Intervention de Julien Dive

Séance en hémicycle du 13 octobre 2016 à 15h00
Défibrillateur cardiaque — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant de développer davantage la position du groupe Les Républicains, je veux d’abord, à titre personnel, saluer le travail du député Jean-Pierre Decool, à l’origine de cette proposition de loi élaborée avec beaucoup d’écoute et d’expérience – l’expérience du terrain dont disposent les parlementaires ayant accompli des mandats locaux.

Nous allons débattre aujourd’hui d’une proposition de loi transpartisane – vous l’avez saluée, madame la secrétaire d’État –, qui sert l’intérêt général et vise à défendre une grande cause de santé publique. Elle s’inscrit dans l’esprit de la Grande cause nationale consacrée cette année aux « comportements qui sauvent », et renforce la solidarité par l’apprentissage de réflexes qui peuvent aider autrui. Nous pouvons donc raisonnablement nous attendre à un soutien de la majorité sur une problématique qui touche tous les Français sans distinction.

En effet, 50 000 personnes décèdent d’un arrêt cardiaque chaque année en France ; 95 % des arrêts sont fatals lorsqu’ils ne sont pas rapidement pris en charge par les services de secours ou, à défaut, par une personne tierce, comme c’est le plus souvent le cas dans l’espace public. Le taux de survie s’élève à seulement 5 % avec un massage cardiaque, et grimpe à 35 % quand la victime est défibrillée.

Ce week-end encore, dimanche 9 octobre, un habitant de ma circonscription a été victime d’un arrêt cardio-ventilatoire à proximité du bassin de la piscine de la ville de Gauchy. Les agents présents l’ont pris en charge tout d’abord en réalisant un massage cardiaque. À la suite d’un deuxième arrêt survenu dans la foulée, le défibrillateur automatisé externe – DAE – installé sur place a été utilisé dans l’attente des secours, et cet homme a pu être sauvé. Sans le sang-froid, la compétence de ces agents, et la présence du DAE dans le centre sportif, c’est toute une famille qui serait en deuil au moment où je vous parle.

Mais en France à l’heure actuelle, tous n’ont pas la même chance que ce monsieur. Tous les équipements sportifs et, de façon plus générale, tous les lieux fréquemment visités par le grand public ne sont pas équipés de manière égale. Selon l’endroit où parvient ce type d’accident, vous n’auriez donc pas les mêmes chances de survie que votre voisin.

Convenons-en, il serait irréaliste de croire que nous pourrions sauver toutes les victimes, mais nous avons le pouvoir d’éviter un certain nombre de ces décès prématurés, par plusieurs moyens. En tant que député, j’ai suivi l’exemple de Jean-Pierre Decool et du sénateur Alex Türk en déposant cette année plusieurs dossiers de financement de défibrillateurs cardiaques dans ma circonscription, via la réserve parlementaire. Des associations et communes en avaient exprimé le besoin et j’ai jugé normal de leur venir en aide, comme l’ont déjà fait avec succès nos collègues nordistes. Ici, au sein de cet hémicycle, nous pouvons voter des dispositions pour augmenter le nombre de défibrillateurs sur notre territoire, notamment dans les entreprises, les lieux à forte densité résidentielle, ou certains locaux commerciaux ; en un mot, dans des lieux qui accueillent un public important et où les probabilités d’accidents cardiaques sont statistiquement élevées.

Je regrette donc évidemment le choix du groupe socialiste, qui a préféré supprimer certains articles de cette proposition de loi lors du travail en commission, car les faits sont là : utiliser un défibrillateur cardiaque en cas de fibrillation ventriculaire fait grimper le taux de survie à 25 %. La mise en place d’un maillage de défibrillateurs pourrait donc sauver une personne sur quatre victimes d’un arrêt cardiaque, en France. Aujourd’hui, dans notre pays, seulement 3 à 5 % des victimes hors de leur domicile sont sauvées, contre 26 % aux États-Unis qui ont expérimenté sur leur territoire une distribution généralisée des défibrillateurs. Nous devons donc progresser !

En France, vous avez aussi, par exemple, plus de chances de survivre à un arrêt cardiaque dans un avion que dans la rue ! En moyenne, les chances sont de l’ordre de 17 % en vol, contre 3 % au sol. La présence de défibrillateurs à bord et d’un personnel formé au secourisme n’y sont pas pour rien, c’est vrai, et tous les Français ne peuvent pas forcément recevoir la même formation de sécurité. Mais vous comprendrez que c’est bien en combinant une plus forte quantité d’appareils, leur bonne répartition dans les lieux publics et une formation accrue à leur usage que l’on pourra vraiment réduire le nombre de décès prématurés. J’espère vivement que la majorité saura trouver le chemin de la raison en votant tout amendement qui pourrait contribuer à poursuivre la généralisation de l’installation de tels appareils.

