Intervention de Philippe Naillet

Réunion du 26 septembre 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Naillet :

Je partage totalement les propos de M. Serge Letchimy. L'égalité réelle est attendue sur le plan social mais aussi sur le plan économique puisque le développement économique, le rapporteur l'a souligné, doit favoriser l'emploi. Or nos taux de chômage sont en moyenne deux fois, voire deux fois et demie plus élevés que celui de la France hexagonale.

M. Serge Letchimy a rappelé que toutes les avancées que nous avons obtenues depuis soixante-dix ans furent d'abord le fruit de la mobilisation sociale. Le texte qui nous est soumis offre pour la première fois une opportunité formidable : celle de construire l'égalité réelle. C'est à nous, les élus d'outre-mer, qu'il appartient de lui donner un contenu, mais notre rapporteur a raison : cela ne se fera pas en neuf ou dix mois.

Le monde économique a su jusqu'à présent se saisir des différents dispositifs législatifs, la LODEOM en particulier ; mais il évolue désormais dans un contexte d'opportunités nouvelles : la révolution numérique supprime les distances, réduit considérablement les temps de traitement ; la croissance se crée désormais au sein de nos bassins géographiques respectifs. Ainsi, La Réunion compte dans son voisinage des pays à forte croissance : l'Afrique du Sud, le Mozambique, l'Éthiopie – qui a connu jusqu'en 2014 un taux de croissance de 10 % par an, de 8,5 % aujourd'hui ; or un Réunionnais met moins de temps à se rendre en Éthiopie qu'en France hexagonale. Nos entreprises attendent par conséquent de nous que nous créions les conditions devant leur permettre de saisir toutes ces opportunités. Notre développement économique reposait jusqu'à maintenant exclusivement sur deux éléments : l'import-substitution et la commande publique. Chacun voit bien que ce système atteint ses limites. Il faut donc, j'y insiste, saisir les opportunités que j'ai mentionnées et mettre le paquet sur la formation – j'y reviendrai.

Je me félicite que l'article 12 du texte définisse un nouveau dispositif de continuité territoriale financé par l'Agence de l'outre-mer (LADOM) pour répondre à des besoins bien identifiés dans nos territoires. Il faut en effet aller plus loin en matière de mobilité car celle-ci est essentielle à notre développement. Elle favorise le développement culturel, économique et social des territoires ultramarins dans leur zone géographique. Un rapprochement avec les pays de la zone favoriserait aussi l'insertion des outre-mer et de leurs populations dans leur environnement. C'est pourquoi je proposerai deux amendements visant à mettre en place un dispositif de type « Eramus régional » favorisant les échanges entre les jeunes ultramarins – étudiants, demandeurs d'emploi, salariés devant suivre une formation – et les jeunes des pays de leur zone géographique. L'outil ainsi créé a vocation à revaloriser la mobilité des jeunes ultramarins et à offrir de nouvelles opportunités d'insertion professionnelle.

Je regrette que, dans l'Océan Indien, dans les Caraïbes, en Amazonie ou en Océanie, l'Union européenne ne conduise pas de véritables politiques régionales de développement, bien qu'elle y consacre des moyens considérables ; cela, faute d'une vision stratégique et géographique qui devrait prévaloir sur la considération du statut juridique des bénéficiaires.

L'article 11 crée un dispositif « cadres d'avenir » à Mayotte, s'inspirant de ce qui se fait en Nouvelle-Calédonie, pour permettre aux jeunes d'accéder à des formations puis à des emplois de haut niveau dans l'administration publique et dans le secteur privé.

L'article 13 étend la possibilité d'intégrer les travailleurs informels dans une démarche de validation des acquis de l'expérience en contrepartie de leur insertion dans un parcours de formalisation progressive de leurs activités.

Je proposerai également une dérogation au nombre maximum de stagiaires pouvant être accueillis dans les start-up. Les outre-mer connaissent, en effet, je le répète, un taux de chômage deux fois plus important que dans l'hexagone, mais ils regorgent aussi de volonté d'innovation.

J'en profite pour souligner qu'à La Réunion nous avons créé une zone d'activité concernant plusieurs secteurs, parmi lesquels les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). En moins de vingt ans, plus de 200 entreprises s'y sont installées et plus de 1 200 emplois se sont créés.

Le titre IV que nous examinons contient également des dispositions pour lutter contre la vie chère et pour renforcer la concurrence et l'investissement.

Quand elle était députée, Mme Ericka Bareigts, à laquelle j'ai succédé quand elle a été nommée au Gouvernement, a été rapporteure de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer. Ce texte traduisait l'engagement n° 29 de François Hollande pendant la campagne présidentielle : « Je lutterai sans concession contre les monopoles et les marges abusives pour réduire la vie chère. » De nombreuses avancées ont été obtenues, telles que la mise en oeuvre du bouclier qualité-prix, la limitation des tarifs bancaires, ou encore l'aide au développement des filières de production pour lutter contre les structures monopolistiques. Au-delà de ce texte, la majorité a également obtenu la fin du roaming qui causait une inégalité entre ultramarins et hexagonaux en matière de frais téléphoniques. Le projet de loi poursuit cette ambition : l'article 14 élargit ainsi la liste des opérateurs économiques participant à la négociation du bouclier qualité-prix aux transporteurs maritimes et aux transitaires.

Il ne faut pas oublier que bon nombre des territoires ultramarins sont insulaires. Il est important, en ce sens, d'ouvrir notre espace maritime : le Gouvernement a réaffirmé à plusieurs reprises l'ambition maritime de la France pour qu'elle soit présente au grand rendez-vous de l'économie bleue. C'est que, grâce à ses outre-mer, la France dispose de la deuxième puissance maritime mondiale. C'est pourquoi je proposerai un amendement visant à évaluer la mise en place d'une école supérieure des métiers de la mer, outre-mer, pour permettre à nos jeunes de devenir officiers de marine, capitaines de navire ou encore ingénieurs – d'autres métiers apparaîtront d'ici là. Des formations professionnelles continues de haut niveau permettront à nos jeunes de trouver rapidement une activité professionnelle et aux filières de bénéficier de salariés formés, étape indispensable à la structuration d'une force économique encore sous-estimée.

L'article 15, enfin, permet de suspendre la décision des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) à la remise de l'avis de l'Autorité de la concurrence. Cet avis est en effet important pour certains projets considérables qui peuvent avoir des conséquences durables sur la structuration du paysage et sur la situation concurrentielle d'un territoire. Le but est de se prémunir des situations oligopolistiques ou monopolistiques sur les territoires ultramarins.

Encore une fois, il s'agit pour nous de donner une nouvelle dimension au développement économique ultramarin, qui dépendra de notre capacité à saisir les opportunités pour les décennies à venir.

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