Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 28 octobre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Il y a dans ces interventions, toutes extrêmement riches, des interpellations concernant la cohérence globale du budget et des questions précises. Si vous le permettez, je répondrai d'abord sur les orientations et les équilibres du budget que je présente à votre délibération exigeante, et je répondrais ensuite plus précisément aux questions des rapporteurs.

Ce budget montre que, dans un contexte budgétaire contraint, la sécurité des Français demeure une priorité du Gouvernement. Pour la mission « Sécurités », les autorisations d'engagement sont en hausse de 838 millions d'euros et s'élèvent à 19,692 milliards d'euros ; les crédits de paiement progressent de 657 millions d'euros pour atteindre 19,390 milliards d'euros. Sur ces sommes globales, qui augmentent fortement par rapport à l'année précédente, 16,635 milliards d'd'euros représentent des crédits de titre 2 (T2), ce qui montre que nous poursuivons les créations d'emploi conformément aux engagements pris par le Gouvernement.

Entre 2013 et 2017, près de 9 000 créations nettes d'emplois auront été effectuées dans la gendarmerie et la police nationale ; entre 2007 et 2012, 12 519 emplois avaient été détruits dans les forces de sécurité. En 2017, la gendarmerie bénéficiera de 255 créations d'effectifs, après 2 443 créations en 2016 ; dans la police nationale, les créations nettes vont atteindre 2 031, dont 1 731 au titre du plan antiterroriste et du pacte de sécurité.

Après les événements tragiques du 14 juillet, le Président de la République et le Gouvernement ont aussi décidé d'accélérer la montée en puissance de la réserve civile de la police et de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, en créant une véritable garde nationale. Le nombre de réservistes mobilisés dans ce cadre sera de 38 700 en 2017 et de 44 700 en 2018. Les moyens de cette garde nationale seront inscrits dans le budget 2017 au cours de la discussion parlementaire, de manière à ce qu'il n'y ait pas de problème de financement.

Ce budget est aussi un plan sans précédent de revalorisation pluriannuel, dans le cadre de la feuille de route sociale que j'ai signée le 11 avril et qui a été présentée au Président de la République le 12 avril. Cette feuille de route sociale prévoit des mesures indiciaires – un gain moyen de 15,4 points contre 13,2 points pour la fonction publique. Elle contient aussi des mesures statutaires et catégorielles : une augmentation de 80 % de la prime d'officier de police judiciaire ; une revalorisation de deux points en quatre ans de l'indemnité spécifique de sujétions particulières (ISSP) ; une augmentation, cher monsieur le rapporteur Galut, de 30 % l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT) qui n'avait pas été augmentée depuis près de quinze ans. Elle comporte enfin des mesures visant à améliorer le quotidien et les conditions de travail.

Au total, les mesures catégorielles sur la période 2012-2020 représentent un effort de 865 millions d'euros. Il y a pu y avoir des efforts d'un montant comparable par le passé, mais ils étaient financés par des suppressions d'emplois. Nous créons des emplois et nous finançons des mesures de revalorisation catégorielles pour un montant significatif.

Le budget 2017 conforte également une hausse importante des crédits hors titre 2 (HT2). Alors que le budget de fonctionnement et d'investissement de la police nationale avait diminué de 16 % entre 2007 et 2012, il aura été renforcé de 15 % entre 2012 et 2017. Quant au budget de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie nationale, qui avait diminué de 18 % entre 2007 et 2012, il aura été renforcé de 10,5 % entre 2012 et 2017.

Ces moyens ont permis de relancer l'investissement pour consolider, développer et moderniser les capacités opérationnelles des unités. Les plans ont permis d'adapter l'équipement des personnels en protections individuelles et en armement. Ils ont permis d'atteindre les cibles d'achat de véhicules : 1 800 véhicules ont été commandés, 100 sont en attente de dégel de crédits et 3 000 ont été livrés dans la police nationale ; 3 000 véhicules ont été commandés et 1 200 ont été livrés dans la gendarmerie nationale.

Ces crédits supplémentaires permettront de poursuivre l'adaptation des capacités opérationnelles à la lutte contre le terrorisme tout comme à la lutte contre la délinquance du quotidien. Pour être précis, les crédits HT2, qui s'établissent à 3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et à 2,755 milliards d'euros de crédits de paiement, progressent respectivement de 196 millions d'euros et de 15 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2016.

