Intervention de Philippe Goujon

Séance en hémicycle du 13 octobre 2016 à 9h30
Lutte contre terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Nous allons rétablir quelques vérités.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, de la fusillade de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher aux massacres du Bataclan et de Nice, des meurtres de policiers, d’enfants juifs à ceux de prêtres ou de gardiens de prison, le terrorisme a fait 238 morts sur notre sol depuis 2015. Dans le même temps, la France reste la principale filière alimentant le djihad syrio-irakien : près de 700 Français l’ont rejoint, tandis que l’on compte près de 15 000 individus radicalisés sur notre territoire.

Les prisons, qu’on a pu qualifier d’écoles du crime, deviennent celles du terrorisme – plus de 15 % des terroristes s’y sont radicalisés. Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, mais aussi Mohamed Merah, auteur des attentats de Toulouse, ou Mehdi Nemmouche, le tueur du musée juif de Bruxelles, pour ne citer qu’eux, ont tous été incarcérés pour des délits de droit commun avant de se radicaliser en prison.

Alain Bauer l’a confirmé : ce terrorisme est pluriel, perpétré à l’international comme en France par des délinquants fanatisés ou des « lumpenterroristes » au lourd profil psychiatrique. Pour tenter de répondre à cette menace, notre assemblée a déjà examiné depuis 2012 une dizaine de lois antiterroristes. Par esprit de responsabilité, nous les avons toutes adoptées, même si elles étaient très insuffisantes.

Aussi ne prétendez pas, quand les rapports des commissions d’enquête parlementaires en pointent les considérables lacunes, que notre arsenal juridique ne peut être amélioré, car si c’était le cas une seule grande loi aurait suffi. Et, si nous ne proférions que des inepties, comme vous essayez de le faire croire, comment qualifier la palinodie de la déchéance de nationalité ? Vous ne reprendriez pas certains de nos amendements dans les lois ultérieures, avec un temps de retard, quand il faut avoir un temps d’avance sur les terroristes.

La France représentant la première cible de Daech, mieux vaut prévenir l’attentat, hélas, à venir, que le précédent. Face à la menace terroriste, notre arsenal pénal n’est pas complet, contrairement aux assertions du Président de la République, de même que l’on a pu dire que, contre le chômage, on avait déjà tout essayé. Un seul chiffre, mais très inquiétant : 40 % des individus revenus de Syrie ne peuvent faire l’objet d’une judiciarisation immédiate, faute d’éléments suffisants pour caractériser l’infraction. Adoptez enfin les mesures fortes adaptées à l’état de guerre que vous reconnaissez, même s’il s’agit d’une guerre asymétrique.

L’état d’urgence ne pourra pas nous protéger indéfiniment d’une menace devenue permanente. Aussi faut-il envisager les dispositifs qui en prendront le relais dans le cadre du droit commun. Les individus représentant une menace pour la sécurité nationale doivent être placés sous très haute surveillance, par une assignation à résidence ou un placement en centre de rétention administrative, assortis bien sûr de toutes les garanties avec le contrôle du juge des libertés et de la détention. La plupart de ceux qui ont commis des attentats, ne l’oublions pas, étaient fichés S.

Le juge constitutionnel sait adapter sa jurisprudence au changement de circonstances dans le cadre de son contrôle de proportionnalité : il a ainsi déjà validé la rétention de sûreté, l’hospitalisation d’office ou les peines planchers. Quant au Conseil d’État, il tient compte également, depuis l’arrêt Dames Dol et Laurent de 1919, des nécessités provenant de l’état de guerre.

Trois mois après leur publication, et alors que le comité de suivi n’est toujours pas en place, nous vous offrons ici le véhicule législatif adéquat pour appliquer plusieurs propositions de la commission d’enquête sur les attentats, qui a fait un travail tout à fait remarquable, comme la création d’une base de données commune à l’ensemble des services, du fichier unique des radicalisés ou d’un délit de séjour sur un théâtre d’opérations terroristes, permettant le traitement judiciaire du bas du spectre. Ce sont des propositions de la commission d’enquête Fenech-Popelin, et non pas des élucubrations.

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