Intervention de Ibrahim Aboubacar

Réunion du 26 septembre 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar :

L'étape que les outre-mer sont sur le point de franchir est cruciale. Depuis une dizaine d'années, en effet, les outre-mer se cherchent, qu'il s'agisse des responsables politiques, de la rue – je pense aux événements de 2009 et de 2011 – ou des législateurs, qui ont tenté de mettre en place des dispositifs de développement, l'Union européenne s'interrogeant elle aussi de son côté. Au-delà, et on l'a constaté à l'occasion du colloque sur le soixante-dixième anniversaire de la départementalisation, on voit bien que, pour ce qui concerne les quatre vieilles colonies, nous sommes arrivés au bout de quelque chose.

Notre ambition doit donc être au moins égale à celle de 1946. J'entends par là que les travaux que nous conduirons, une fois le texte voté, devront donner une crédibilité à cette égalité réelle. Pour l'heure, en outre-mer, beaucoup s'interrogent : est-ce un slogan, est-ce un argument de campagne électorale ? Non : c'est, je le répète, une nouvelle étape, très importante, qui exige que nous lui donnions toute la crédibilité nécessaire. Il va falloir, à cette fin, que nous libérions les énergies de tous les acteurs que nous appelons au rendez-vous de cette nouvelle étape, les acteurs politiques comme les acteurs économiques. Or libérer les énergies suppose de l'inventivité, de l'innovation, mais également de la confiance, une confiance reposant sur la permanence des dispositifs que nous allons mettre en place. Il n'y a rien eu de pire, ces dernières années, en matière de développement économique outre-mer, que les incertitudes liées aux dispositifs votés année après année et aux atermoiements budgétaires, alors que les acteurs économiques ont besoin de se projeter dans le temps.

Nous allons mettre en place des plans de convergence d'une durée de dix à vingt ans selon les territoires. Dix à vingt ans, c'est une durée longue ; ils ne pourront avoir de sens que pour autant que les outils mobilisés pour leur mise en oeuvre suscitent la confiance, qui elle-même dépendra de leur durabilité et leur efficacité. Certains dispositifs en vigueur devront être prolongés, comme l'a précisé M. Serge Letchimy, afin de nous laisser le temps, dans les deux années à venir, de mieux définir ceux dont nous aurons besoin pour réaliser cette nouvelle ambition. Or, les outils que nous serons amenés à expérimenter devront, si je puis dire, être globaux.

Nous allons devoir définir une stratégie pour assurer toute sa cohérence à ce texte qui se présente comme un projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, mais qui porte également d'autres dispositions en matière sociale et économique. Il serait bon que ces dispositions, sauf exception, tendent toutes vers cet objectif d'égalité réelle, notamment par la résorption des handicaps. Reste que nous sommes toujours quelque peu bridés par la nécessité de respecter l'article 40 de la Constitution et il n'est pas toujours évident pour nous, en l'espèce, de faire des propositions, en particulier sur les nombreux articles qui prévoient des expérimentations. Mais comme le Gouvernement nous a invités à co-construire un texte qui vient de loin, nous entendons bien répondre à son invitation.

On notera que plusieurs propositions de différentes commissions se recoupent. La commission des affaires économiques est saisie du titre IV, qui ne figurait pas dans l'avant-projet ; aussi devons-nous le renforcer afin de proposer un dispositif pérenne.

Pour ce qui est du territoire de Mayotte, nous avons engagé le processus de départementalisation en 2011. Depuis lors, j'ai été de ceux qui se sont battus pour que soit défini un plan stratégique « Mayotte 2025 », afin de nous aider à hiérarchiser les priorités tant elles étaient nombreuses. Il nous manquait, pour appliquer certaines dispositions, un appui législatif ; or le présent projet de loi peut constituer cet appui législatif. On a mentionné, par exemple, le dispositif « cadres d'avenir », mais il n'est pas le seul.

C'est que nous sommes bien loin, à Mayotte, de l'égalité réelle : il s'agit déjà d'obtenir l'égalité dans les domaines les plus basiques comme l'éducation, la santé… L'égalité réelle apparaît à Mayotte comme un luxe : si déjà nous pouvions franchir l'étape de l'égalité tout court ! Nous allons donc faire deux étapes en une, conduire deux processus en même temps alors que la stratégie de développement des autres départements d'outre-mer pourra consister en un processus unique. Rappelons que Mayotte a été la première collectivité territoriale d'outre-mer à se doter d'une collectivité unique et la première à avoir modernisé ses outils de gouvernance. Nous mènerons donc ce double processus avec toujours la volonté de donner à notre action de la crédibilité. J'insiste sur ce mot car le programme « cadres d'avenir » faisait partie de l'accord signé entre l'État et les élus de Mayotte en 2001 – c'en était même l'une des points fondamentaux puisque nous savions que nous ne pouvions pas engager la transformation juridique alors à l'oeuvre sans cadres. Or ce point n'a pas été appliqué, ce qui explique les difficultés que nous rencontrons dans la mise en oeuvre de la départementalisation. S'il l'avait été, nous n'aurions pas à proposer de nouveau aujourd'hui un programme de formation de cadres, indispensable au renforcement des capacités des collectivités locales. Espérons que l'on n'aura pas à nous reprocher, dans vingt ans, de n'avoir pas appliqué les dispositions que nous nous apprêtons à voter.

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