Le renforcement des crédits HT2 depuis 2012 a permis d'amorcer une indispensable remise à niveau des équipements qui avaient été laissés en déshérence pendant des années pour ne pas dire des décennies. Dans le contexte de menace terroriste extrêmement élevé auquel notre pays est confronté, il était normal de privilégier la reconstruction de notre renseignement intérieur – près de 2 000 postes ont été créés dans le cadre de plusieurs plans antiterroristes – et l'équipement des primo-intervenants. Les brigades anti-criminalité (BAC) et les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), dont une bonne partie a été transformée en « PSIG-Sabre », sont des unités particulièrement exposées lors d'attaques terroristes. La modernisation de ces unités sera poursuivie jusqu'à leur rééquipement complet, à travers le plan pour la sécurité publique qui les concerne plus particulièrement. Ce plan, que j'ai annoncé avant-hier aux organisations syndicales, représente une enveloppe globale de 250 millions d'euros, qui sera financée grâce aux décisions budgétaires prises par le Gouvernement, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2017.

Depuis plusieurs semaines, les policiers expriment leurs inquiétudes et leurs attentes. Le Gouvernement – et plus particulièrement le ministre de l'intérieur dont c'est le rôle – les entend et les comprend. Il s'emploie à leur répondre depuis quatre ans à travers les décisions que je viens de rappeler, en tenant compte des défis auxquels les forces de l'ordre sont confrontées. Un effort supplémentaire est nécessaire en vue de poursuivre la modernisation de nos forces. Ce plan n'est pas né des circonstances puisque le budget a été élaboré bien avant la survenue des événements récents. Il est le prolongement, l'amplification de la politique globale et résolue en faveur de la sécurité des Français, qui a été menée par ce gouvernement depuis 2012.

Dès que possible, je vous proposerai un amendement visant à demander, au titre des mesures immédiates sur la mission « Sécurités », l'ouverture de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour abonder en HT2 l'enveloppe de crédits supplémentaires déjà prévue au titre du PLF. Ces moyens HT2 supplémentaires sont répartis de la manière suivante : 80 millions d'euros sont destinés à renforcer les équipements et protections des effectifs de sécurité publique ; 20 millions d'euros serviront à assurer l'entretien du parc immobilier et les travaux de maintenance les plus urgents dans les commissariats de police et les casernes de gendarmerie.

Le premier volet de ce plan de sécurité publique répond à l'exigence de mesures concrètes exprimée par les forces de l'ordre. Il prévoit un rehaussement de leurs équipements : casque balistique, gilet pare-balles, gilet porte-plaques, fusil d'assaut HK G36 et bouclier balistique souple. Il tend à améliorer leurs protections en équipant les véhicules de vitrages renforcés, d'extincteurs et de couvertures anti-feu, et en leur fournissant des tenues résistantes au feu. J'ai donné des instructions aux chefs de service pour que, dans les zones particulièrement difficiles, des patrouilles à trois fonctionnaires soient immédiatement et systématiquement mises en place. Ce volet prévoit aussi de consacrer des moyens au renouvellement du parc automobile : 6 380 véhicules neufs seront livrés à la police nationale et la gendarmerie en 2017.

Le deuxième volet permet de recentrer les missions des forces de l'ordre sur leur coeur de métier en les débarrassant enfin de nombreuses tâches indues.

Enfin, le troisième volet du plan vise à répondre à l'exigence de respect à l'égard des policiers. Les conditions d'évolution de la légitime défense vont être étudiées au sein d'un groupe de travail dont j'ai confié la présidence à la magistrate Hélène Cazaux-Charles qui dirige l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) après avoir été conseillère de Manuel Valls au ministère de l'intérieur puis à Matignon. Je veux que l'on revoie le régime juridique de l'outrage envers les agents dépositaires de l'autorité publique pour l'aligner sur celui de l'outrage à magistrat. Je souhaite également que l'on prenne des mesures législatives permettant l'anonymisation des policiers. Nous leur devons cette protection, compte tenu des événements récents.

