Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 29 septembre 2016 à 9h30
Agence nationale de santé publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique.

Nous avons effectivement voté, dans le cadre de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, un article 166 créant l’Agence nationale de santé publique. Sont assignées à cette dernière des missions de surveillance, de prévention, d’alerte et de réponse aux urgences sanitaires. M. le rapporteur l’a rappelé, elle réunit, dans un souci de simplification et de rationalisation, trois autres agences : l’Institut de veille sanitaire, InVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, INPES, et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, EPRUS. Son existence est effective depuis le 1er mai 2016 et elle porte désormais le nom Santé publique France.

Les députés du groupe Les Républicains ont approuvé l’article 166 de la loi santé. Néanmoins, si nous approuvons cette simplification et cette rationalisation, nous n’en demeurons pas moins vigilants sur son fonctionnement et naturellement très opposés au reste de la loi santé.

Il se trouve que j’ai eu la chance de participer, sur proposition de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, à la visite organisée dans les locaux de l’Agence nationale de santé publique, à Saint-Maurice. Ce fut une chance car, en rencontrant M. François Bourdillon, directeur général de l’agence, et le personnel de direction, j’ai pu mieux appréhender les conséquences de notre vote. J’ai apprécié l’investissement et l’implication de cette équipe dans ses actions de service public sanitaire. J’ai aussi évoqué avec eux la volonté de travailler à la prévention plutôt que guérir le mal quand il arrive. Il s’agit d’une conviction profonde de l’équipe que nous avons rencontrée. Je souhaite que nous la préservions dans toutes nos actions en matière de santé publique, j’y reviendrai dans quelques instants.

De même, la fusion des agences EPRUS, InVS et INPES, de leurs compétences et de leurs savoir-faire, doit donner naissance à un établissement dont l’action aura plus de poids, plus d’efficacité et plus d’impact, notamment grâce à de véritables synergies et économies d’échelle, grâce au regroupement sur un même lieu de l’ensemble des agences et à une crédibilité accrue à l’international.

L’ambition de l’Agence nationale de santé publique est, selon Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, de « mieux connaître, expliquer, préserver, protéger et promouvoir l’état de santé des populations ». Elle se veut au service des populations sur l’ensemble du champ sanitaire. Cet axe « populationnel » lui confère sa spécificité par rapport aux autorités chargées des produits, des risques ou des pratiques – je pense à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation, de l’environnement et du travail, et à la Haute autorité de santé. Cet axe fait aussi d’elle un outil de santé unique en France.

Au cours de ses auditions, M. Bourdillon a donné d’importants gages de crédibilité, en faisant part de sa volonté de construire une agence nationale de santé publique à l’image de ce qui a été fait en Angleterre ou aux États-Unis – dans ce pays, l’« Obamacare » a déjà prouvé son efficacité. Il s’est aussi engagé à ce que l’agence soit capable non seulement de mesurer l’état de santé des populations mais également de déterminer des priorités étayant la décision publique ou encore d’expérimenter et d’innover en matière de prévention. Le groupe Les Républicains ne peut que soutenir l’idée d’une modernisation de nos pratiques en matière de prévention et de veille sanitaire, consistant à nous fonder plus lisiblement et plus visiblement sur le digital, les réseaux sociaux et le développement du numérique, à des coûts de plus en plus accessibles pour tous.

Nous devons être capables de mieux exploiter les données, épidémiologiques en particulier, et de mieux utiliser les possibilités offertes par le big data. Dans cette logique, M. Bourdillon propose une sorte de météo des différentes maladies afin que tout un chacun bénéficie des informations nécessaires relatives aux risques d’épidémie, aux maladie émergente ou aux menaces sanitaires.

Pour autant, l’Agence nationale de santé publique n’a pas vocation à empiéter sur les prérogatives des autres agences. Au niveau local, la répartition des tâches est claire et doit le rester. Les cellules régionales dépendent hiérarchiquement de l’agence nationale mais sont installées dans les agences régionales de santé et doivent bénéficier de leur appui opérationnel. Nous devrons donc demeurer vigilants et veiller à ce que chacun reste dans son rôle car nous tous, ici, connaissons les écarts qui peuvent séparer la théorie de la pratique.

Les ressources devraient rester stables en 2016. En effet, les documents budgétaires du projet de loi de finances pour 2016 et du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale sanctuarisent le budget et les effectifs de Santé publique France. Les 625 agents des trois anciennes structures ont tous vu leurs postes confirmés. Le contraire eût été un bien mauvais signe pour une agence qui vient d’être créée.

Je me réjouis par ailleurs, monsieur le rapporteur, de la réponse que vous m’avez adressée en commission des affaires sociales, le mercredi 21 septembre dernier, confirmant que toutes les agences seront regroupées sur le site de Saint-Maurice et que les travaux de regroupement commenceront dès le mois de février 2017. J’y vois un signe de rationalisation, laquelle, nous l’avons dit, était l’un des objectifs de l’article 166 de la loi santé.

Quant au financement de l’agence, il demeure assez complexe. En 2016, elle est financée en partie par l’État, à hauteur de 85 millions d’euros, ce qui correspond à la somme des aides de l’État antérieurement créditées pour l’InVS, l’INPES et l’EPRUS, et en partie par l’assurance maladie, pour 44 millions d’euros.

Or, dans le contexte budgétaire actuel de réduction des dépenses publiques, tout conduit les opérateurs de l’État à rechercher des économies partout où ils le peuvent. Nous sommes tout à fait conscients des efforts nécessaires, même si nous ne partageons pas forcément vos choix, chers collègues de la majorité, mais nous devons tous rester vigilants afin que l’Agence nationale de santé publique continue de bénéficier des moyens nécessaires à sa mission, tout en étant très attentifs aux économies qui doivent découler du regroupement de trois structures. Je note d’ailleurs à mon tour que les trois établissements regroupés ont commencé dès 2010 à contribuer à cet effort financier, en réduisant leurs budgets cumulés de 80 millions d’euros entre 2010 et 2015.

Nous devons aussi être conscients que les missions de mobilisation de la réserve sanitaire et de prévention peuvent être coûteuses mais s’avèrent in fine tellement utiles aux populations et certainement aussi, quand elles sont bien pratiquées, génératrices d’autres économies.

Enfin, j’approuve les deux amendements adoptés ce matin en commission des affaires sociales, prévoyant que siègent au conseil d’administration de Santé publique France deux députés et deux sénateurs. Il me semble en effet légitime que les représentants de la nation soient pleinement associés aux orientations stratégiques de protection et de prévention auprès des populations.

Si nous sommes favorables à ce projet de loi de ratification, nous ne signons pas pour autant un chèque en blanc et nous réaffirmons notre opposition à la majeure partie des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé. Nous persistons à soutenir qu’elle ne répond en rien à la désertification médicale, à l’impérative nécessité de prendre le virage de l’ambulatoire, à l’organisation hospitalière nécessaire à notre pays, à une meilleure coopération entre le sanitaire et le médico-social et j’en passe. Au lieu de cela, chers collègues de la majorité, en votant cette loi santé et, en particulier, en instaurant le tiers payant généralisé, vous avez organisé un système d’assistanat qui risque d’être très préjudiciable à notre système de santé.

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