Intervention de Jérôme Lambert

Séance en hémicycle du 13 octobre 2016 à 9h30
Lutte contre terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui à l’occasion de la journée réservée au groupe Les Républicains pour examiner un texte visant à renforcer la lutte contre le terrorisme.

Ce texte, rejeté en commission des lois la semaine dernière, vise à renforcer le suivi et le fichage des individus radicalisés identifiés comme constituant une menace grave à la sécurité nationale grâce à des critères objectifs et listés. Il prévoit une interdiction du territoire français de principe pour les étrangers qui menaceraient l’ordre public ou se seraient rendus coupables de délits ou de crimes passibles de cinq ans de prison et tend à limiter les aménagements de peine. Il s’agit également de faciliter la fouille des détenus et de renforcer leur isolement électronique, ce qui est déjà prévu, ou encore d’aligner la légitime défense des policiers sur celle des gendarmes, cheval de bataille de notre rapporteur depuis fort longtemps.

Ces propositions entendent apporter des réponses aux attaques terroristes, qui sont par nature imprévisibles, soudaines et incontrôlables, et l’attentat de Nice du 14 juillet dernier, aux victimes duquel il sera rendu un hommage national demain, en est malheureusement un tragique exemple.

Pour lutter contre ces assassins barbares, sans que nous ayons attendu ces propositions, il existe un arsenal législatif en matière de lutte contre le terrorisme grâce à différents textes que nous avons adoptés depuis 2012, et que le groupe Les Républicains a par ailleurs votés.

Il y a ainsi la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, qui permettait aux services de police ou de gendarmerie, en particulier les services de renseignement, de recueillir des données relatives aux télécommunications et à internet, de renforcer les contrôles d’identité dans de nombreuses circonstances, d’accéder à certains fichiers administratifs, mais également de renforcer les possibilités d’expulsion et de poursuivre devant les juridictions pénales françaises les Français et les personnes résidant habituellement sur le territoire français ayant commis à l’étranger un délit en lien avec le terrorisme. Ce qui semble être l’une de vos préoccupations premières est donc déjà largement satisfait, mes chers collègues.

Il y a ensuite la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, qui a mis en place un dispositif d’interdiction de sortie du territoire lorsqu’il existe des raisons sérieuses de croire que les déplacements visent à participer à des activités terroristes, renforcé les peines encourues en cas d’infraction, mais aussi créé un dispositif d’interdiction administrative du territoire pour tout ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État membre de l’Espace économique européen ainsi que tout membre de sa famille lorsqu’il constitue une menace sérieuse pour un intérêt fondamental de la société. Ces interdictions valent, cela va de soi, pour tout étranger non ressortissant de l’Union européenne.

La loi de 2014 a également introduit un dispositif de blocage administratif des sites internet appelant au terrorisme ou en faisant l’apologie, renforcé les mesures d’assignation à résidence en cas de comportement lié au terrorisme, créé un délit d’entreprise terroriste individuelle en cas de trouble grave à l’ordre public par l’intimidation ou la terreur puni de dix ans d’emprisonnement.

Il y a encore de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui vise à réorganiser et à encadrer les services spécialisés de renseignement.

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, responsable du contrôle administratif, pourra contrôler la mise en oeuvre des techniques du renseignement, notamment l’expertise des données informatiques. Cette loi a également encadré les dispositifs de captation de proximité permettant de recueillir des données d’identification des individus. Enfin, les recours à la sonorisation de lieux ou de véhicules, la captation d’images ou de données informatiques, et l’intrusion domiciliaire sont permis et encadrés.

De la même manière, le renforcement des effectifs de police et de gendarmerie atteste l’implication des pouvoirs publics dans la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité des Français.

Vous l’aurez donc compris, de nombreuses mesures ont été prises afin de lutter contre le terrorisme, et nous ne pouvons laisser planer un doute quant à l’implication de tous les parlementaires et du Gouvernement sur l’ensemble de ces sujets.

L’adoption des différents textes relatifs au dispositif de l’état d’urgence sur le territoire est encore un signe de cette détermination sans faille.

En outre, je reviendrai sur l’avis du Conseil d’État du 17 décembre 2015 sur la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme.

Cet avis, rendu à la suite d’une saisine du ministre de l’intérieur, précise que, s’il « appartient aux autorités de police administrative, afin d’assurer la protection de l’ordre public, de prendre des mesures à caractère préventif qui peuvent comporter des mesures affectant ou restreignant des libertés, […] elles ne peuvent prendre à ce titre des mesures privatives de liberté » et qu’ainsi, « au plan constitutionnel et au plan conventionnel, il n’est pas possible d’autoriser par la loi, en dehors de toute procédure pénale, la rétention, dans des centres prévus à cet effet, des personnes radicalisées, présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de police, sans pour autant avoir déjà fait l’objet d’une condamnation pour des faits de terrorisme ». C’est clair.

Le Conseil d’État précise que « seule une assignation à résidence qui se bornerait, pour les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité, à restreindre leur liberté de circulation avec des modalités d’exécution laissant à l’intéressé une liberté de mouvement conciliable avec une vie familiale et professionnelle normale, pourrait, le cas échéant, être envisagée dans un cadre administratif » mais qu’en revanche, pour ce qui concerne le placement sous surveillance électronique, seule « cette mesure de surveillance renforcée des personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité ne paraît pas devoir porter une atteinte disproportionnée à la liberté personnelle de l’intéressé, et en particulier au respect de sa vie privée ».

Le Conseil d’État a récemment donné son avis sur la constitutionnalité d’un certain nombre de mesures qui figurent dans le texte. Il n’est donc pas possible de les adopter dans le cadre de notre État de droit. Ainsi mes chers collègues, nous ne pouvons revenir sur le débat de l’internement préventif des personnes fichées S, même si elles présentent un risque. Tout est dit. Nous sommes dans un État de droit et la loi doit répondre, nous le savons, à des principes constitutionnels. Le Gouvernement fait tout ce qu’il est possible de faire, et nous serions sans doute mieux inspirés de faire bloc sur ces questions plutôt que de laisser planer le doute sur les intentions des uns ou des autres.

Je reviendrai maintenant sur la méthode employée par nos collègues.

Hasard du calendrier sans doute, effet d’aubaine peut-être, nous notons que cette proposition de loi, cosignée par une large majorité des parlementaires du groupe Les Républicains, est examinée le jour même du premier débat entre les candidats à la primaire de votre parti politique.

Vous comprendrez, mes chers collègues, qu’en dépit de tout le respect que nous avons pour votre travail et de l’importance que nous accordons à l’initiative législative venant des parlementaires eux-mêmes plutôt que du Gouvernement, qui, je le rappelle, organise l’essentiel de l’ordre du jour de notre assemblée, nous ne sommes pas dupes. Le débat parlementaire ne peut être l’avant-show du débat des primaires qui vous réunira ce soir.

Le groupe RRDP, en tant que groupe minoritaire, est sensible au fait qu’il faut reconnaître le droit au débat parlementaire pour l’ensemble des sensibilités, et nous nous sommes opposés à de nombreuses reprises aux motions de procédure déposées par le groupe majoritaire. Toutefois, dans le cas précis qui nous occupe, en raison de la date choisie, parce que nous refusons d’être les otages des débats internes à la primaire de la droite, vous comprendrez que nous ne puissions soutenir un tel texte…

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