Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 27 octobre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Merci pour votre écoute, monsieur le garde des sceaux, pour votre ton apaisé, réfléchi et rigoureux. Cela nous change de l'atmosphère des débats qui régnait auparavant dans cette enceinte. (Protestations sur les bancs de la majorité.) En tant que membre de l'opposition, permettez-moi d'exprimer ce sentiment, mais ce n'est pas seulement pour cela qu'il est difficile de globaliser l'action dans le domaine de la justice depuis 2012.

Je voudrais vous citer, monsieur le garde des sceaux. À votre arrivée à la chancellerie, vous décriviez une justice sinistrée et en état d'urgence absolue. C'est que tout n'allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous reconnaissons volontiers que votre premier budget tient compte de cette urgence budgétaire, puisque la mission voit ses ressources augmenter de près de 5 % en crédits de paiement. Permettez-moi néanmoins de revenir sur deux échecs majeurs de votre prédécesseure, qui continuent de produire leurs effets : la contrainte pénale et la récidive. La contrainte pénale ne représente à ce jour qu'un peu plus de 2 000 condamnations alors que l'étude d'impact nous en annonçait près de 20 000. Pour les libérations sous contrainte, l'écart entre les estimations et la réalité est à peu près du même ordre. Quant au problème des multirécidivistes, il reste entier. C'est l'une des raisons qui expliquent le mouvement de colère des policiers qui ont le sentiment que leur travail d'interpellation et les risques qu'ils endurent ne trouvent pas de traduction pénale.

En outre, les délais de traitement des procédures civiles ne baissent pas. Comment inverser cette tendance ? La loi sur la justice au XXIe siècle va certes décharger les tribunaux de certaines missions, mais elle va en transférer une partie aux officiers d'état civil. Ce transfert de compétences va générer d'importantes charges supplémentaires pour les mairies et ces dernières ne pourront pas les assumer. En plus, comme beaucoup l'ont souligné, le coût de l'aide juridictionnelle s'envole suite à une réforme que nous avons dénoncée. Selon le bleu budgétaire, il serait de 370 millions d'euros, alors que vous parlez de 450 millions d'euros, ce qui aggrave encore les choses.

En ce qui concerne l'administration pénitentiaire, comme l'a fort bien rappelé Guillaume Larrivé, il aura fallu attendre cette dernière année de la législature pour que vous annonciez un plan de création de prisons, qui, par ailleurs, n'est pas traduit en crédits de paiement – l'écart entre le milliard d'euros d'autorisations d'engagement et les 2,6 millions de crédits de paiement a été souligné. Vous en avez donné une explication ; est-ce à dire que vous laissez la responsabilité du financement au prochain gouvernement, voire au suivant si l'on applique la « jurisprudence » Perben que vous avez évoquée ?

Un mot sur les mesures que vous avez annoncées hier soir pour contribuer à résorber les charges indues des policiers.

D'abord, les extractions judiciaires, dont vous avez reconnu le 14 juin dernier devant le Sénat qu'elles constituaient un problème béant. Elles mobilisaient 3 000 policiers et gendarmes ; combien de personnels pénitentiaires sont aujourd'hui dédiés aux transfèrements, et comment combler le manque ? Envisagez-vous de resserrer le maillage des pôles de rattachement des extractions judiciaires (PREJ), qui ne correspond pas à la carte des 188 établissements pénitentiaires ? Que pensez-vous de la comparution par vidéoconférence lorsque l'administration pénitentiaire ne peut effectuer le transfèrement ?

Ensuite, les gardes statiques. Selon le préfet de police, 300 policiers seront affectés à la surveillance du nouveau palais de justice de Paris, dont on va repousser l'ouverture pour mieux le sécuriser. Celle de l'ancien site était assurée par des gendarmes et des gardes républicains. Une nouvelle charge va donc peser sur la préfecture de police, sans compensation d'effectifs ; au contraire, les effectifs sont en baisse.

Vous avez évoqué des regroupements de personnels en vue de former la nouvelle sous-direction de la sécurité pénitentiaire, tout à fait bienvenue et que nous réclamions depuis un certain temps. Avez-vous une idée des effectifs qui lui seront affectés ?

Pensez-vous étendre à l'ensemble des établissements les postes d'officiers de renseignement à temps plein qui existent dans une trentaine de prisons ?

Votre prédécesseure avait refusé que les surveillants puissent également faire du renseignement. Quelle est votre position à ce sujet ?

Lors de votre prise de fonctions, vous aviez constaté que les informations venues du renseignement pénitentiaire ne vous remontaient pas. Avez-vous noté une évolution de la situation ? Qu'attendez-vous dans ce domaine ?

Enfin, le taux de démission et de rotation est très élevé parmi les personnels pénitentiaires. Quelles mesures supplémentaires pouvez-vous prendre pour les fidéliser ?

Je conclurai sur les bonnes conditions dans lesquelles l'opposition peut désormais travailler avec le Gouvernement sur les questions de justice. Cela ne résout pas les problèmes, mais cela facilite tout de même les choses !

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