Intervention de Hervé Pellois

Réunion du 2 novembre 2016 à 10h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Pellois, rapporteur :

Je remercie les différents intervenants pour leurs questions. Tous ont fait le constat d'une crise ayant plongé nos éleveurs dans une situation de grande détresse, résultant en partie du fait qu'ils étaient insuffisamment préparés à la situation actuelle. Ils étaient en effet habitués à percevoir depuis des décennies une paye de lait mensuelle – tandis que d'autres producteurs sont, eux, soumis de longue date à des aléas permanents : je pense notamment aux producteurs de porcs, qui ont dû affronter plusieurs crises consécutives et, à chaque fois, remonter la pente pour continuer à produire. Comme l'ont indiqué les rapporteurs de la proposition de résolution, il conviendrait sans doute de réfléchir à la mise en place d'une formation spécifique des producteurs afin qu'ils soient en mesure de faire face au contexte actuel, et mieux armés pour appréhender les mécanismes mondiaux d'une grande complexité dont ils sont peu familiers – même s'ils doivent en tenir compte depuis la crise de 2009, à laquelle ils n'ont pas échappé alors pourtant que les quotas laitiers étaient en vigueur.

L'organisation des producteurs a été largement évoquée. Si elle a été entreprise il y a plusieurs années, on peut penser qu'elle n'a sans doute pas avancé aussi vite qu'il l'aurait fallu. Le « paquet lait » de 2012 fournissait un certain nombre de réponses à la crise, dont les professionnels ne se sont pas emparés assez rapidement. De ce point de vue, nous pouvons féliciter notre ministre de l'agriculture d'avoir mis à profit certaines mesures de ce dispositif pour permettre une diminution de la production chez un certain nombre d'éleveurs laitiers – qui se répercute sur la production de viande bovine, comme cela a été dit. Je rappelle qu'il suffit d'une diminution d'un très faible pourcentage pour aboutir à un nouvel équilibre entre l'offre et la demande.

Aux critiques émises par certains de nos collègues de l'opposition, je répondrai d'abord qu'il est évident que l'on ne fait jamais assez en politique pour aider les personnes qui se trouvent en difficulté. Cela dit, je rappelle que l'allégement des charges annuelles pour le secteur agricole est passé de 2,5 milliards d'euros en 2012 à 4,7 milliards d'euros aujourd'hui : les 2,2 milliards d'euros supplémentaires qui ont été apportés pour tenter d'apaiser des difficultés du monde agricole, que l'on espère passagères, constituent, à mon sens, un effort important et très concret.

À M. André Chassaigne, qui m'a interrogé sur la volatilité des marchés, je dirai que les marchés sont par nature volatils. Dès lors, il nous appartient de trouver des réponses dans le cadre de la révision de la PAC en 2020 pour maintenir les producteurs en place : les réponses collectives dont nous disposons au niveau européen doivent pouvoir se décliner au niveau national à l'occasion de la mise en place de cette nouvelle PAC et, pour cela, la France doit être porteuse d'idées de nature à permettre de maintenir le plus grand nombre possible de producteurs partout en Europe.

Mme Annick Le Loch a souligné la forte diminution du nombre d'éleveurs laitiers consécutive à la mise en place des quotas. S'il y a six fois moins d'éleveurs qu'auparavant, la production, elle, s'était maintenue jusqu'à présent dans toutes les régions françaises ; or, cette production commence également à se tarir dans certaines régions, ce qui constitue une alerte que nous ne devons pas ignorer. C'est l'objet de la proposition n° 13, visant à ce que l'agriculteur se voie confier un rôle dépassant celui de simple producteur de lait pour toucher également à l'aménagement du territoire et à la survie des campagnes.

M. Yves Daniel a souligné le manque d'anticipation de la crise de la part de l'ensemble des producteurs européens. Les solutions proposées par l'Europe n'ont effectivement pas toujours été suivies d'effet, ce que l'on peut déplorer.

Mme Sophie Rohfritsch a fait allusion à la brique de lait dont le prix a été fixé par les consommateurs. Je me félicite de cette initiative, très proche de ce qui est fait avec les paniers de fruits et légumes, dont le prix est fixé de manière équitable, et qui peut constituer un élément de réponse.

