Intervention de Michel Pouzol

Séance en hémicycle du 6 octobre 2016 à 9h30
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Pouzol :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous retrouvons ce texte en lecture définitive, après que la commission mixte paritaire n’a pu aboutir, en raison des positions trop éloignées de nos deux chambres. Le Sénat, en nouvelle lecture, a adopté une motion de question préalable en séance publique, le jeudi 29 septembre dernier. Par conséquent, notre assemblée examine aujourd’hui le texte dans la version issue de sa dernière lecture – cela a déjà été dit.

Je tiens à rappeler, d’abord, que cette loi est d’initiative parlementaire, ce qui démontre encore une fois, s’il en était besoin, que notre commission et, plus largement, les parlementaires ont à coeur de moraliser le secteur de l’audiovisuel mais aussi de renforcer les moyens de son indépendance, oeuvre à laquelle nous nous sommes consacrés collectivement depuis le début de cette législature. Ainsi, depuis que la gauche est au pouvoir, nous avons réalisé des réformes structurantes en matière d’indépendance : avoir redonné au CSA le pouvoir de nommer les présidents de l’audiovisuel public en est sans doute le meilleur exemple – vous avez eu raison de le rappeler, madame la ministre. La proposition de loi sur laquelle nous devrons nous prononcer dans quelques minutes s’inscrit ainsi dans la droite ligne du travail mené par notre commission depuis le début de la législature, mais il faut aussi constater que le contexte particulier de ces derniers mois requiert l’intervention du législateur.

En effet, chacun l’a constaté, la concentration en marche dans les médias depuis deux ans montre que la problématique de l’indépendance est aujourd’hui un enjeu majeur pour tous. À cet égard, l’esprit et la substance du texte se retrouvent tout entiers dans son titre : indépendance et pluralisme. La nécessité de légiférer part d’un constat terrible : les grands médias appartiennent à des grands groupes financiers et, de fait, les journalistes peuvent, dans l’exercice de leur profession, être soumis à des pressions, des influences, des censures, ce qui porte atteinte au principe d’impartialité, qui est la pierre angulaire de l’information du public. Il est, dès lors, de notre devoir de protéger les journalistes du risque de changement de ligne éditoriale, d’actionnaires, ou de rachat. Pour ce faire, l’article 1er étend à tous les journalistes, quels que soient les médias dans lesquels ils travaillent, le droit d’opposition. Aucun journaliste ne pourra désormais être contraint d’accepter « un acte contraire à son intime conviction professionnelle ».

Le deuxième élément fort de ce texte est la protection des médias contre les pressions économiques. L’article 2 confie au CSA le soin de veiller à ce qu’aucune atteinte ne soit portée aux principes d’indépendance et de pluralisme de l’information. Grâce à cet article, nous ne serons plus démunis devant les pressions éventuelles émanant d’annonceurs sur la programmation d’un reportage ou d’un documentaire comme, cela a pu être le cas par le passé à plusieurs reprises.

Je souhaite également saluer la création des comités relatifs à l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes. Vous l’avez rappelé en première lecture, monsieur le rapporteur, ce type d’organisme a émergé au cours de ces dernières années, d’abord au Monde puis à France Télévision, avant que les questions de déontologie soulevées par les terribles attentats de 2015 n’encouragent leur création au sein des chaînes d’information continue. Au cours des auditions que j’ai eu le plaisir de mener dans le cadre du projet de loi de finances 2017, à propos du chapitre relatif à l’avance à l’audiovisuel public, j’ai pu constater que cette mesure jouissait d’un retentissement très favorable au sein des chaînes privées comme publiques qui, avant même la promulgation de la loi, organisent la constitution de ces comités et semblent avoir saisi le bénéfice de cet outil de régulation interne.

Enfin, ce texte contient également une disposition particulièrement importante, dont l’initiative revient encore une fois aux parlementaires : la désormais fameuse protection du secret des sources des journalistes, dont M. le rapporteur s’est fait largement l’écho. La détermination parlementaire à voir enfin aboutir ces dispositions est totale et absolue. Je remercie particulièrement mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, au premier rang desquels Marie-Anne Chapdelaine, bien entendu, mais aussi ceux, siégeant sur d’autres bancs de notre assemblée comme Marie-George Buffet, Isabelle Attard et Noël Mamère, qui m’ont rejoint dans ce combat tenace.

La profession journalistique tient particulièrement à ce sujet. La loi Dati, qui allait dans ce sens, restait très floue quant au périmètre d’application de cette protection des sources. Lorsque nous étions dans l’opposition, nous avions affirmé avec force qu’il était nécessaire de clarifier ces dispositions, afin de permettre aux journalistes, qui sont un des piliers de notre démocratie, d’effectuer leur travail en toute intégrité, en particulier en matière d’investigation. En nouvelle lecture, nous avons abouti à un compromis acceptable et avons voté à l’unanimité des amendements conformes aux dispositions de la version adoptée par la commission des affaires culturelles en 2013, en y ajoutant la protection de l’anonymat de nos agents de renseignements travaillant sur le sol étranger ou national, ce qui, en cette période de troubles, nous a semblé fondamental.

Pour cette dernière raison, comme pour toutes celles que nous avons évoquées précédemment, et à la suite des explications de Mme la ministre et de notre rapporteur, Patrick Bloche, je vous invite, mes chers collègues, à adopter en lecture définitive cette proposition de loi innovante, qui renforce notre démocratie et la liberté de chacun en matière d’information.

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