Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 4 octobre 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, les évolutions des dernières années sont marquées par un lien de plus en plus étroit entre défense et sécurité intérieure. C'est ce que les Livres blancs de 2008 et de 2013 avaient clairement exposé et c'est ce que, aujourd'hui, l'engagement majeur de nos armées dans des opérations de contre-terrorisme incarne, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières. Cet engagement est cohérent : il revêt des dimensions globales, à l'image de la menace à laquelle nous faisons face. Le Levant, la Libye, le Sahel, sans parler de l'Asie centrale où nous étions présents il n'y a pas si longtemps : il existe des liens forts entre ces théâtres, à raison de la diffusion de l'idéologie djihadiste qui s'est répandue au plan mondial depuis le début des années 2000, et que la guerre déclenchée en Irak en 2003 n'a fait que stimuler davantage. De même, nous avons tous conscience des liens existant entre les actions terroristes commises à l'extérieur de nos frontières, et celles planifiées contre notre pays, sur notre sol.

Cet engagement de nos forces est considérable et il va en s'intensifiant, notamment contre Daech au Levant. Comme le président de la République l'avait annoncé, la France intensifie ses actions militaires de contre-terrorisme, lorsque l'occasion se présente d'éliminer les bases de la puissance d'Al-Qaïda ou de Daech. Notre sécurité, celle de nos concitoyens, visés de façon indiscriminée comme on l'a vu depuis dix-huit mois, passe par la destruction des bases de l'adversaire et par sa défaite militaire. Cela ne suffit pas, mais c'est indispensable, et le travail mené conjointement par nos forces armées, nos services de renseignement et l'appareil de sécurité intérieure doit atteindre ce résultat.

Il y a quelques jours, le groupe aéronaval est arrivé dans sa zone de déploiement pour participer une nouvelle fois aux opérations. Il renforcera significativement nos capacités de frappe, d'observation et de renseignement dans la région, déjà mises en oeuvre sans discontinuer par l'armée de l'air depuis près de deux ans. Depuis peu, une unité d'artillerie avec des canons CAESAR, encadrée par des soldats français, est opérationnelle dans la région de Mossoul, en appui des forces irakiennes qui ont entamé la préparation de la libération de la ville.

En Libye, nous soutenons le gouvernement d'Entente Nationale de M. El-Sarraj, qui était à Paris la semaine dernière et que j'ai eu l'occasion de rencontrer.

Au Sahel, à la suite de l'opération Serval, nous empêchons, avec l'opération Barkhane, la résurgence d'un sanctuaire territorial pour Al-Qaïda et créons les conditions sécuritaires indispensables au règlement d'un conflit de nature politique, comme au développement de cette région si éprouvée. Je reviendrai sur ce sujet et sur les difficultés d'application des accords d'Alger lors de ma prochaine audition consacrée aux opérations extérieures.

Enfin, face à Boko Haram, nous aidons les forces locales du Tchad, du Niger, du Cameroun et du Nigeria à lutter contre cette secte, qui, malgré sa division en deux entités, poursuit les mêmes objectifs meurtriers.

L'importance et l'étendue de ces théâtres d'opération engagent une partie de nos armées au-delà des contrats opérationnels fixés par le dernier Livre blanc. J'insiste par ailleurs sur l'importance de savoir fermer un théâtre d'opérations une fois les objectifs militaires remplis. La gestion de l'opération Sangaris en Centrafrique en est la preuve. Les principaux objectifs assignés aux armées ont été atteints, ce qui nous permet de retirer progressivement nos unités de ce territoire, de favoriser la régénération des forces et de concentrer nos moyens dans d'autres théâtres.

Aujourd'hui, près de 30 000 militaires sont déployés, tant sur notre sol – environ 16 000 en métropole et outre-mer –, qu'à l'étranger où près de 10 000 personnes sont en opérations extérieures (OPEX) et 4 000 autres pré-positionnées en Afrique et aux Émirats arabes unis.

Le niveau de sollicitation actuel, caractérisé par le cumul de déploiements intérieur et extérieur, s'avère donc très élevé, et il s'agit d'une tendance durable. Cette réalité exige de nous des décisions et des efforts financiers à la hauteur de l'engagement de celles et ceux qui nous défendent et qui permettent à nos forces d'accomplir leur mission.

