Intervention de Bruno le Nezet

Réunion du 6 octobre 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno le Nezet, secrétaire général adjoint de la FNTE-CGT :

Je commencerai par dire quelques mots de la situation de DCNS. Tout le monde déplore la situation de GIAT-Nexter, mais les syndicats avaient lancé l'alerte. Tout le monde déplore que l'on soit obligé de commander le remplaçant du FAMAS à l'étranger. Préoccupons-nous tout de suite de DCNS, qui est le prochain sur la liste. Aujourd'hui, à Saint-Tropez, l'activité « torpille » va être abandonnée ; dans dix ans, on nous dira qu'on ne sait plus fabriquer de torpilles. Le même coup, avec Atlas Elektronik, a échoué il y a quelques années, mais le PDG de DCNS – nommé par décret du président de la République – annonce aujourd'hui la fermeture du site de Saint-Tropez. C'est sûr qu'en vendant le terrain à un promoteur, il y a de l'argent à se faire ! Bientôt, nous pleurerons sur la disparition des compétences ; mais c'est maintenant que nous les laissons partir.

En ce qui concerne le site de DCNS à Lorient, vous connaissez la situation, Madame la présidente. J'espérais d'ailleurs voir M. Rouillard ce matin, car la CGT cherche à le rencontrer depuis des mois et des mois… Vous savez qu'il existe un projet de cession du site à Fincantieri – qui a d'ailleurs obtenu le contrat des frégates multimissions (FREMM) pour le Qatar. La CGT n'est pas favorable à ce que nous vendions des armes à de tels pays : autant la vente de sous-marins à l'Australie se discute, autant à nos yeux la vente d'armes à des pays comme l'Arabie saoudite, le Qatar ou l'Inde ne devrait même pas être envisagée.

Nous avons un peu de mal à suivre la politique menée. La société Kership est rentrée sur le marché de l'armement ; cette société est détenue à plus de la moitié par Piriou, société installée à 500 mètres à vol d'oiseau de DCNS. Je me fais donc le porte-parole de l'inquiétude des personnels de DCNS : ils connaissent Piriou, savent que cette entreprise dispose d'une filiale en Pologne, et d'une autre au Vietnam. M. Rouillard avait annoncé que les B2M construits par Piriou seraient « 100 % made in France » – il y veillerait. En février 2015, un article du site Mer et marine a pourtant montré les blocs de B2M arrivant par barge à Brest – ils avaient été fabriqués à Gdańsk, en Pologne. Il paraît que le Gouvernement veut absolument inverser la courbe du chômage. Mais comment faire la morale à des patrons privés quand on fait pire dans ses propres boîtes ?

Quant à M. Le Drian, il était venu, en 2013, annoncer la « sanctuarisation » de la construction de onze FREMM à Lorient. Il y aurait ainsi, d'après lui, du boulot jusqu'en 2025 ! Or il n'en reste plus que huit ; on a avancé le programme « Frégates de taille intermédiaire » (FTI) pour combler le trou, et ces FTI devaient, d'après le ministre, être fabriquées à Lorient. Mais M. Rouillard annonce, le 14 septembre 2016, qu'il n'est pas impossible finalement que Kership soit associé à la construction des FTI.

La CGT estime que les bateaux gris doivent être construits dans les arsenaux, et pas au profit de patrons privés comme Piriou, qui exploite des travailleurs détachés – comme DCNS à Lorient : nous avions obtenu, en 2007, que les FREMM restent à Lorient, mais le patron s'est empressé de faire de la sous-traitance inversée. Les blocs ne sont plus partis, mais on a fait venir la main-d'oeuvre d'ailleurs !

Aujourd'hui, à Lorient, il y a du monde qui cherche du travail : en montant un bureau d'embauche devant la porte principale de DCNS, nous avons récupéré 220 CV en une heure et demie. Nous les avons remis au ministre, au PDG, à M. Rouillard… Mais le résultat, c'est une embauche au ras des pâquerettes ; et on conseille à nos sous-traitants locaux d'utiliser des travailleurs venus de Lituanie ou de Roumanie, par le biais de la société Litana France. On ne s'intéresse plus à la qualité, mais seulement aux coûts et aux délais.

Les personnels de Lorient s'interrogent donc sur l'avenir : que se passera-t-il après la construction des FREMM ? Les B2M sont donnés à Piriou, les FTI aussi, les bâtimentsmultimissions mutualisés (B3M) aussi… Quid de la discussion sur une cession du site à Fincantieri ?

Agissons avant qu'il ne nous reste que les yeux pour pleurer, comme pour le FAMAS.

Enfin, un deuxième porte-avions serait dans les cartons, on l'entend dire, en tout cas ; on dit aussi que Singapour serait prêt à commander des bâtiments de projection et de commandement à DCNS. La revendication de la CGT est claire : il y a toute la place pour mener à bien ce chantier à Brest, la main-d'oeuvre est efficace et qualifiée ; il suffit d'imposer à DCNS d'investir dans l'outil industriel. Nous espérons que c'est le choix qui sera fait.

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