Intervention de Annick Le Loch

Réunion du 2 novembre 2016 à 10h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch :

Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne sur les conséquences de la fin des quotas sur la filière laitière française et européenne proposée par nos collègues Yves Daniel et Hervé Gaymard. Celle-ci fait suite au rapport sur les filières d'élevage que Thierry Benoit et moi-même avons présenté le 30 mars dernier. Aujourd'hui encore, les filières d'élevage sont en crise grave et la filière laitière est particulièrement affectée. La fin des quotas, le 1er avril 2015, a déstabilisé le secteur qui vit une crise de surproduction et une volatilité des marchés laitiers libéralisés avec une diminution des prix payés aux producteurs français et européens. Et le « paquet lait » entré en vigueur en 2012 n'y a rien fait. « L'après quotas est une catastrophe », me disait un éleveur de mon département et même s'il y a d'autres raisons à cette situation de crise profonde, la détresse de certains producteurs est palpable.

Les quotas laitiers qui ont permis de garantir un prix n'ont cependant pas empêché une restructuration radicale du paysage laitier français. En vingt ans, notre pays est passé de 160 000 exploitations à 67 000 aujourd'hui et cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir. La pyramide des âges impliquera que d'ici à dix ans une exploitation sur deux changera de propriétaire.

Comment, dans ce contexte, conserver notre production laitière, soit près de 10 % des produits laitiers mondiaux, comment maintenir les producteurs dans nos territoires et comment saisir les opportunités économiques qui ne manqueront pas de s'ouvrir dans les années qui viennent ?

Les réponses à ces questions figurent dans la résolution proposée, qui fait suite au rapport d'information de nos collègues de la commission des affaires européennes dans lequel une stratégie globale pour l'avenir de la filière laitière française et européenne est tracée. Si l'on sait qu'on ne peut espérer revenir aux quotas, on ne peut pas non plus laisser les impitoyables logiques économiques des marchés mondiaux régir celui de la production laitière.

Comme le précise un considérant de la proposition de résolution, les producteurs doivent être rémunérés à hauteur de leur contribution aux biens publics qui sont leur mission nourricière, l'aménagement du territoire, le maintien des paysages et celui de la santé de la planète et du vivant ainsi que la lutte contre le réchauffement climatique.

Il convient donc de mettre en place un système de régulation capable de garantir un revenu décent aux producteurs, un système d'incitation et de contrainte proche du programme pour la responsabilisation face au marché (PRM) de l'European Milk Board qui permettrait de lisser les revenus et les volumes produits en cas de crise, comme nous l'avons déjà évoqué dans notre rapport sur l'avenir des filières d'élevage en mars dernier. Cette mesure peu coûteuse ne pénalise pas ou peu les exportations, car même si les volumes diminuent, les prix augmentent à la suite d'une revalorisation des prix sur le marché mondial. Cet instrument peut être mis en place rapidement dans le cadre réglementaire actuel de l'Union européenne. Il s'agit d'un système intelligent de régulation, un outil moderne adapté au système actuel, pas une entrave mais un système vertueux qui permettrait de préserver l'avenir, l'avenir justement et les investissements à venir. Quelle meilleure garantie pour les jeunes qui projettent de s'installer et pour les banques que cette forme de régulation ?

Cette impérieuse nécessité de réguler la production de lait au niveau européen a déjà trouvé un premier écho favorable à la suite d'une intense négociation initiée par le ministre français de l'agriculture dès le mois de février dernier. Une aide de 150 millions d'euros a été mise en place pour inciter à la réduction de la production du lait de vache, soit quatorze centimes par kilo non produit. La France a annoncé, fin août, sa décision d'abonder de dix centimes l'aide européenne. Le succès a été immédiat : la totalité de l'aide a été sollicitée dès le premier appel d'offres, 13 000 producteurs ayant déposé une demande pour les trois prochains mois. Une deuxième enveloppe est proposée : il y aurait huit fois plus de demandes que de possibilités financières offertes. Cette information est à vérifier.

Ce mouvement ne se limite pas à nos frontières. Au niveau européen, la baisse de la production est estimée à un peu plus d'un million de tonnes, ce qui traduit bien une prise de conscience collective, celle des professionnels d'abord qui veulent être acteurs de leur avenir et qui prouve la pertinence du dispositif initié par la France, celui de la diminution de l'offre pour soulager la crise.

Après les actions des producteurs contre Lactalis, ces derniers jours des sections syndicales bretonnes ont estimé qu'une des plus importantes coopératives laitières pratiquait des prix inacceptables au vu de la situation d'un très grand nombre d'éleveurs. Le rapporteur a évoqué le prix de 300 euros la tonne, mais j'ai lu, ici ou là, que les prix varient autour de 275 ou 280 euros la tonne en fonction de la qualité du lait.

Faut-il rappeler les résultats économiques de certains élevages, peu enviables ces deux dernières années ? Plus de 20 % d'entre eux peuvent en effet prétendre au revenu de solidarité active (RSA). Et avec eux c'est tout un écosystème local, une dynamique de territoire qui peut s'effondrer.

L'urgence est là. Je vous propose donc d'adopter cette proposition de résolution européenne.

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