un grand nombre d’entre nous sont d’accord sur le fond, le texte, en son état actuel, soulève encore quelques incertitudes, et il peut être amélioré pour garantir une meilleure efficacité. C’est pourquoi j’ai déposé, avec de nombreux collègues, des amendements sur certains articles. Je vous appelle à y être attentifs dans ce moment décisif.

Il s’agit, premièrement, d’assurer une définition claire, précise et intelligible du lanceur d’alerte, afin de garantir la protection la plus large et la plus effective possibles ; et, deuxièmement, de parfaire l’arsenal des mesures de protection, dont certaines ont été supprimées par le Sénat de manière à le rendre aussi complet que possible et à garantir son efficacité.

Il nous faut d’abord compléter le dispositif prévu dans le cas d’une implication de la hiérarchie, sinon de l’employeur, dans l’objet de l’alerte, cas sans issue en l’état actuel du texte, lequel n’autorise pas non plus une saisine immédiate du Défenseur des droits. Sans cela, les mécanismes d’alerte interne prévus seraient inefficaces et n’auraient pour conséquence que la destruction de preuves et de probables représailles à l’encontre des lanceurs d’alerte, que ce texte vise à protéger.

Le rétablissement de la nullité de l’acte dans le cas d’un licenciement ou d’une autre sanction prise à l’égard d’un lanceur d’alerte est essentiel et conforme à notre droit du travail, pour la réparation des dommages et la possibilité donnée au salarié du secteur privé de réintégrer son emploi, ce que ne prévoit pas le texte dans sa rédaction actuelle.

Ce même salarié doit également avoir la possibilité de saisir le conseil des prud’hommes, lequel pourra, entre autres, prononcer sa réintégration dans l’entreprise ou, s’il en est besoin, le maintien du salaire jusqu’au prononcé du jugement.

L’introduction de sanctions pénales contre les représailles, notamment physiques, à l’égard des lanceurs d’alerte, si souvent victimes d’intimidations, et le rétablissement de l’amende civile en cas de procédure abusive contre un lanceur d’alerte, doivent également figurer au chapitre des mesures souhaitables s’agissant des différentes atteintes et entraves au droit d’alerte.

Enfin, dans un esprit d’équilibre nécessaire au régime général que nous créons, et pour éviter les excès, le rétablissement de l’engagement de la responsabilité pénale lors d’un signalement abusif, selon la mesure adoptée au Sénat, devrait être soumis à notre discussion.

Les modalités de secours financier du Défenseur des droits au lanceur d’alerte doivent, quant à elles, être précisées pour que le Défenseur des droits puisse exercer avec sérénité la nouvelle mission qui lui est ici confiée.

Je n’entrerai pas, sur le fond, dans le détail de toutes les propositions dont nous allons bientôt débattre ; mais, vous l’aurez compris, il s’agit surtout de compléter, de « peaufiner » et d’apporter des réponses aux dernières incertitudes restantes, afin de continuer dans la voie qui a été engagée.

L’étape qui est devant nous est décisive. Elle permettra à la France de combler définitivement son retard en la matière, et d’être tête de file parmi les nations qui garantissent le meilleur régime de protection. Je ne doute pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, de votre détermination collective pour oeuvrer en ce sens.

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