Ce plan de sécurité publique est donc extrêmement précis. J'aurai l'occasion de revenir devant votre commission des lois, si son président m'y autorise, afin de vous en donner les détails une fois qu'ils seront définitivement arrêtés, c'est-à-dire dans dix jours. J'ai donné des instructions pour que les mesures de ce plan soient mises en oeuvre immédiatement. Certaines concernent la substitution de gardes dynamiques à des gardes statiques, d'autres le passage de conventions avec la médecine de ville, destinées à décharger les policiers du transfert vers les hôpitaux des gardés à vue en situation d'ivresse manifeste. Au vu des rapports des inspections générales, j'ai aussi demandé à accélérer le rythme de la réforme sur le transfèrement de détenus, afin que le ministère de la justice prenne plus rapidement le relais du ministère de l'intérieur. Pour résumer, nous menons à marche forcée une action très volontariste.

J'éprouve à l'égard des policiers – et ils le savent – un profond respect, une immense considération et beaucoup de gratitude. Je n'ignore pas ce qu'a été l'engagement des policiers, des gendarmes et des sapeurs-pompiers lors des événements récents. Au cours de la concertation que j'ai engagée depuis lundi, tous les policiers, du sommet de la hiérarchie dans les départements jusqu'à la base, pourront exprimer leurs attentes. D'ici à six semaines, je rassemblerai tous les fruits de cette concertation et je rendrai des arbitrages supplémentaires.

Pour autant, comme ministre de l'intérieur, je ne peux pas accepter que des policiers en service utilisent des véhicules sérigraphiés pour manifester leur mécontentement. De même, avec beaucoup de calme mais aussi de fermeté, j'indique que je ne peux pas accepter certains propos qui circulent sur les réseaux sociaux et dont le contenu est très éloigné de la retenue et du respect qui doivent prévaloir dans la République. Je dis cela parce que, précisément, je souhaite que le respect soit le principe. Dans le contexte actuel, la police est d'autant plus forte que chacun de ses mots renvoie à l'essentiel, c'est-à-dire au respect des valeurs de la République. Aussi longtemps que je serai ministre de l'intérieur, je rappellerai cela dans tous mes déplacements, à chaque policier, avec l'empathie, le respect et la fermeté qui s'attachent à ma mission. C'est mon honneur de le faire. Si nous ne sommes pas capables de rappeler ces principes-là, alors il n'y a plus de République, il n'y a plus d'État.

Si je souhaite discuter avec les représentants des organisations syndicales, dont c'est le rôle, et si je souhaite que le dialogue s'engage avec tous les policiers dans les commissariats à l'occasion de cette concertation, c'est parce que j'estime qu'il n'appartient pas à des leaders autoproclamés, qui ne sont pas ou plus dans la police, de porter la parole des policiers. Sur ce sujet, je veux être extrêmement clair et net. Ne pas le dire serait manquer de respect à ceux qui souhaitent exprimer leurs revendications en conformité avec les règles et principes qui doivent régir les forces de sécurité dans notre pays.

S'agissant de la sécurité civile, je tiens à préciser que l'action du Gouvernement ne se résume pas aux seules mesures intégrées aux crédits budgétaires qui vous sont soumis aujourd'hui. Je pense notamment au confortement du volontariat et au développement des synergies opérationnelles entre les services d'incendie et de secours et les autres services publics. Je pense aussi à une réforme statutaire emblématique que vous n'avez pas évoquée, messieurs les rapporteurs : la création d'une catégorie « A+ » de sapeurs-pompiers professionnels, qui va donner de nouvelles perspectives de carrière à l'encadrement supérieur des services d'incendie et de secours. Les pompiers avaient manifesté une très forte volonté de réforme des emplois supérieurs de direction. Cette réforme appelait la mise en oeuvre de mesures fonctionnelles et statutaires, certaines nécessitant des modifications législatives. C'est ce gouvernement qui les aura prises et, si nous partageons un minimum de bonne foi, nous devons tous reconnaître que ce qui reste en discussion ne peut pas occulter tout ce qui a été fait.

En ce qui concerne les crédits budgétaires du programme « Sécurité civile », j'ai tenu à ce que les moyens de fonctionnement et d'investissement soient accrus pour faire face aux risques et menaces dans les meilleures conditions. Ainsi, les crédits augmentent de 28 millions d'euros par rapport à l'année dernière, c'est-à-dire de 6 %.

