Intervention de Arlette Grosskost

Séance en hémicycle du 18 octobre 2016 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArlette Grosskost :

À l’issue de ce quinquennat, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous affichez une vitrine de votre bilan. Vos indicateurs globaux apparaissent pour le moins comme très ambitieux et optimistes, au service de vos seuls choix politiques ou plutôt programmatiques dont le but est d’asseoir votre pouvoir politique. Pourtant, les sources de préoccupation demeurent multiples et confirment les facteurs baissiers qui se sont concrétisés ces derniers mois. Sans nul doute, votre budget s’éloigne de façon délibérée du principe de prudence qui devrait pourtant primer dans la situation économique et sociale dégradée qui est la nôtre aujourd’hui.

Sur ce projet de loi de finances, vous avez communiqué autour de trois thématiques que je vais reprendre partiellement. La première, c’est la croissance et l’emploi.

Tout d’abord, nous nous devons de constater que les chiffres du chômage sont toujours aussi préoccupants et que les mesures entreprises et appelées à se poursuivre ne seront pas à même d’inverser la courbe du chômage. J’en veux pour preuve les pertes d’emplois du deuxième trimestre 2016, dont l’impact sur la croissance est évalué à 0,4 point. Ceci ne présage rien de bon.

Le chômage des jeunes reste alarmant. Les dispositifs mis en place ont un coût exorbitant pour un résultat des plus décevants. En somme, ils ne sont pas vraiment efficaces pour l’insertion définitive des jeunes concernés. La multiplicité des dispositifs ne change rien à la donne et correspond très mal aux besoins véritables des bassins d’emplois.

Les entreprises créatrices de richesses, donc de croissance et d’emplois, bénéficient certes des mesures favorables introduites au cours de ce quinquennat, qui leur ont permis de restaurer leurs marges et donc de relancer leurs projets. Toutefois, le mouvement reste timide et ces mesures sont loin de compenser les fermetures d’usines de ces dernières années. Parmi les usines encore ouvertes, beaucoup demeurent en sous-régime.

La méthode reste largement perfectible pour bénéficier au plus grand nombre. Ainsi, une véritable baisse des charges empêcherait les employés aux revenus modestes de tomber, entre autres, dans la trappe à bas salaires.

Je salue la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les PME, mais pourquoi prévoir encore et toujours des seuils et des étapes successives difficilement compréhensibles par les premiers intéressés ?

De surcroît, quel est l’intérêt, si ce n’est une astuce budgétaire, d’avancer en 2017 la perception de plusieurs millions d’euros de recettes sur le dos des entreprises ? La trésorerie a un coût, et les fonds de roulement vont être obérés au détriment du respect des calendriers d’investissement. Sans parler du nouveau coup de canif dans la stabilité fiscale… Vous gonflez des recettes, mais le mouvement s’annulera l’année suivante : curieuse façon de crédibiliser un budget !

Dans la même veine, pourquoi revenir sur la suppression de l’avantage fiscal des actions gratuites alors que ce dispositif visait à valoriser l’embauche de forts potentiels dans les start-up, leviers de notre économie de demain ?

Deuxième thème : les finances publiques. Le budget est selon vous « sérieux et cohérent », des qualificatifs rapidement contredits par le Haut conseil des finances publiques qui l’a jugé « improbable et incertain » au regard, et des recettes, plus ou moins aléatoires, et de l’ensemble des dépenses nouvelles qui relèvent davantage de l’affichage que d’une gestion rigoureuse de la dépense.

Que penser des dépenses inscrites dans les projets des programmes d’investissement d’avenir successifs – PIA – et qui empiètent intégralement sur des missions normalement prévues dans le budget de l’État ? Quid des incertitudes conjoncturelles absentes de vos prévisions, à savoir : l’atonie du commerce extérieur, le Brexit, le climat politique tendu dans l’Union européenne ainsi que le climat géopolitique pour le moins particulier ?

Et quid encore de la crédibilité des annonces sur la baisse des dépenses publiques, lesquelles sont en hausse par rapport à 2016 et toujours très éloignées des taux moyens européens ? De plus, celles-ci continuent de se nourrir de cadeaux électoraux.

Troisième et dernier thème : la justice sociale. Les gestes fiscaux en matière d’impôt sur le revenu sont une faible réponse au matraquage fiscal pratiqué ces dernières années. Certes, c’est une bonne nouvelle pour certains contribuables ; pour autant, il faut rappeler que les prélèvements obligatoires sur les familles ont augmenté de 32 milliards d’euros après 2012.

Ces gestes suffiront-ils à pousser la consommation et surtout à privilégier le made in France qui ne représente que 28 % de celle-ci ? Il est fort à parier que ce petit plus profitera aux importations « bas prix » ou encore, vu le climat anxiogène, à une épargne de précaution. Là encore, n’eût-il pas été préférable de réinjecter des sommes plus importantes dans les circuits financiers par le biais d’une baisse d’impôts généralisée au plus grand nombre au lieu de privilégier une théâtralisation de votre idéologie ?

Plus généralement et pour conclure, l’élan progressiste dont vous vous revendiquez reste à démontrer, d’autant plus que nombre de vos dépenses supplémentaires auront de lourds impacts différés et seront à inscrire au passif des prochaines années. Malheureusement, les retards structurels demeurent.

Force est de constater que ce budget, qui relève d’un exercice d’équilibriste, nous éloigne une nouvelle fois de cette confiance qui devrait pourtant irriguer notre économie et notre tissu social afin de faire de notre pays un véritable moteur du changement et non plus seulement le témoin de notre déclin.

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