C'est d'autant plus vrai que nous ne saurions focaliser notre défense exclusivement sur la menace terroriste. À ce propos, il me suffit de mentionner les diverses démonstrations de forces russes depuis l'annexion de la Crimée, ou les ambitions territoriales affichées par la Chine en mer de Chine méridionale au détriment de nombreux pays riverains.

Face à ce retour de stratégies de puissance militaire assumées, nos armées doivent garantir l'avenir de notre force de dissuasion nucléaire à deux composantes, conserver l'intégralité de nos capacités à mener des opérations conventionnelles de haute intensité, et renouveler leur posture de protection du territoire national pour surveiller nos approches maritimes, sécuriser nos frontières et notre espace aérien.

L'entretien de toutes ces capacités représente autant de charges financières, humaines, technologiques et opérationnelles qu'il convient d'assumer, pour le présent et pour l'avenir. Ce sont des efforts inscrits, comme toujours en matière de défense, dans le temps long.

Mais c'est ce qu'exige le rang de la France, celui d'un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et d'une nation dont l'engagement est attendu dans le monde.

Dans le même temps, notre environnement stratégique le plus immédiat, l'Europe, s'est fragilisé. La crise des migrants, le Brexit et une forme de défiance mettent en péril le projet fondateur. Confrontée à des défis majeurs de sécurité et de défense, l'Union européenne (UE) s'est dotée, sous l'impulsion de la Haute Représentante, d'une stratégie globale qui doit à présent être mise en oeuvre. Comme vous le savez, avec mon homologue allemande Mme Ursula von der Leyen, nous avons fait des propositions de relance de l'Europe de la Défense, à la demande de la Chancelière et du président de la République. Notre ambition est claire : rendre la politique de sécurité et défense commune plus efficace, avec et au bénéfice de tous les États membres, mais également de l'OTAN.

C'est tout le sens de l'initiative que nous avons présentée la semaine dernière à Bratislava et qui a recueilli un large soutien. Nous avons invité les autres États membres à se joindre à nos efforts en vue du Conseil des ministres formel du 15 novembre puis du Conseil européen de décembre.

Ces développements s'appuient sur une relance très substantielle des coopérations bilatérales, creuset des rapprochements de nos armées, avec l'Allemagne en particulier, et avec le Royaume-Uni – quel que soit le statut de celui-ci par rapport à l'Union Européenne, il restera, à raison des traités de Lancaster House, un partenaire majeur de notre stratégie de sécurité et de défense.

La nécessaire augmentation des moyens de la défense fait l'objet d'un assez large consensus dans notre pays. J'ai entendu plusieurs déclarations visant à porter le budget de la défense à 2 % du PIB, à plus ou moins long terme selon les différentes familles politiques qui soutiennent cette idée. Notre budget nous situe aujourd'hui à 1,77 % pensions comprises, selon la norme de l'OTAN, qui sert de référence tant pour l'Alliance atlantique que pour l'Union Européenne.

L'objectif de 2 %, j'y suis favorable. Il figure à l'article 6 de la loi de programmation militaire 2014-2019 de décembre 2013. Il correspond également aux engagements internationaux de la France envers ses alliés, pris lors du sommet de l'OTAN de Newport en 2014, et confirmés au sommet de Varsovie en juillet dernier.

Pour bien mesurer le contexte des décisions financières figurant dans le présent projet de loi de finances, je vous rappelle les différentes évolutions que notre programmation militaire a connues depuis 2015.

Il y a d'abord eu, vous le savez, après les attentats de janvier 2015, l'actualisation de la LPM votée en juillet 2015. Celle-ci a tiré les premiers enseignements du déploiement de Sentinelle et de nos engagements extérieurs : montée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT) à 77 000 hommes, renforcement de nos capacités en matière d'hélicoptères et de transport aérien, et accroissement de nos capacités de renseignement et de cyberdéfense, pour ne citer que les principales.

Après les attaques du 13 novembre 2015 à Paris, le président de la République, dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès, a conforté ce mouvement avec l'arrêt des diminutions d'effectifs au ministère de la Défense jusqu'en 2019 et un redéploiement de nos effectifs vers différentes priorités : renforcement des unités opérationnelles et de leurs soutiens ; accroissement des moyens de la cyberdéfense et du renseignement ; et intensification des frappes dans les opérations de contre-terrorisme, en particulier au Levant.

