Intervention de Elisabeth Pochon

Réunion du 27 octobre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElisabeth Pochon, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l'accès au droit et à la justice et l'aide aux victimes :

Je veux tout d'abord saluer ce dernier budget de la législature, qui consacre le caractère prioritaire de la justice : avec une hausse de 9 % par rapport à 2016, les dotations de la mission « Justice » enregistrent leur plus fort accroissement. Parmi elles, celles qui sont destinées au programme 101 « Accès au droit et à la justice » connaîtront une hausse plus élevée encore, puisqu'elle atteindra 12,2 % en crédits de paiement, ce qui permettra de renforcer tout particulièrement l'aide juridictionnelle – à laquelle j'avais consacré mon précédent avis budgétaire – et l'aide aux victimes – à laquelle je me suis intéressée cette année. La période s'y prête, hélas, tout particulièrement, après les attentats barbares qui ont endeuillé notre pays depuis 2015. Rappelons néanmoins que l'aide aux victimes dépasse le seul cadre des actes terroristes.

L'action 3 du programme 101, intitulée « Aide aux victimes », vise à améliorer la prise en charge des victimes d'infractions pénales, en leur apportant un soutien matériel et psychologique tout au long du parcours judiciaire, jusqu'à leur indemnisation. Elle est dotée de 28 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit 6,8 % des autorisations d'engagement et des crédits de paiement du programme. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, ces crédits sont en augmentation de 3,44 millions d'euros – soit de 14,03 % – en autorisations d'engagement et de 2,83 millions d'euros – soit de 11,2 % – en crédits de paiement. Cette nouvelle augmentation fait suite à des hausses substantielles au cours des deux derniers exercices budgétaires, ce qui traduit la priorité politique accordée à cette action. Au total, depuis 2012, ces crédits se sont accrus de 17,79 millions d'euros, soit une hausse de 174 %.

La politique d'aide aux victimes repose essentiellement sur un réseau de 166 associations locales, conventionnées par les cours d'appel, qui, de manière gratuite et confidentielle, reçoivent les victimes, les aident dans leurs démarches et les orientent. Elle s'appuie également sur les bureaux d'aide aux victimes (BAV) ouverts au siège des tribunaux de grande instance (TGI), dont la mission est d'informer, d'orienter et d'accompagner les victimes.

Le rôle des associations que je viens de mentionner est, on le sait, absolument déterminant. Connaissant les réalités de terrain, ayant acquis une expérience unique, elles jouent un rôle irremplaçable dans l'accompagnement des victimes : elles les aident à se reconstruire. Il est donc indispensable que l'État dégage les crédits budgétaires nécessaires pour les soutenir dans l'accomplissement de leur mission.

Au demeurant, les crédits budgétaires de l'action « Aide aux victimes » ne constituent qu'une faible partie de l'aide aux victimes, qui est assurée essentiellement par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), créé il y a trente ans, qui garantit la solidarité de la Nation à leur égard. Son financement est assuré par une contribution sur les contrats d'assurance de biens, dans une fourchette établie par la loi, variant entre zéro et 6,50 euros. Le montant de cette contribution était de 4,30 euros depuis le début de cette année, mais le Gouvernement a annoncé, le 19 octobre dernier, qu'il serait porté à 5,90 euros, ce qui devrait rapporter 140 millions d'euros supplémentaires. Cette hausse s'inscrit dans le cadre des engagements pris par le Président de la République le 19 septembre à l'hôtel des Invalides, lors de l'hommage national aux victimes. Le chef de l'État a en effet déclaré à cette occasion que « les règles du fonds de garanties [seraient] réformées », que « [ses] ressources [seraient] revues en conséquence » et que « l'État s'en [porterait] garant dans la durée ».

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions concrètes sur la mise en oeuvre de cet engagement ? Convient-il d'aller plus loin en relevant le plafond fixé à la contribution par l'article L. 422-1 du code des assurances, afin de permettre, le moment venu, une nouvelle hausse significative de son montant ? Doit-on envisager un élargissement de son assiette ? Ou bien est-il concevable d'impliquer l'État dans son financement par l'affectation de crédits budgétaires, ainsi que l'engagement de se porter garant en dernier ressort de l'indemnisation des victimes peut le laisser penser ?

Je voudrais également connaître votre position sur certaines améliorations qui me paraissent envisageables.

Des représentants d'associations de victimes que j'ai reçus m'ont confié que le FGTI était parfois perçu comme un adversaire par certaines d'entre elles. Il me paraît donc souhaitable de renforcer le contradictoire dans leurs rapports avec ce fonds, de manière à en faire un véritable partenaire. À cette fin, la présence d'un avocat aux côtés des victimes, avec l'appui d'une des associations, me semble de bonne méthode. Dès lors, l'aide juridictionnelle doit-elle être étendue à la phase transactionnelle devant le FGTI, ce qui permettrait aux victimes de voir leurs frais d'avocats pris en charge par l'autorité judiciaire, ainsi que l'a proposé la commission d'enquête sur le terrorisme ? Ou bien un forfait doit-il lui être préféré ? Enfin, dans le but de sécuriser la procédure tout en renforçant son caractère contradictoire, ne serait-il pas envisageable de la juridictionnaliser en prévoyant l'intervention d'un juge pour homologuer l'indemnisation ?

Pour conclure, je rappelle les mots prononcés par le Président de la République lors de la cérémonie aux Invalides : « Oui, nous devons assurer la pérennisation de l'action pour les victimes. » Dans cette perspective, ne pensez-vous pas que la création d'une structure administrative pérenne – qui pourrait, le moment venu, se substituer au secrétariat d'État compétent, lequel est soumis aux aléas de la composition des gouvernements – permettrait de garantir la continuité du service public de l'aide aux victimes et la coordination de l'ensemble des acteurs concernés ?

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