Intervention de Général Richard Lizurey

Réunion du 18 octobre 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale :

C'est effectivement un peu procédurier mais je trouve que le dispositif est assez réactif. Nous pouvons monter une écoute en moins de vingt-quatre heures.

Environ 7 000 gendarmes adjoints volontaires sont recrutés. Parmi les sous-officiers recrutés 48,8 % sont des gendarmes adjoints volontaires, ce qui est une bonne chose puisque cela nous permet d'avoir des personnels qui, au moment où ils entrent en école, ont déjà une bonne base de formation, que nous avons pu tester. Quand ils quittent le service actif pour rejoindre la vie civile, nous leur proposons un contrat d'engagement dans la réserve ; je n'ai pas en tête la proportion d'entre eux qui signent un « engagement à servir dans la réserve », ESR, mais ils sont nombreux.

Le schéma normal d'une candidature à la gendarmerie est plutôt d'abord la réserve avant une candidature soit comme gendarme adjoint volontaire soit comme sous-officier. Si la personne ne peut devenir tout de suite sous-officier, elle peut passer par le statut de gendarme adjoint volontaire pour devenir sous-officier ensuite. Nous avons beaucoup de jeunes réservistes, y compris de moins de dix-huit ans : nous ne pouvons employer ces derniers mais nous les formons.

L'instruction provisoire sur le temps de travail s'applique aussi à la gendarmerie mobile. La directive européenne précise que, lorsque les personnels ne sont pas employés mais en alerte au cantonnement pendant onze heures, le contrat est rempli. Paradoxalement, donc, la GM respecte davantage la directive – à 95 % – que ne le fait la gendarmerie départementale. Les 5 % restants sont liés à des contextes particuliers de violences ou d'activité importante : les récupérations sont alors cumulées et données à la fin. Il existe un cas particulier pour les déplacements en outre-mer puisque le texte considère que dans l'avion les personnels ne sont pas en repos physiologique mais en temps de travail ; aussi, quand ils se rendent en Nouvelle-Calédonie, par exemple, nous leur donnons une journée de repos à leur arrivée, de même qu'à leur retour.

Une brigade classique aujourd'hui a la totalité du spectre missionnel : police de la route, police judiciaire, police administrative…, ainsi que toutes les charges administratives liées au fonctionnement d'une brigade. L'idée serait de retirer toutes ces missions, ou une grande partie, à certaines brigades pour leur donner du temps. Tout ce qui consomme du temps à la caserne a vocation soit à ne plus être fait soit à être fait par quelqu'un d'autre, une unité spécialisée comme une unité de recherche pour la PJ, une unité motorisée pour la sécurité routière… L'objectif est que les gendarmes de ces unités n'aient d'autre mission que le contact avec la population et les élus, sans travail de nuit qui implique des récupérations ni déplacements au chef-lieu de communauté qui prennent du temps. Nous expérimenterons le concept ici et là pour voir si c'est, tout d'abord, réalisable et, ensuite, efficace.

La cybercriminalité va se développer. Nous avons au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale un centre de lutte contre la cybercriminalité travaillant en liaison avec la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité de la police nationale. En outre, des gendarmes sont présents au sein de la plateforme Pharos, une plateforme de signalement sur internet. Nous développons des capacités de surveillance, avec des cyberpatrouilles. Ce dispositif a été créé il y a de nombreuses années dans le cadre de la lutte contre la pédopornographie et se développe aujourd'hui dans d'autres domaines. Nous allons également créer cette année un nouveau dispositif de recueil des plaintes d'escroquerie sur internet au niveau national. La difficulté est de trouver le parquet compétent. Nous sommes en discussion avec la chancellerie pour qu'elle désigne celui-ci ; nous aimerions que ce soit Pontoise.

Dans chaque section de recherches a été mis en place un groupe dédié au contentieux de la cybercriminalité. Ce groupe s'appuie sur les enquêteurs NTECH, spécialistes des nouvelles technologies. L'objectif est d'établir une chaîne fonctionnelle qui permette de traiter le contentieux, local mais aussi national, en liaison soit avec les parquets locaux, soit avec les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS), soit au niveau national. Le dispositif évolue en parfaite synergie avec celui de la police nationale.

Je suis inquiet au sujet de Mayotte. Les événements qui se sont produits il y a trois ou quatre ans risquent malheureusement de se reproduire, et nous nous y préparons. C'est pourquoi nous avons injecté des renforts : l'antenne du GIGN mais aussi des gendarmes mobiles, voire territoriaux. Nous planifions même des renforts massifs en vue d'événements majeurs. Il n'y pas beaucoup d'équipements sur place pour stationner des unités sur le long terme ; à l'époque, certains escadrons étaient restés trois mois sur place et nourris avec des rations de combat. Mayotte est le premier département d'outre-mer que j'irai visiter car c'est là que le risque est maximal. L'immigration dans ce département est massive. Elle provoque des réactions parmi la population, notamment des « décasages », c'est-à-dire des opérations coordonnées de Mahorais en vue de déloger les migrants comoriens, avec force violences et agressions.

Un intercepteur coûte 300 000 euros. Je suis prêt à acheter une vedette à 70 000 ou 80 000 euros mais on m'explique qu'il faut que j'achète la même chose que les autres. La brigade nautique locale a une activité extrêmement forte, avec un taux d'interpellation d'étrangers en situation irrégulière très élevé. Ils travaillent de jour comme de nuit dans des conditions difficiles, et j'admire leur engagement. C'est, je pense, le département où le travail de la gendarmerie est le plus difficile, mais aussi le plus ingrat car on n'en entend pas parler. Nous n'avons pas les moyens d'acquérir un intercepteur pour l'instant mais nous sommes clairement dans une logique d'achat à court terme.

S'agissant du maillage territorial, nous réfléchissons à une évolution. En quinze ans, cinq cents brigades ont été dissoutes, leur nombre passant de 3 600 à 3 100. C'était une rationalisation nécessaire ; le rassemblement sur des emprises plus importantes offre des capacités supplémentaires d'intervention. Le temps d'intervention moyen est actuellement de douze minutes. Le problème, c'est que nous nous sommes éloignés de la population. C'est quelque chose que j'entends et sur lequel nous devons travailler.

Il faut que nous poursuivions cette action-là où c'est justifié. À mes yeux, les brigades se trouvant en zone de police nationale n'ont pas vocation à perdurer ; c'est le bon sens même que de ramener les gendarmes dans leur zone de compétence. J'envisage également de poursuivre la suppression des groupes de commandement des compagnies dont les effectifs sont inférieurs à cinquante, et nous poursuivrons, je pense, les dissolutions là où l'immobilier est vétuste et défaillant ; plutôt que de reconstruire et de mettre à contribution les collectivités locales, il me paraît plus intéressant de dissoudre la brigade et de la regrouper sous le chef-lieu de communauté de brigades. En revanche, partout ailleurs, l'idée est de développer des unités de contact ayant vocation à afficher la présence de l'État et à rechercher du renseignement dans la profondeur du territoire, car cela me paraît déterminant dans le contexte actuel. Ce n'est pas le moment de créer des déserts de sécurité.

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