En conséquence, lors du Conseil de défense du 6 avril 2016, le président de la République a décidé, sur mon rapport, un ajustement à la hausse des moyens de notre défense, tels qu'ils avaient été programmés par la loi du 28 juillet 2015. Cet accroissement est intégré dans le projet de budget pour 2017 que je vous présente aujourd'hui.

Ainsi, le projet de budget du ministère de la Défense pour 2017 est en hausse de 600 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2016, conformément aux décisions que je viens de rappeler.

La LPM initiale, votée en décembre 2013, prévoyait pour 2017 un budget de 31,6 milliards d'euros. Nous avons porté cette annuité à 32,7 milliards d'euros hors pensions, soit 1,1 milliard de plus en 2017 que dans la LPM initiale et 417 millions d'euros de plus que dans la LPM actualisée en juillet 2015.

C'est dire le chemin parcouru. Bien entendu, ces décisions confortent, sur le fond, les orientations de la loi de programmation militaire actualisée. Elles permettent la mise en oeuvre des priorités de protection du territoire national, de renouvellement des équipements des armées, de soutien à l'activité opérationnelle des forces et de renforcement du renseignement et de la cyberdéfense. Cet effort est intégralement financé en 2017.

Le besoin financier des armées et des services de la défense en 2017 avait été évalué à 775 millions d'euros au-delà de ce qui était prévu dans la LPM actualisée. Nous le couvrons à hauteur de 417 millions d'euros par des crédits budgétaires nouveaux et des recettes de cessions immobilières.

Le solde à financer, soit 358 millions d'euros, est couvert par un redéploiement de marges de manoeuvre : 205 millions d'euros de nouveaux gains sur les coûts des facteurs, qui résultent des indices constatés en mai 2016 – ces gains se traduisent par une nouvelle amélioration du pouvoir d'achat du ministère, qui permet de redéployer des ressources sans toucher au contenu physique prévu ; près de 50 millions d'euros issus de la trésorerie du compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » ; et un peu plus de 100 millions d'euros qui proviennent de l'actualisation des échéanciers financiers des programmes d'armement pris en compte lors de l'actualisation de la LPM, il y plus d'un an, là encore sans toucher au contenu physique.

Pour autant, cette équation, je peux le dire ici, repose sur une hypothèse forte : la bonne exécution de la fin de gestion 2016, avec en particulier la mise à disposition du ministère des ressources actuellement immobilisées, à savoir 2,7 milliards d'euros, au titre de la réserve de précaution, des reports et du surgel technique de 470 millions d'euros ; s'ajoute à ces sommes la couverture par des crédits interministériels du montant des surcoûts OPEX et Sentinelle, au-delà des 450 millions d'euros ouverts en LFI pour 2016.

Par ailleurs, 11,4 milliards de crédits de masse salariale permettront de financer l'annulation des suppressions d'emplois décidée par le président de la République et la création nette de 464 emplois, dont 64 pour le service industriel de l'aéronautique dès 2017. En parallèle, l'accroissement de l'effort en faveur de la réserve, l'amélioration de la condition du personnel et la mise en oeuvre pour les personnels militaires, dans les mêmes termes et selon le même calendrier, des mesures générales de la fonction publique seront mis en oeuvre.

Les crédits d'équipement progressent de près de 300 millions d'euros pour atteindre 17,3 milliards d'euros. Cela permet, conformément à nos engagements, de poursuivre la modernisation du matériel des armées et de maintenir l'effort en faveur de la préparation de l'avenir. La dynamique de renouvellement et d'entretien des infrastructures est confortée, avec plus de 1,17 milliard d'euros qui permettront de satisfaire en priorité les besoins résultant de l'augmentation des effectifs, d'adapter les infrastructures au rythme de livraison des équipements, de renforcer la protection militaire des emprises, et d'améliorer les conditions de vie du personnel engagé au titre de Sentinelle.

