Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 4 octobre 2016 à 15h00
Égalité réelle outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, chers collègues, permettez-moi d’abord d’exprimer le plaisir et l’émotion qui sont les miens aujourd’hui, en retrouvant parmi vous mon siège de députée, à l’occasion de ce texte sur l’égalité réelle, sur lequel j’ai eu l’occasion de beaucoup travailler. Bien entendu, il n’est pas parfait – j’ai entendu les critiques – mais je suis persuadée qu’il marquera une étape essentielle dans le droit des outre-mer.

L’expérience de l’exécutif m’a appris que, pour agir, si certains disent qu’il faut souffrir – les cabinets ministériels en savent quelque chose –, il faut surtout maîtriser l’art du compromis, qui n’est pas la compromission, mais l’occasion d’une confrontation salutaire avec le principe de réalité. Nos idéaux ne doivent pas nous empêcher d’agir mais nous permettre de négocier au mieux les inévitables insatisfactions, de respecter et d’intégrer l’avis de ceux qui veulent plus, de ceux qui veulent moins et de ceux qui ne veulent pas.

Nos concitoyens d’outre-mer doivent savoir que j’ai tâché de les servir dans le souci constant d’améliorer le quotidien de leur existence présente comme à venir. Je les laisse entre de bonnes mains puisque ce sont celles d’Erika Bareigts.

L’année 2016 a été l’occasion, pour quatre régions d’outre-mer, de célébrer le soixante-dixième anniversaire de leur départementalisation. Cette loi, adoptée à l’unanimité en 1946, fut un succès moral, économique et social ; elle a mis fin à des injustices intolérables.

Mais, des années plus tard, que demandent nos concitoyens d’outre-mer ? À être traités en Français comme les autres : ni plus, ni moins. À ce que la France, où qu’elle se trouve sur la terre, ne soit pas moins la France.

L’expression d’« égalité réelle », si elle a été popularisée au cours des dernières décennies par le philosophe américain John Rawls et par le prix Nobel d’économie Amartya Sen, est apparue pour la première fois, vous le savez, dans le Journal d’instruction sociale, que tenait Nicolas de Condorcet en plein drame de la Terreur. À l’idée abstraite du peuple, Condorcet préférait les individus singuliers qui le composent. Pour lui, l’égalité réelle n’était ni un slogan, ni un concept, mais une alarme pour rappeler qu’un idéal non suivi d’effets concrets n’est qu’une illusion parmi d’autres, que la République n’est plus républicaine si elle ne tient pas elle-même ses promesses.

La gauche a toujours porté une attention particulière à nos concitoyens d’outre-mer et, depuis 2012, le Président de la République s’est attaché à réaliser les engagements qu’il avait pris envers les ultramarins. Je dois dire que des avancées réelles ont scandé la vie de nos concitoyens. Cependant, nous avons besoin d’un principe normatif qui commandera toutes les futures politiques gouvernementales pour les vingt années à venir. C’est dans cette perspective que le Président de la République et le Premier ministre ont chargé Victorin Lurel du rapport qui a posé les jalons de ce projet de loi.

Vous connaissez le tableau des outre-mer ; je n’y reviendrai donc pas. Je crois qu’il faut que l’État se dote de perspectives à long terme pour que les gouvernements successifs, quelle que soit leur tendance politique, soient tenus par ces plans de convergence entre les territoires d’outre-mer et l’Hexagone, et qu’il soit engagé, comme les collectivités territoriales, pour les dix ou vingt prochaines années.

Contrairement à l’un de nos collègues, je pense que ces plans doivent être territorialisés, parce qu’ils sont précisément un accord négocié entre les élus et l’État. Par conséquent, il ne s’agira pas de calquer ce qui se fait dans l’Hexagone mais d’adapter des stratégies et des démarches permettant à chaque territoire d’outre-mer, en fonction de ses caractéristiques propres, d’arriver à un niveau de développement équivalent à celui de la métropole, même s’il n’imite pas absolument ce qui se fait dans tel ou tel département métropolitain.

Par ailleurs, il est également important d’avoir un suivi rigoureux, afin de mesurer la contribution de ces plans et de ces interventions, pour réduire les écarts de développement avec l’Hexagone mais également les écarts internes, qui sont un problème réel, nous le savons.

Aujourd’hui, ce dont nous avons besoin dans les outre-mer, c’est d’un volontarisme républicain. Nous devons nous dire que les valeurs d’égalité ne sont ni un acquis ni une rente, mais un combat à mener sans relâche, une promesse à tenir inlassablement. Les ultramarins ne veulent pas d’une égalité de principe mais d’une égale dignité de toutes les personnes, d’une égalité devant la loi, d’une égalité des droits, d’une égalité sociale et d’une égalité des chances. Ils l’espèrent, ils l’exigent et, je crois, ils y ont droit.

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