Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du 24 octobre 2016 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Article 27 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, les relations financières entre le budget de la France et celui de l’Union européenne se cristallisent essentiellement autour du prélèvement sur recettes – le PSR –, dont nous débattons aujourd’hui.

Sur le plan budgétaire, l’article 27 du projet de loi de finances pour l’année 2017 propose un prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne de 19,1 milliards d’euros. Mais ce débat est aussi l’occasion d’aborder l’ensemble des interactions entre les finances publiques de notre pays et la construction européenne ; je pense particulièrement, monsieur le secrétaire d’État, aux modalités d’application du pacte de stabilité et de croissance et des clauses de flexibilité qu’il comporte. Enfin, par rapport à l’an dernier, ce débat se déroule dans le contexte du Brexit qui a été décidé par les citoyens britanniques.

Je commencerai par les aspects budgétaires du PSR. À périmètre constant, le prélèvement sur recettes est passé de 15,4 milliards en 2007 à 22,5 milliards en 2013, et il s’élève aujourd’hui à 19,1 milliards, soit 6,4 % des dépenses de l’État, hors charge de la dette et pensions. Ce prélèvement est en baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport au niveau fixé pour cette année, et même de 1,8 milliard d’euros par rapport au versement effectué en 2015.

Cette baisse s’explique par l’entrée en vigueur de la décision relative au système des ressources propres, qui a entraîné un certain nombre de régularisations sur les rabais en 2016. Je m’explique : hormis la compensation traditionnelle en faveur du Royaume-Uni, cinq autres États membres bénéficient d’une correction au titre de la période 2014-2020 : l’Allemagne, la Suède, l’Autriche les Pays-Bas et le Danemark. Ces rabais – encore une fois, en dehors de la compensation accordée aux Britanniques – ont cependant été suspendus en 2014 et en 2015, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la décision relative au système des ressources propres. Cette décision est entrée en vigueur en 2016. Par conséquent, l’année 2016 a donné lieu à des régularisations qui représentent un surcoût pour la France évalué à 0,9 milliard d’euros. Ce surcoût ne se retrouve pas en 2017, ce qui explique que le prélèvement sur recettes baisse par rapport à 2016.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne est désormais de l’ordre d’une vingtaine de milliards d’euros, ce qui représente un point de PIB ; cet ordre de grandeur se retrouve généralement dans tous les pays de l’Union européenne, avec toutefois certaines différences, qui peuvent varier, à la marge, de quelques dixièmes de point.

Je voudrais revenir sur un débat que nous avons eu l’an dernier, monsieur le secrétaire d’État, mais qui est toujours d’actualité : la prévisibilité et la comptabilisation du PSR. Le prélèvement sur recettes est traité en comptabilité budgétaire comme une moindre recette. Mais, en comptabilité nationale, que notre commission utilise pour ses principaux débats, le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne est considéré comme une dépense. Or, depuis 2011, les prélèvements sur recettes sont intégrés dans la norme dite « zéro valeur », calculée hors charge de la dette et pensions. En d’autres termes, quand le prélèvement sur recettes augmente, il faut que nous réduisions les dépenses par ailleurs.

On se trouve ainsi dans une situation où la Commission européenne prend des décisions, calcule elle-même le prélèvement sur recettes, tandis que la France en subit les conséquences budgétaires parfois bien plus tard. Comme je le disais, nous avions débattu de ce problème l’an dernier ; il serait important que nous intégrions ce paramètre. En effet, voir le prélèvement sur recettes augmenter signifie baisser les dépenses par ailleurs, et vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le secrétaire d’État, que cela peut parfois se révéler difficile.

Je voudrais également replacer la contribution de la France dans le contexte du budget européen. Le PLF pour 2017 coïncide avec la quatrième année d’application du cadre financier pluriannuel 2014-2020 arrêté par les chefs d’État et de gouvernement en février 2013. Le prélèvement sur recettes de la France représente 15 % du budget européen, dont les recettes globales sont de l’ordre de 137 milliards d’euros. Ainsi, notre pays est-il le deuxième contributeur au budget de l’Union européenne.