Un budget de 3,5 milliards d'euros de fonctionnement est maintenu, ce qui permettra de poursuivre le soutien des personnels engagés sur le territoire national et en opérations extérieures, tout en prolongeant l'effort de transformation du ministère. C'est ce que j'appelle, de façon globale, le passage indispensable d'une culture de la déflation à une culture de l'adaptation.

Ainsi, 10 000 postes seront sauvegardés entre 2017 et 2019 et s'ajoutent aux 18 750 déjà préservés lors de l'actualisation de la LPM en juillet 2015, soit un total de 28 750 postes supplémentaires par rapport aux prévisions initiales de la LPM – ce chiffre est à mettre au regard des 33 675 suppressions initialement prévues pour ces six années, dont 10 400 résultaient de déflations programmées antérieurement.

En 2017, la défense disposera de 3 000 postes de plus que dans la LPM actualisée, et de 7 800 postes de plus que dans la LPM initiale de décembre 2013.

Cet arrêt des réductions d'effectifs permet aux restructurations pour 2017 de ne comporter aucune dissolution d'unité majeure, mais le président de la République a dans le même temps demandé au ministère de redéployer les effectifs sauvegardés au bénéfice des priorités opérationnelles que j'ai évoquées. Il est donc indispensable que le ministère continue ses projets de transformations, en les ajustant quand c'est nécessaire. Sans ces optimisations et ces rationalisations, nous ne pourrions assurer les créations de postes dans les domaines prioritaires retenus par le chef de l'État.

Dans le PLF pour 2017, vous ne verrez qu'un seul chiffre, celui des 400 postes supplémentaires dont bénéficiera le ministère de la Défense en 2017 par rapport à 2016, mais ce chiffre est un solde de créations, de maintien et de suppressions de postes, traduisant la poursuite de la transformation du ministère.

Pour autant, nous changeons clairement de logique. Nous passons à la culture de l'adaptation : les armées, les directions et les services continuent donc de déployer les plans de transformation 2020 engagés, en les adaptant au nouveau contexte. Ils le font selon la méthode que j'ai définie avec le chef d'état-major des armées (CEMA), les chefs d'état-major et les directeurs des services, fondée sur l'écoute, le pragmatisme et la détermination, avec pour seul objectif la capacité collective du ministère à mieux remplir ses missions.

S'agissant plus particulièrement de l'armée de terre, elle poursuit, dans le cadre du modèle « Au contact », la montée en puissance de la FOT, dont les effectifs vont passer de 66 000 à 77 000 hommes d'ici à 2017, conformément à la LPM actualisée. Ces effectifs doivent permettre à l'armée de terre de remplir les contrats opérationnels fixés par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationales, en intégrant le nouveau contrat de protection, défini par la LPM actualisée. J'en rappelle le contenu : être capable de déployer en permanence 7 000 hommes sur le territoire national, avec la possibilité de monter jusqu'à 10 000 hommes pendant un mois.

Le défi pour l'armée de terre est particulièrement important : il s'agit de constituer une force opérationnelle terrestre homogène, apte à être engagée sur l'ensemble du spectre des opérations extérieures et intérieures, et ayant pleinement retrouvé son niveau de préparation opérationnelle, fortement perturbé, vous le savez, par les évolutions de la situation sur le territoire national.

Cette augmentation significative de la FOT se traduit principalement par la densification d'unités existantes, avec la création de compagnies ou d'escadrons supplémentaires dans les régiments. Je tiens à insister sur l'effet particulièrement positif sur le moral des armées que constitue ce type de renforcement, qui n'était pas intervenu depuis de très nombreuses années.

Je tiens également à mentionner la création récente de régiments, notamment le 5e régiment de dragons à Mailly et le 5e régiment de cuirassiers aux Émirats arabes unis. La 13e demi-brigade de légion étrangère a, quant à elle, débuté sa montée en puissance dans le camp du Larzac. Cette situation conduit l'armée de terre à mener un effort important en matière de recrutement comme de formation. Ainsi, les plans de recrutement entre 2015 et 2017 seront en moyenne supérieurs de 50 % à ceux réalisés au cours des années 2013 et 2014.