Pour 2017, les principales priorités du programme portent sur la poursuite ou l'achèvement de plusieurs chantiers importants de modernisation des moyens nationaux. Citons d'abord le transfert de la base avions de la sécurité civile de Marignane vers Nîmes, lequel sera effectif en mars 2017, et l'acquisition d'un nouvel avion multirôles, pour 25 millions d'euros. Citons aussi la modernisation du service du déminage – le plan « Déminage 2020 » – grâce au renforcement des centres en moyens humains et matériels, à l'évolution de la formation et à l'amélioration de la coopération avec les autres forces de sécurité intérieure. Citons enfin la modernisation des matériels majeurs, notamment l'équipement des avions en moyens radio. Par ailleurs, l'État accompagnera les services d'incendie et de secours dans la mise en oeuvre de projets structurants d'intérêt national par le biais de la création d'une nouvelle dotation d'investissement, abondée à hauteur de 20 millions d'euros.

Enfin, je veux dire un mot de la sécurité routière, en rappelant que la violence routière tue plus de 3 000 de nos concitoyens chaque année. Pour faire face à ce fléau, le Gouvernement a pris des mesures fortes relevant de la prévention, du contrôle et de la répression. Elles ont été élaborées dans le cadre du plan de mobilisation en faveur de la sécurité routière de janvier 2015 et du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) qui s'est tenu il y a un an sous la présidence du Premier ministre.

Les vingt-six mesures que j'avais décidées en janvier 2015 sont entrées en application et commencent à produire leurs effets. Mentionnons l'abaissement du seuil de consommation d'alcool pour les conducteurs novices ou l'interdiction du port de tout dispositif émettant du son à l'oreille en conduisant. Sur les cinquante-cinq mesures décidées par le CISR, quatorze sont déjà en vigueur. Les onze mesures prévues dans la loi pour la modernisation de la justice du XXIe siècle seront, quant à elles, appliquées dès la promulgation prochaine du texte. Dans quinze jours, nous publierons les statistiques d'octobre, ce qui nous permettra d'avoir une idée de la manière dont les choses se présentent pour l'ensemble de l'année.

M. Galut m'a posé diverses questions et notamment l'une sur l'IJAT. En cette période où beaucoup de contrevérités circulent et où des acteurs s'emploient à jeter de l'huile sur le feu, je redis ici solennellement que, premièrement, nous avons augmenté l'IJAT de 30 %, deuxièmement, nous l'avons totalement défiscalisée, et, troisièmement, nous avons procédé à une hausse supplémentaire en la faisant passer de 39 euros à 42,50 euros pour que les cotisations sociales soient intégralement compensées.

M. Lefait m'a interrogé sur la préparation des acteurs du secours aux nouvelles menaces. Un effort important de formation, d'équipement et d'investissement a été réalisé par l'État et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) pour adapter la réponse des secours aux nouvelles réalités de la menace. La stratégie d'adaptation des secours aux nouvelles menaces terroristes repose sur la planification, l'achat de matériels spécifiques et la formation des acteurs.

En ce qui concerne la planification, de nombreuses mesures ont été prises et je vous propose de vous en envoyer la liste précise. Je vais en évoquer quelques-unes : intégration d'un volet « attentat » dans les plans « Organisation de la réponse de sécurité civile » (ORSEC), destinés à porter secours à de nombreuses victimes, au terme des retours d'expérience (RETEX) qui ont été élaborés ; politique soutenue d'exercices antiterroristes dans lesquels sont mobilisées fortement les forces de sécurité civile ; diffusion par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crises, en juin 2016, d'une doctrine opérationnelle d'intervention en cas de tuerie de masse ; rédaction d'un vademecum pour préciser le positionnement des bénévoles des associations agréées.

L'effort d'investissement dans les équipements de détection, d'intervention et de protection est massif. Il y a l'équipement de détection et d'intervention nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Il faut savoir que les SDIS arment quotidiennement 114 cellules mobiles d'intervention face aux risques chimiques et cinquante-quatre cellules mobiles d'intervention face aux risques radiologiques. L'État met à la disposition des SDIS des matériels spécifiques pour couvrir l'ensemble du territoire : des véhicules de laboratoire, de détection et d'identification des engins NRBC, 64 chaînes de décontamination. Au total, l'État aura consacré 2 millions d'euros à l'achat de ces équipements NRBC en 2016, et il prévoit une enveloppe complémentaire de 1,4 million d'euros en 2017. Des casques et des gilets pare-balles ont été achetés pour les secouristes intervenant sur les lieux d'attaques terroristes. Des moyens sont aussi prévus pour former les acteurs du secours à leur nouvel environnement d'intervention. Tout cela est mis en oeuvre de façon extrêmement méticuleuse.

