Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 29 septembre 2016 à 15h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique — Article 21

Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances :

Cet article étant important, je vais détailler à la fois des éléments de réponse et d’appréciation. J’indique au préalable que l’amendement de M. Colas me semble répondre à la préoccupation partagée en fait par les uns et les autres.

Que les choses soient claires : un mécanisme de résolution tel que celui-ci est d’abord et avant tout un mécanisme de protection des petits épargnants. En effet, si on ne met pas en place un dispositif de cette nature, uniquement bien sûr en cas de crise grave et avérée mettant en cause la stabilité financière – on voit bien qu’il ne s’agit pas de palier simplement une difficulté de liquidité d’un jour –, c’est pour éviter que les gros épargnants, bien informés et avisés, retirent progressivement la totalité des sommes qu’ils avaient déposées dans le cadre d’une assurance-vie, au point que l’organisme d’assurance se retrouve à un moment donné dans l’incapacité de faire face aux autres demandes de retrait. Les victimes seront alors les petits épargnants, qui ne disposaient évidemment pas, eux, du même type d’information, et qui ne pourront plus rien retirer parce que leur compagnie d’assurance aura été mise en faillite, ce qui les placera en très grande difficulté. L’objectif de la proposition de M. Colas, à juste titre précisée par le Sénat pour souligner la gravité des crises concernées, c’est d’abord et avant tout de protéger les petits et moyens épargnants.

Les uns et les autres ont ensuite exprimé une préoccupation que je crois parfaitement légitime : il ne faudrait pas que le système de résolution empêche, en particulier les petits épargnants, de procéder à des retraits, souvent de petites sommes, pour faire face à des situations difficiles de leur vie. Je connais la liste des cas que vous avez évoquée, notamment parce qu’elle a été dressée avec beaucoup de désintéressement et d’efficacité par une grande association qui a suggéré un amendement à ce titre – ce n’est pas faire injure aux uns et aux autres que de le rappeler –, amendement que j’ai bien entendu examiné très attentivement avec mes équipes et qui renvoie au vôtre, monsieur de Courson.

Mais votre amendement, monsieur de Courson, répondrait-il concrètement à la préoccupation qui est la nôtre ? Je crains que non parce que vous demandez à la compagnie d’assurance elle-même, qui se trouverait déjà en situation de panique, d’examiner, d’instruire, une par une, des centaines, des milliers voire des dizaines de milliers de demandes de retrait de petites sommes pour faire face aux aléas de la vie, afin de voir si chacune correspond bien à des cas de dérogation figurant dans la liste que vous proposez. Trop de précisions imposées à la compagnie d’assurance dans le traitement de ces dossiers risque d’aboutir à une impossibilité de fait. Imaginez, monsieur de Courson, que nous soyons dans une grande crise, que la compagnie d’assurance joue sa peau face à des problèmes gigantesques, et qui devrait instruire, en l’espace de quelques jours ou de quelques semaines tout au plus, des milliers de dossiers. Elle ne pourra pas le faire, sera mise en faillite, et les petits épargnants auront alors perdu l’ensemble de leurs économies.

L’amendement de M. Colas, quant à lui, répond à notre préoccupation en prévoyant que le Haut conseil de stabilité financière – que j’ai l’honneur de présider puisque c’est ainsi que votre assemblée en a décidé en votant la loi bancaire – devra, dans les mécanismes qu’il mettra en oeuvre dans les cas de crise grave, tenir compte des difficultés que je viens d’évoquer, soit en mettant en place sa propre liste des cas dérogatoires, soit en autorisant les petits retraits, système qui serait plus simple à appliquer pour les compagnies d’assurance en raison de son automaticité.

Certains de nos débats montrent des contradictions entre nous très profondes, mais je crois que nous allons tous ici dans le même sens. Vous considérez tous que c’est une bonne chose de donner aux pouvoirs publics, en l’occurrence à une institution chargée de la stabilité financière, la capacité de réagir pour protéger les épargnants, mais de manière suffisamment fine et adaptée pour répondre aux préoccupations des épargnants les plus faibles. La proposition de M. Colas, que je soutiens, me paraît plus efficace, plus réaliste et plus adaptée à une situation qui serait de toute façon une situation de crise grave. C’est pourquoi nous devrions pouvoir se retrouver autour de cet amendement qui répond à la préoccupation exprimée par les uns et les autres et que le Gouvernement partage.

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