Je déplore, de la même manière, que nos collègues socialistes n’aient pas jugé important de pénaliser davantage les dégradations et vols de défibrillateurs cardiaques disponibles dans les lieux publics, comme le prévoyait l’article 1er de la proposition de loi. Ce n’est, à mon sens, pas le bon signal à envoyer aux personnes malveillantes qui pourraient s’attaquer, pour une raison qui nous échappe, à ce type d’installation mise à disposition de tous. Nous ne pouvons fermer les yeux sur de tels actes lorsque des coupables ont été identifiés, voire arrêtés, par les forces de l’ordre ! Des peines ou des amendes moins élevées pourraient peut-être faire consensus sur nos bancs respectifs ; nous pourrions envisager d’autres moyens de dissuasion, mais tout, sauf l’indifférence !

Dans son élan, la majorité n’a toutefois pas supprimé la dernière mesure de cette proposition de loi, qui vise à améliorer l’utilisation des défibrillateurs cardiaques en informant mieux les plus jeunes sur le fonctionnement de ces appareils, en cas d’urgence. Les réflexes qui sauvent doivent s’apprendre le plus tôt possible. C’est pourquoi il est primordial de sensibiliser les jeunes à l’usage de défibrillateurs cardiaques au moment de leur formation initiale en milieu scolaire.

La formation à destination du grand public est une mesure dont nous pouvons nous féliciter : en cas d’accident cardiaque, au domicile ou dans la rue, les personnes qui sont près de la victime ne parviennent pas toujours à agir, par peur de mal faire ou par crainte d’aggraver l’état de santé de celui ou celle qui a besoin d’aide. Même lorsqu’un défibrillateur est à proximité, tous ne savent pas l’utiliser correctement. Là encore, nous devons agir pour que cet état de fait change le plus vite possible.

Les établissements recevant du public ont déjà l’obligation d’être équipés en défibrillateurs. Nous pouvons envisager d’étendre cet impératif aux centres de formation comme les collèges ou les lycées, dans lesquels ces installations seraient un moyen pour les jeunes de se familiariser avec les appareils. Cette sensibilisation serait un complément aux formations théoriques et pratiques pour un meilleur usage des défibrillateurs – au sein du collège, du lycée, ou ailleurs.

Étendre l’installation de défibrillateurs cardiaques et sensibiliser les Français à leur usage, c’est permettre à chacun d’aider son prochain quand la situation l’exige. C’est de solidarité nationale que nous parlons ici : chacun, en un instant, peut sauver la vie de l’un de ses proches ou de l’un de ses concitoyens. Parce qu’un accident cardiaque peut intervenir à tout moment, arriver à n’importe qui, et que les secours ne peuvent pas toujours arriver immédiatement, parce que chaque minute perdue représente 10 % de chances de survie en moins, il faut que chacun ait les moyens d’agir vite. Personne ne peut, seul, remplacer les secours. Mais dans une telle situation d’urgence, c’est à l’entourage immédiat de la victime de prendre les choses en main.

Maintenant, c’est de nous que dépend la possibilité de cette solidarité. Certains d’entre vous, en commission, ont exprimé des réserves quant au coût de l’installation et de l’entretien régulier des défibrillateurs. Ces réserves sont tout à fait compréhensibles en période de restriction budgétaire, de baisses des dotations pour les collectivités territoriales, et de difficultés de financement des associations.

Mais nous pouvons innover, imaginer par exemple une application smartphone ou un site internet, grâce auquel chaque citoyen pourrait signaler en temps réel l’état d’un défibrillateur installé à un endroit donné, indiquer s’il a été dégradé, volé, ou s’il n’est plus en état de fonctionner du fait de l’usure. Ce suivi régulier donnerait un aperçu global du nombre de défibrillateurs disponibles et faciliterait les opérations de maintenance en indiquant l’emplacement exact des appareils à remplacer. Quant à ceux qui ne disposent pas de tels outils, ils pourront demander à un proche, ou même à un élu comme le maire, de s’occuper du signalement. Ici aussi, la solidarité prime. Chacun serait appelé à se responsabiliser, à penser un peu plus aux autres et à se rendre utile au besoin. C’est cela, appartenir à une communauté nationale. Le prix de la généralisation des défibrillateurs cardiaques, de leur entretien, des formations pour les usagers, nous devons le payer. C’est le prix de nombreuses vies sauvées ; le prix à payer pour que de nombreuses familles ne soient plus séparées avant l’heure. Cela ne dépend que de nous.

Le groupe Les Républicains votera donc les amendements visant à rétablir l’esprit d’origine de ce texte et les dispositions qu’il contenait avant son passage en commission. Les députés de notre famille politique voteront cette proposition de loi.

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