Qu'en est-il des Tracker ? Ces avions ont en moyenne cinquante-huit ans, c'est-à-dire cinq ans de plus que moi. Il faut donc procéder à leur renouvellement, ce qui n'est pas encore tout à fait mon cas. (Sourires.) Nous avons besoin de six appareils multirôles. Le renouvellement du premier Tracker est déjà programmé : l'avis d'appel public à la concurrence a été publié le 16 juillet 2016 ; la notification du marché interviendra en 2017 et la livraison de l'appareil aura lieu dix mois plus tard. Les autres appareils seront programmés par tranches, en fonction des autorisations d'engagement. Nous prévoyons 25 millions d'euros dans le budget de 2017. Les douze Canadair et les deux Dash de sécurité civile n'ont pas besoin d'être changés pour le moment. La priorité est le renouvellement des neuf Tracker.

À Nîmes, nous avons un groupement d'hélicoptères : 300 agents, 218 pilotes et mécaniciens opérateurs de bord, un échelon de commandement, un centre de maintenance. Il y a 35 hélicoptères, déployés sur 23 bases – 20 en métropole et trois outre-mer. À ces bases s'ajoutent sept détachements saisonniers dans les régions montagneuses. C'est ainsi que 20 appareils sont déployés en permanence en base opérationnelle, et ce nombre peut monter jusqu'à 29 en fonction des périodes d'activation et de détachement. Le reliquat est réparti entre le centre de formation et le centre de maintenance de Nîmes.

M. Lefait et M. Morel-à-l'Huissier m'ont interrogé sur le volontariat chez les sapeurs-pompiers. Soyons précis. Le nombre de volontaires a baissé de manière continuelle pendant dix ans : entre 2004 à 2014, nous avons perdu 10 000 sapeurs-pompiers volontaires. À Chambéry, en 2013, nous avons signé un plan d'action de 25 mesures en faveur du volontariat. L'année suivante, nous avions 1 500 sapeurs-pompiers volontaires de plus. Quand j'entends dire parfois que le Gouvernement ne fait rien dans ce domaine, alors que 24 des 25 mesures prévues à Chambéry sont d'ores et déjà en application et que nous avons inversé la courbe du recrutement de volontaires pour la première fois depuis dix ans, je me dis que certains ont des progrès à faire en matière de bonne foi. En 2015, le chiffre est resté stable autour de 194 000 et nous voulons poursuivre les efforts pour atteindre le nombre de 120 000.

Les mesures prises à Chambéry visent à faciliter le volontariat par divers moyens : la signature avec de grands employeurs de conventions nationales qui rendent compatible l'activité professionnelle avec l'engagement volontaire ; la présence d'un officier de sapeurs-pompiers volontaires dans les équipes de direction des SDIS ; des campagnes de communication. Notre objectif est d'élargir le vivier pour recruter davantage de femmes – qui ne représentent que 17 % des volontaires – et de jeunes. De nombreuses initiatives ont été lancées à cet effet, telles que la généralisation des classes des cadets de la sécurité civile et l'extension des missions de sécurité civile aux SDIS. Et les travaux doivent se poursuivre.

S'agissant de la garde nationale, notre objectif est de faire en sorte que le Parlement, dans le cadre de la discussion pour 2017 ou en loi de finances rectificative, soit amené à voter les budgets nécessaires pour compléter son financement : l'idée est de doubler le montant de 62 millions d'euros initialement prévu, pour que sa montée en puissance ne se fasse pas grâce à des redéploiements.

Les outre-mer bénéficient de dispositifs particuliers de sécurité civile, qui s'ajoutent à toutes les politiques nationales en la matière. Lorsque je me suis rendu dans les outre-mer il y a trois semaines, j'ai pu vérifier les conditions dans lesquelles les plans étaient mobilisés, notamment le plan « séisme » dans les Antilles, qui fait l'objet d'un copilotage entre le ministère de l'intérieur et le ministère des outre-mer. Le préfet de la zone étudie les modalités d'alerte – adaptées aux risques de l'urbanisme – des populations. Un effort est porté sur la culture du risque particulier. À La Réunion, un Dash est pré-positionné pendant la saison des feux. En Nouvelle-Calédonie, des projets de sécurité civile vont bénéficier d'un financement de 5 millions d'euros en 2017.