Au bilan, le PLF 2017 permet de consacrer l'organisation de la nouvelle FOT dont la pleine adaptation aux missions sur le territoire national sera réalisée comme prévu mi-2017, et la pleine capacité sur tout le spectre des missions en 2018, compte tenu des durées des formations, des besoins de l'entraînement interarmes et de la préparation à l'engagement des unités renforcées par le personnel recruté récemment.

La marine poursuivra en 2017 la mise en oeuvre de son plan stratégique « Horizon marine 2025 », tout en densifiant les forces opérationnelles et les fonctions de renseignement, de protection et de cyberdéfense. L'arrêt des déflations et les redéploiements associés bénéficieront, par exemple, au renforcement des capacités de défense maritime du territoire, ou encore aux capacités de réaction d'urgence, notamment dans le domaine du contre-terrorisme maritime.

L'armée de l'air poursuivra en 2017 son plan de transformation « Unis pour faire face », en renforçant sa capacité à durer en OPEX et en consolidant la protection de ses sites. L'arrêt des déflations permettra d'effectuer des redéploiements qui bénéficieront au soutien de ses bases projetées, au renforcement des escadres aériennes et des forces spéciales, ou encore au renforcement des capacités de commandement et contrôle air.

Dans le cadre du seul PLF pour 2017, près de 600 créations d'emplois sont prévues pour le renseignement et la cyberdéfense. Ces effectifs auront été significativement renforcés entre 2014 et 2019, avec plus de 3 200 créations d'emplois. Entre 2017 et 2019, ce sont plus de 2 000 postes supplémentaires qui seront créés au titre de cette montée en puissance.

Je tiens aussi à mentionner l'action sociale du ministère, particulièrement en direction de la jeunesse. Le service militaire volontaire (SMV) est une préparation militaire à l'emploi pour les jeunes qui en sont éloignés. Il offre à de jeunes volontaires une formation au savoir-être et à la citoyenneté dans un environnement militaire, puis une formation professionnelle choisie par le stagiaire, réalisée en partenariat avec les entreprises locales et correspondant à des métiers en tension dans le bassin d'emploi concerné. En quelques mois, les jeunes volontaires acquièrent ainsi les bases nécessaires à une insertion professionnelle et sociale durable. Dans le cadre de l'expérimentation de deux ans, 300 jeunes ont déjà été formés et 700 jeunes supplémentaires sont en cours de recrutement.

Cette première phase est prometteuse. J'ai la conviction que l'implication de tous – collectivités territoriales et acteurs économiques privés – permettra de renforcer la dynamique créée.

Par ailleurs, un plan d'amélioration de la condition du personnel (PACP) a été élaboré en accord avec les chefs d'état-major, puis validé par le président de la République en conseil de défense le 6 avril 2016. Ce PACP s'articule autour de trois grands axes, qui sont transcrits dans le PLF pour 2017.

La prise en compte de la suractivité induite par le contexte opérationnel constitue le premier axe. On a créé notamment une indemnité d'absence cumulée (IAC) qui vise à indemniser l'absence de nos militaires, au-delà de 150 jours d'absence par an. Cette nouvelle prime sera payée début 2017 sur la base de l'activité réalisée en 2016. Le PLF intègre aussi une extension aux personnels protégeant les sites du ministère de l'indemnité pour sujétion spéciale d'alerte opérationnelle (AOPER), dont le montant a en outre été doublé cet été, à la suite de la mobilisation des armées consécutive aux événements de Nice.

Le deuxième axe tient à l'équité interministérielle avec la transposition aux militaires du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), dans les mêmes termes et selon les mêmes échéances que pour les fonctionnaires civils. Cette avancée, significative, était loin d'être acquise, car le décalage entre les civils et les militaires pouvait être élevé. En outre, la transposition de la réforme de la grille des fonctionnaires de catégorie C aux militaires du rang sera accélérée, comme la transposition de la grille des capitaines de gendarmerie aux capitaines des armées, sujet sensible et maintenant tranché.

Le troisième axe réside dans l'amélioration des conditions de travail et dans l'aide à la famille, avec des mesures d'amélioration du cadre de vie et de soutien aux familles pendant l'absence.

Le personnel civil bénéficiera de la poursuite de la mise en oeuvre du protocole PPCR et de l'extension du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) à l'ensemble des fonctionnaires.

Enfin, le personnel militaire et civil du ministère bénéficiera bien entendu des mesures salariales générales, en particulier de la revalorisation du point de la fonction publique.