Il est un autre point que je souhaitais évoquer devant vous, monsieur le secrétaire d’État : la manière dont le Gouvernement met en oeuvre le pacte de stabilité et de croissance. J’ai deux questions à vous poser à ce sujet.

Les moyens alloués à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme ont été accrus en 2015 et en 2016, à la suite des attentats. Cet effort représentera au total, en 2017, près de 2 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2016, selon le projet de loi de finances. Juridiquement, il est parfaitement possible de demander l’application d’une clause de flexibilité du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance, pour que ces dépenses – qui continueront, bien sûr, à être financées par la France – ne soient pas comptabilisées dans le déficit public adressé chaque année à la Commission européenne.

En effet, l’alinéa 1 de l’article 2 du règlement no 146797 du Conseil du 7 juillet 1997 dispose : « Le dépassement de la valeur de référence fixée pour le déficit public est considéré comme exceptionnel […] s’il résulte d’une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l’État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ». À ce sujet, lors de son audition devant notre commission des finances, le commissaire européen Pierre Moscovici a indiqué que plusieurs pays – l’Italie, la Belgique, l’Autriche, la Slovénie et la Finlande – avaient demandé l’application de ces clauses de flexibilité, prévues par le pacte de stabilité et de croissance, et avaient obtenu gain de cause. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer pourquoi la France n’a pas écrit à la Commission européenne pour demander l’application de cette clause de flexibilité, qui est absolument indispensable ?

Deuxième sujet de discussion avec la Commission européenne : la méthode de calcul de la croissance potentielle. Le FMI, en 2013, a reconnu qu’une erreur de méthode avait été commise, qui pouvait avoir des implications importantes. Le commissaire européen Pierre Moscovici, à qui nous avons écrit avec quarante députés issus de différentes commissions des finances et du budget des parlements nationaux des vingt-huit pays de l’Union, a reconnu, lui aussi, que la question pouvait se poser et qu’elle devait être prise en compte. Sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître la position de la France et j’espère un soutien de votre part pour que la lettre que nous avons adressée permette de trouver une issue favorable et de décider d’un changement de méthode de calcul de la croissance potentielle.

Enfin, mes chers collègues, on ne peut pas parler de l’Europe sans évoquer le Brexit. Celui-ci est un choc politique, non seulement pour ses possibles conséquences économiques, mais aussi et surtout parce qu’il a confronté les responsables politiques à ce que pensent parfois nos concitoyens de ce qu’est devenue l’Europe. À ce stade, aucune de ses conséquences n’est correctement appréhendée et, d’ailleurs, je ne suis pas certaine qu’il soit possible de le faire précisément.

Je rappelle que le Royaume-Uni, même s’il bénéficie d’un important rabais, est lui aussi l’un des principaux contributeurs au budget européen. Sa contribution nette, même en prenant en compte le rabais dont il bénéficie, est équivalente à la nôtre, de l’ordre de 6 à 7 milliards d’euros. Sa sortie risque de se traduire par la disparition de sa contribution nette. Bien sûr, cela dépend en grande partie des négociations qui seront menées entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Néanmoins, il est à craindre que, l’année prochaine ou les années suivantes, cela puisse avoir une conséquence sur le prélèvement sur recettes qui est voté chaque année dans la loi de finances. En tout état de cause, monsieur le secrétaire d’État, il nous faudra être très vigilants sur ce point, dans le cadre des négociations qui vont s’ouvrir.

S’agissant des conséquences politiques de cet événement, mes chers collègues, je voudrais conclure par une invitation de François Mitterrand, qui aurait eu 100 ans aujourd’hui. Lors de ses derniers voeux, il avait fait deux recommandations. Si vous le permettez, je citerai la seconde : « ne séparez jamais la grandeur de la France de la construction de l’Europe. C’est notre nouvelle dimension et notre ambition pour le siècle prochain. » Cette recommandation, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, me paraît plus que jamais d’actualité.

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