Monsieur Lefait, vous avez évoqué l'adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours (ANTARES). Ce système d'alerte couvre désormais 95 % du territoire national ; 71 SDIS y seront raccordés entre 2013 et 2017 ; 24,8 millions d'euros de travaux sont programmés pour achever la couverture du territoire.

Je me suis exprimé sur les jeunes et la sécurité civile. J'aurais beaucoup de choses à rajouter et je vous propose de vous les transmettre par écrit pour que mon propos ne soit pas trop long.

Monsieur Boisserie, vous m'avez interrogé sur la mise en réserve de la révision de la LOLF. La mise en réserve concernant les forces de sécurité fait l'objet d'une négociation annuelle en fin de gestion. Durant cette négociation extrêmement dure, les policiers et les gendarmes exercent sur moi les pressions qui vont bien, de façon à obtenir les meilleurs résultats. Cela fait partie du jeu. Même lorsque j'étais ministre du budget, je recevais le directeur général de la gendarmerie nationale dans mon bureau, venu ajouter sa propre pression à celle de son ministre. C'est au ministère du budget que j'ai découvert ce qu'étaient les contraintes, difficultés et spécificités de la gendarmerie. Sachant bien comment un ministre du budget gèle les crédits de la gendarmerie, je sais parfaitement comment il peut les dégeler… Nous obtenons donc un niveau exceptionnel de dégel des crédits de la gendarmerie : les deux tiers. Notre objectif est de faire en sorte que ce niveau de performance ne soit pas démenti. Je suis sûr que les membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui ne manquent pas de témoigner de leur reconnaissance aux forces de l'ordre, m'aideront dans cette tâche, avec l'engagement, la détermination et la bienveillance qui les caractérisent. Je me souviens que vous saviez faire mouvement sur les sujets essentiels, lorsque j'étais ministre des finances. Je vous sens déjà en mouvement. (Sourires.)

J'en viens à la transposition aux forces armées de la directive sur le temps de travail. La France respectera ses engagements. L'objectif du Gouvernement est clair : il s'agit de se mettre en conformité avec le droit communautaire, tout en préservant la capacité opérationnelle de nos forces armées et, pour ce qui me concerne, de la gendarmerie. Nous travaillons actuellement avec le directeur général de la gendarmerie nationale. Nous avons prévu une série de réunions destinées à organiser cette compatibilité, ce qui me conduira d'ailleurs, compte tenu des conséquences de cette directive sur le plan opérationnel, à revoir un certain nombre d'organisations territoriales envisagées. Il s'agit de faire en sorte que la directive sur le temps de travail ne se traduise pas par une diminution du nombre de gendarmes sur le territoire. Ils doivent rester au moins aussi nombreux, si ce n'est plus. Dans quelques semaines, je rendrai publiques les modifications que j'aurai apportées aux organisations territoriales afin d'atteindre les objectifs.

La gendarmerie est en effet impliquée dans la formation des polices municipales, monsieur Boisserie. Elle se charge de la formation d'unités motocyclistes et équestres, et elle assure la formation des moniteurs au maniement des armes. Depuis juin 2016, des travaux de révision des protocoles liant la gendarmerie aux polices municipales sont en cours, sous la direction des services compétents.

En ce qui concerne l'école de Cannes-Écluse, c'est plus compliqué qu'il n'y paraît. Quand on multiplie par dix le nombre d'élèves dans les écoles, il est difficile d'en fermer. Notre objectif est d'adapter la capacité des écoles à l'augmentation très significative du flux d'élèves, ce qui ne nous prive pas d'engager des réflexions prospectives sur l'organisation globale du maillage des écoles, en y intégrant la création de la direction centrale de la formation qui répond à la nécessité d'avoir des policiers bien formés – et en continu – compte tenu des défis nouveaux auxquels ils sont confrontés. La direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) a fait un remarquable travail. Je salue sa directrice, Mme la préfète Michèle Kirry, à laquelle on doit beaucoup, notamment le protocole de 850 millions d'euros de mesures catégorielles que j'ai précédemment évoqué. Avec Mme Kirry et le directeur général de la police nationale, nous avons décidé de créer cette direction centrale de la formation, qui est en cours de préfiguration, parce que la formation est pour moi une priorité. Pour augmenter les capacités et améliorer la qualité, il faut avoir une réflexion prospective. Au début de l'année 2017, la direction centrale de la formation aura pour mission de proposer les orientations adéquates concernant les sujets sur lesquels vous avez appelé mon attention.