Au total, l'effort financier au titre de la condition du personnel militaire et civil s'élève déjà à plus de 350 millions d'euros dans le PLF pour 2017.

En outre, lors de la réception en l'honneur des armées le 13 juillet 2016, le président de la République a souhaité la prise de mesures complémentaires, permettant d'attirer et de conserver les compétences spécifiques dont nos forces ont besoin. Je lui présenterai cet automne un ensemble de décisions permettant de continuer à valoriser l'engagement et de renforcer l'attractivité de nos armées, notamment dans certaines disciplines et dans certaines activités.

Pour permettre aux personnels d'effectuer leurs missions dans les meilleures conditions, les moyens de fonctionnement et d'équipement des militaires doivent bien sûr être mis en adéquation avec l'accroissement des effectifs lié à l'arrêt des déflations.

Le PLF pour 2017 prévoit aussi un effort particulier pour financer les dépenses de préparation opérationnelle et pour assurer la formation et l'entraînement des personnels supplémentaires. Après les difficultés rencontrées en 2015 suite au déclenchement puis à la pérennisation de l'opération Sentinelle, l'armée de terre est engagée dans une reprise de son activité de préparation opérationnelle. L'objectif de journées de préparation opérationnelle (JPO) est passé de 90 à 85 lors de l'actualisation de la LPM. Compte tenu du niveau d'engagement dans l'opération Sentinelle, ce nombre de jours n'a pas atteint l'objectif fixé pour 2015 et ne devrait pas atteindre celui prévu pour 2016, mais la cible devrait être rejointe progressivement à partir de 2017 et en 2018 grâce aux recrutements dans la FOT.

La marine poursuivra en 2017 la remontée d'activité avec 96 jours de mer par bâtiment au lieu de 91 réalisés en 2015. Pour l'armée de l'air, nous prévoyons pour 2017 une remontée progressive de l'activité aérienne, avec, par exemple 164 heures de vol par pilote de chasse contre 154 en 2015, et 267 heures de vol par pilote de transport contre 239 en 2015.

Le PLF pour 2017 reste stable en termes de crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels (EPM), en comparaison de la LFI de 2016 qui avait bénéficié d'un abondement de 200 millions d'euros par rapport à 2015. Les crédits pour l'EPM, qui avaient continûment augmenté depuis mon arrivée, se stabilisent ainsi pour 2017 à 3,4 milliards d'euros. Après un redressement des indicateurs d'activité en 2016, 2017 devrait confirmer les fondements solides de cette reprise.

De même, cette année encore, j'ai souhaité que nous poursuivions l'effort entrepris depuis le début de la LPM pour le renouvellement et l'entretien de nos infrastructures. Nous y consacrerons 1,174 milliard d'euros, dont 200 millions d'euros de recettes de cessions.

C'est en effet un domaine dans lequel nous devons être exemplaires, par respect pour notre personnel, notamment celui qui rejoint la force opérationnelle terrestre ou qui est déployé dans des missions Sentinelle successives dans l'ensemble du territoire : à tous, nous devons proposer un hébergement digne de leur engagement. Dans ce domaine, plusieurs axes se dégagent. Tout d'abord, le plan d'urgence Infra, lancé en 2014 dans près de 700 « points noirs » a bien avancé, puisque près de 580 emprises auront été traitées en 2016, soit 82 %.

Pour Sentinelle, nous poursuivrons les efforts entrepris cette année en traitant en particulier certaines emprises de la région parisienne dans lesquelles un très gros effort est impératif : c'est le cas notamment du fort de l'Est, dont j'avais constaté, comme certains d'entre vous, la vétusté. En région, on agira dans des casernes, parmi lesquelles celles de Lyon ou de Marseille. Ce sont déjà plus de 20 millions d'euros qui ont été investis pour ces rénovations.

Par ailleurs, nous poursuivons notre politique en matière de logement familial, en faisant un effort particulier d'entretien et de rénovation de notre parc de logements, et en acquérant, en construisant de nouveaux logements, ou en passant des conventions de réservation.

