Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 4 novembre 2016 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Immigration asile et intégration

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances pour 2017 traduit l’engagement du Gouvernement en faveur des missions du ministère de l’intérieur, notamment de celles qui doivent faire face à des contraintes extrêmement fortes depuis deux ans.

Le ministère a été doté de moyens pour relever les défis de la crise migratoire. La mission « Immigration, asile et intégration » connaît, dans ce contexte, une augmentation de ses moyens de 14,8 % à périmètre constant, qui doivent lui permettre de pleinement mettre en oeuvre les objectifs de la loi relative à la réforme du droit d’asile du 29 juillet 2015 et celle relative au droit des étrangers du 7 mars 2016.

Les crédits de la mission qui sont soumis à votre approbation aujourd’hui en traduisent clairement les priorités. Le projet de loi de finances pour 2017 poursuit l’effort de renforcement des services et des opérateurs concourant aux missions d’accueil des ressortissants étrangers et de traitement de leur demande d’asile.

Il est ainsi proposé d’élever le plafond d’emplois de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ou OFII, à 1 014 ETPT – équivalents temps plein travaillés –, traduisant une progression de 213 emplois en deux ans, dont 78 par rapport à 2016, afin de faire face à l’accroissement des activités de l’établissement dans le domaine de l’asile, qu’il s’agisse de l’enregistrement des demandes dans les guichets uniques, de la gestion du parc d’hébergement ou de l’allocation pour demandeur d’asile.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, bénéficiera quant à lui de 140 emplois supplémentaires par rapport à 2016 ; l’office aura ainsi bénéficié de 310 emplois supplémentaires depuis le début de l’année 2015. Ces moyens doivent permettre à l’opérateur de prendre en charge dans les meilleures conditions une demande d’asile en forte accélération, sans pour autant dégrader les délais de traitement des dossiers. Les services du ministère bénéficient également de renforcements d’effectifs depuis deux ans, avec notamment 36 équivalents temps plein supplémentaires dans les préfectures pour renforcer les guichets uniques.

Ce projet de loi de finances traduit ainsi la poursuite de l’effort visant à donner à notre politique de l’asile, profondément réformée avec l’adoption de la loi du 29 juillet 2015, des moyens à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.

Ces moyens progressent ainsi de 15 %. Ils permettront, en premier lieu, de poursuivre l’extension du parc d’hébergement des demandeurs d’asile en finançant 40 350 places dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile – les CADA –, dont 2 000 places nouvelles en 2017, soit un doublement du parc au cours du quinquennat, alors que 2 000 places seulement avaient été créées entre 2007 et 2012 ; nous en aurons donc créé 22 000. En second lieu, 21 000 places d’hébergement d’urgence sont financées, dont plus de 5 000 nouvelles places le sont en 2017 dans le cadre, pour la première fois, d’une procédure de commande publique lancée au niveau national.

Ainsi, le nombre de places de CADA aura quasiment doublé en cinq ans et plus de 6 000 places d’hébergement d’urgence dédiées auront été créées dans le cadre du plan national.

Parallèlement, les crédits consacrés à l’allocation pour demandeur d’asile – l’ADA – progressent de 71 millions d’euros pour faire face aux besoins engendrés par l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile. Cette augmentation très conséquente s’accompagne d’une volonté réaffirmée de maîtrise des coûts, rendue possible par les dispositifs prévus par la loi relative à la réforme de l’asile, tels que l’orientation directive des demandeurs d’asile dans l’hébergement et la substitution de places d’hébergement pérennes aux nuitées d’hôtel.

Le PLF pour 2017 soutient également l’action en faveur de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, qui constitue un axe majeur de la politique d’immigration. Il est ainsi proposé de maintenir les crédits dédiés à l’éloignement en 2017, après l’augmentation de 55 % dont ils avaient bénéficié en loi de finances initiale pour 2016 par rapport à 2015.

Enfin, la politique d’intégration bénéficie d’un renforcement de ses moyens pour la mise en oeuvre d’une politique rénovée et ambitieuse, prévue par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers. Les crédits consacrés à l’accompagnement des primo-arrivants et des réfugiés dans le PLF pour 2017 bénéficient d’une nouvelle hausse non négligeable de 20 %, après celle intervenue en 2016. Il s’agit de financer l’extension du contrat d’intégration républicaine, qui constitue un outil essentiel de notre ambition. Il instaure une exigence accrue en matière de maîtrise de la langue française et d’adhésion aux valeurs de la République, facteurs essentiels de l’intégration, qui conditionnent désormais l’obtention de la carte de résident.

Puisque nous sommes réunis aujourd’hui pour évoquer les questions des étrangers en France et de l’asile, je tiens à terminer mon propos en évoquant le bilan de l’opération de Calais, qui a pris fin hier – il n’y a désormais plus aucun migrant sur la lande de Calais. Nous avons mené une opération à caractère humanitaire sans précédent, préparée avec minutie, dans l’intérêt de ceux qui relèvent du statut de réfugié en France. Elle a permis d’orienter 5 132 adultes vers près de 450 centres d’accueil et d’orientation et 1 930 mineurs dans près de 70 centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés, dédiés exclusivement à ce public.

Nous avons donc sorti du froid, de la boue, de la vulnérabilité et de la précarité immense dans laquelle elles se trouvaient l’ensemble des personnes qui vivaient à Calais dans des conditions indignes. Les troubles à l’ordre public qui résultaient de cette concentration ont cessé depuis dix jours : il n’y a plus aucune intrusion sur la rocade ni dans le tunnel.

Nous avons mené cette opération, contrairement à ce que laissent à penser les multiples commentaires que j’ai entendus sur ce sujet, sans qu’à aucun moment les forces de sécurité publique n’aient eu à intervenir pour contraindre ceux qui étaient à Calais à partir. Les seules images que nous avons vues sont celles de forces de l’ordre aidant les migrants à acheminer leurs bagages vers les bus qui devaient les transporter vers les centres d’accueil et d’orientation.

Il n’y a aucun « mini-Calais » en France : il n’y a que des centres d’accueil et d’orientation. Par conséquent, les discours tenus sur ce sujet relevaient, comme ceux que nous venons d’évoquer sur d’autres questions, de la manipulation, de la contre-vérité, de l’instrumentalisation, dans un contexte d’irresponsabilité absolue – le président d’une organisation politique, et non des moindres, avait même proposé à la population de se dresser contre les préfets qui organisaient cet accueil humanitaire : c’est dire le niveau auquel le débat a été abaissé.

Je veux renouveler mes remerciements très sincères à l’ensemble des administrations de l’État qui ont concouru à la réussite de cette opération – je pense à l’OFII et à l’OFPRA. Je veux adresser mes remerciements à l’ensemble des forces de sécurité qui ont accompagné cette opération et qui, depuis des mois, étaient mobilisées pour assurer la sécurité des Calaisiens.

Je veux remercier les Calaisiens eux-mêmes qui, depuis de très nombreuses années, devaient faire face à une situation difficile : ils l’ont affrontée avec la générosité, le courage, la maîtrise et le sang-froid qui caractérisent les Français de notre façade septentrionale, comme tant d’autres.

Je veux remercier les maires qui, en dépit des pressions qu’ils ont subies, des manipulations orchestrées, ont accepté d’accueillir sur leur territoire des hommes et des femmes relevant du statut de réfugié en France et ayant vocation à l’obtenir.

Je veux d’ailleurs profiter de cette intervention pour indiquer qu’il n’y a pas, contrairement à ce qui a pu être dit de façon mensongère et outrancière, d’opération de régularisation massive d’étrangers en situation irrégulière.

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