En matière d'exercices de tir, la formation initiale est convenable mais il faut permettre aux gendarmes et aux policiers de s'entraîner en continu. La demande est forte et nous allons y répondre dans le cadre des dispositifs relatifs à la formation que je viens d'évoquer et grâce à des investissements dans des stands de tir.

Je souhaite répondre aux questions précises de M. Morel-à-l'Huissier. Je l'ai déjà fait en ce qui concerne le volontariat. S'agissant de l'abondement grâce aux économies de la prime de fonctions et de résultats (PFR), j'entends dire que nous profiterions de cette réforme pour mettre de l'argent de côté : cela ne correspond pas à la réalité. L'État a décidé de réinvestir dans le système de sécurité civile l'intégralité des économies réalisées sur la PFR au profit des SDIS, avec la création d'une nouvelle dotation d'investissement structurant de 20 millions d'euros. Il est prévu que la somme de 32 millions d'euros correspondant à la dotation de l'État soit redistribuée dans le cadre du PLF 2017 de la façon suivante : 20 millions pour la nouvelle dotation aux investissements structurants dont je viens de vous parler, 5 millions destinés au financement des projets de sécurité civile en Nouvelle-Calédonie, et le reste, soit 7 millions, au financement de la part prise en charge par l'État de la PFR II en 2017 ainsi qu'au financement des réserves de sécurité civile. Dès lors, toutes les économies réalisées sur la PFR sont bien réutilisées en faveur de la sécurité civile – à l'euro près. Vous pouvez informer ceux qui vous ont dit autre chose qu'ils se trompent.

L'utilisation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pour l'achat de matériel pour les SDIS est aussi un sujet régulièrement évoqué. La dotation d'équipement des territoires ruraux est destinée à cofinancer les investissements structurants des collectivités locales. Elle peut donc servir au financement de la modernisation des emprises immobilières. Il y a d'ailleurs des endroits, notamment en outre-mer, où nous utilisons la DETR, les « systèmes Barnier », pour abonder les efforts de financement des collectivités locales. En revanche, on ne peut faire l'achat de matériel roulant ni d'équipement courant pour les SDIS parce qu'ils n'entrent pas dans les cadres légaux d'utilisation de ces fonds. Ce matériel et cet équipement doivent par conséquent continuer à relever des SDIS. Si on réutilise une partie de la PFR – 20 millions d'euros – à destination des SDIS, c'est pour leur permettre de répondre à la préoccupation que vous exprimiez à l'instant.

Vous m'avez parlé de la TSCA. Les présidents de conseil départemental considèrent la TSCA non pas comme un fléchage vers les départements de fonds de l'État destinés à financer les SDIS, mais comme une compensation générale au bénéfice des départements, résultant de la départementalisation. Ce n'est pas du tout mon approche : la TSCA a été mise en place dans le cadre de la départementalisation pour financer des investissements de sécurité civile. Au titre du versement de cette TSCA, l'État peut légitimement affirmer ses prérogatives en matière de sécurité civile aux côtés des départements. Nous devons absolument créer les conditions d'un nouvel équilibre sur ce sujet. J'y suis absolument favorable, je l'ai dit dès mon arrivée au ministère de l'intérieur. Nous devons continuer, dans les années qui viennent, à renforcer considérablement la présence de l'État dans la définition des enjeux de sécurité civile. La question de la transparence dans l'utilisation de la TSCA est pour moi un sujet fondamental et l'État n'a pas à considérer qu'en matière de sécurité civile, il n'a rien à dire ni rien à faire. Il doit au contraire profiter du fait que près d'un milliard est fléché vers les départements pour assurer la direction des questions de sécurité civile, autant que les départements.

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