Afin de faire face aux menaces qui pourraient peser sur nos infrastructures, nous avons prévu de poursuivre l'action de « sécurité-protection » entamée pour 100 millions d'euros en 2016. Nous avons inscrit à ce titre 80 millions d'euros dans le PLF pour 2017.

Enfin, nous accompagnerons bien sûr la montée en puissance des principaux programmes d'armement par des investissements destinés à réaliser les infrastructures nécessaires à leur accueil et à leur mise en oeuvre. Je peux vous indiquer que ce sera notamment le cas pour l'Airbus A330 MRTT, l'A400M, les hélicoptères de nouvelle génération, le Rafale et les frégates multi-missions (FREMM).

L'année 2015 a été également marquée par des succès de l'exportation, notamment pour le Rafale, ce qui a conforté les choix de la LPM et permis d'établir pour nos industriels un équilibre entre le marché intérieur et les exportations.

Avec près de 17 milliards de prises de commande à l'export, 2015 est certainement à marquer d'une pierre blanche. Ce résultat montre à la fois les performances de notre industrie de défense, mais également la pertinence du projet que je porte d'une approche de l'équipe France des exportations de défense coordonnée, discrète et cohérente. La filière export est en passe de devenir une véritable locomotive pour accélérer le développement de notre tissu industriel.

Pour mémoire, je rappelle qu'en 2012, nous étions à un niveau de 4,8 milliards d'euros de prise de commande à l'export. Nous avons donc plus que triplé ce chiffre. C'est une transformation majeure, qui induira des comportements et des mécanismes nouveaux. En 2015, les prises de commande à l'export équivalent, avec 17 milliards d'euros, au montant des investissements portés par notre budget.

En 2016, l'attribution du marché des sous-marins australiens et la conclusion du contrat pour la fourniture de 36 avions Rafale à l'Inde – pour 8 milliards d'euros – montrent que le résultat de 2015 n'était pas un accident. Nous devons poursuivre notre effort pour structurer davantage encore ce volet de notre action internationale.

Pour répondre aux nouvelles menaces, le renforcement et la modernisation de nos capacités de renseignement et de cyberdéfense ont été décidés par le président de la République. Cette dynamique est accompagnée d'un redéploiement d'effectifs avec des conséquences en termes d'infrastructures et d'équipements.

Pour obtenir ces effets, on peut citer parmi les mesures mises en oeuvre : le renforcement des moyens techniques numérisés destinés à contrer les nouvelles menaces, en disposant de capacités renforcées, modernisées et élargies ; l'acquisition de deux avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), conformément à la loi de programmation militaire ; enfin, l'accompagnement en matière d'infrastructures et d'équipements du renforcement des effectifs du renseignement et de la cyberdéfense.

Les crédits destinés à la dissuasion s'élèveront en 2017 à 3,866 milliards d'euros, soit près de 9 % du budget global de la défense. Ces crédits préparent notamment le renouvellement à venir des deux composantes, tout en permettant la poursuite de leur modernisation.

S'agissant de la composante océanique, les travaux de modernisation du missile M51 se poursuivent, ainsi que les travaux de conception du futur sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération. Concernant la composante aéroportée, le programme de rénovation à mi-vie du missile ASMPA et les travaux de conception préliminaire du futur missile aérobie ASN-4G mobilisent mes équipes. Pour être complet, je tiens à souligner également la montée en puissance continue de l'outil de simulation du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), avec notamment la mise en service progressive des chaînes laser du laser mégajoule (LMJ).

Je tiens également à rappeler que la mise en service opérationnel du M51.2 est en cours sur le SNLE Le Triomphant et sera effective avant la fin de cette année, l'adaptation du SNLE étant désormais achevée.

En matière d'équipement de nos forces, j'ai voulu, comme en 2016, que l'effort se poursuive, en cohérence avec le niveau d'engagement de nos armées à l'extérieur comme à l'intérieur du territoire national. Cet effort, réalisé au profit de nos forces, permettra à chacun des grands secteurs de l'industrie de défense de pérenniser ses compétences. Le budget pour 2017 confirme cet engagement avec 17,3 milliards d'euros pour l'équipement des forces, investissement qui est en augmentation régulière depuis 2014 puisqu'il atteignait 16,4 milliards d'euros en 2014, 16,7 en 2015 et près de l7 en 2016.

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