Mme Michèle Bonneton m'a interrogé au sujet de la proposition n° 3, en particulier sur la nature des instruments assurantiels de nature à permettre aux producteurs d'atténuer l'impact de la volatilité des prix sur leur production. Un fonds d'assurance s'alimente au moyen de cotisations et un fonds de mutualisation par des taxes. Des groupements de producteurs ont déjà mis en place ce type de fonds constitué d'une caisse de péréquation qu'ils alimentent lorsque les cours sont hauts, et dans laquelle ils puisent lorsque les cours sont bas. Cela dit, de tels systèmes ne sont pas faciles à maintenir quand les périodes de crise se succèdent trop rapidement.

Pour ce qui est de l'étiquetage des produits laitiers, il va être procédé à une expérimentation à compter du 1er janvier 2017 pour une durée de deux ans, donc sur une période dont on peut espérer qu'elle ne correspondra pas uniquement à la crise ; au demeurant, si l'expérience se révèle positive, nous pourrons nous efforcer de faire en sorte que cette mesure soit prolongée au-delà des deux ans prévus actuellement.

Pour ce qui est des appellations d'origine protégée, je me contenterai d'observer que les AOP figurant dans le CETA sont celles qu'il est le plus important de protéger dans le cadre des échanges commerciaux avec le Canada.

M. Philippe Le Ray a évoqué l'accompagnement financier des groupements de producteurs – auquel je sais que la région Bretagne, notamment, apporte sa contribution –, et l'on ne peut qu'être favorable à de telles initiatives, qui permettent d'encourager la structuration des élevages.

Pour ce qui est de la valeur des quotas, d'autres pays qui ont mis en place des quotas payants se trouvent aujourd'hui empêtrés dans un système ayant pour conséquence de renchérir le coût de l'installation des exploitants, ce qui va à l'encontre de l'objectif consistant à favoriser l'installation de nouvelles générations de producteurs.

M. Éric Straumann a souligné l'intérêt qu'il y aurait à engager des négociations en vue de la levée de l'embargo russe sur les produits laitiers en provenance de l'Union européenne, ainsi que le potentiel commercial du marché chinois. S'il est exact qu'une très faible variation des commandes à destination de la Chine peut avoir d'importantes répercussions sur le volume de nos exportations, nous devons aussi nous demander, à l'inverse, quelles seraient les conséquences pour nos producteurs si les relations entre la France et la Chine, actuellement au beau fixe, venaient à se détériorer pour une raison ou une autre. D'une manière générale, il est très important pour nous que les relations avec la Chine et tous les pays du Sud-Est asiatique, des pays émergents constituant autant de nouveaux marchés pour les exportateurs européens, soient aussi bonnes que possible, et c'est l'un des objectifs de cette proposition de résolution que de nous permettre de trouver de nouveaux débouchés dans les pays d'Extrême-Orient.

Je remercie Mme Sophie Errante d'avoir rappelé que l'innovation est porteuse d'avenir.

M. Alain Suguenot a évoqué son inquiétude à l'idée d'un assouplissement des appellations d'origine protégée. En réalité, il ne s'agit pas tant d'assouplir les AOP que de faciliter leur mise en place et de raccourcir les délais qu'imposent actuellement les exigences d'une administration souvent trop tatillonne en la matière. L'effet positif des AOP sur les prix des produits laitiers n'est plus à démontrer, notamment en zone de montagne, où les producteurs se portent, de ce fait, plutôt mieux que ceux des zones de plaine.

En réponse à M. Jean-Charles Taugourdeau, je dirai qu'une bonne partie des produits français bénéficie déjà d'une labellisation.

M. Damien Abad s'interroge sur l'efficacité du couple franco-allemand. Pour ma part, je ne suis pas persuadé que les divergences entre notre pays et l'Allemagne se résument à des questions d'ordre agricole. Notre voisin d'outre-Rhin profite actuellement du considérable effort de modernisation qu'il a réalisé de 1995 au début des années 2000 : le Gouvernement allemand a entrepris des chantiers de grande ampleur afin de reconstituer, à l'est du pays, des élevages importants qui nous causent aujourd'hui beaucoup de tort. Cela dit, n'allons pas reprocher à l'Allemagne d'avoir su faire preuve de dynamisme, et efforçons-nous plutôt de trouver, à notre tour, des solutions pour rendre notre agriculture plus performante.

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