Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 27 octobre 2016 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

D'une violence inédite, la crise qui frappe aujourd'hui l'ensemble des filières agricoles nécessite des mesures d'envergure, une vision de long terme allant au-delà de l'accumulation de plans d'urgence sans doute nécessaires, mais centrés sur l'immédiateté et le court terme.

Après deux années consécutives de baisse, le budget de la mission « Agriculture » avait touché le fond l'année dernière, avec environ 2,7 milliards d'euros, contre 3,47 milliards dans la loi de finances pour 2012. Cette année, le budget en discussion s'élevant à 3,36 milliards d'euros envoie un signal positif

Nous regrettons surtout le manque de stabilité et ces atermoiements qui empêchent les agriculteurs de pouvoir se projeter sereinement dans l'avenir. J'en veux pour preuve l'évolution du budget du Fonds d'allégement des charges qui était de 8 millions d'euros en 2012, avant de chuter à son plus bas niveau en 2015 et 2016 avec seulement 1,5 million d'euros. Cette année, le budget n'est toujours pas abondé.

Enfin, je tiens à rappeler que près de 80 % de la hausse du budget de la mission « Agriculture » est absorbée par la réduction de sept points du taux de la cotisation personnelle des exploitations agricoles, mise en oeuvre en 2016 et portée à partir de 2017 par le budget du ministère.

Les points positifs de ce budget ne doivent cependant pas être passés sous silence. La hausse des crédits – 13 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 33 % par rapport à 2016 – dédiés au bloc « mesures agroenvironnementales et climatiques » et « agriculture biologique » est évidemment positive. Je rappelle au passage que nous avons adhéré au concept d'agroécologie dès que celui-ci a été présenté, car il nous apparaissait comme le prolongement de ce que les agriculteurs appelaient « l'agriculture écologiquement intensive ». Aujourd'hui, inscrire l'agriculture dans cette trajectoire nous paraît non seulement opportun, mais nécessaire.

Au nom du groupe UDI, je me félicite surtout de la hausse de crédits prévue de 21 %, à 8,3 millions d'euros, pour la promotion à l'international de nos produits agroalimentaires. Cela montre la volonté du Gouvernement d'agir en ce sens. Cette inversion de tendance était attendue, dans la mesure où la filière agroalimentaire française doit trouver à l'étranger des relais de croissance pour surmonter la crise, alimentée notamment par l'embargo de la Russie.

Pour autant, j'ai bien peur que ce projet de budget reste encore insuffisant face à l'ampleur de la crise. À sa lecture, le constat implacable qui est fait est celui d'un décalage entre les annonces du pacte de consolidation du 4 octobre dernier et la réalité des crédits budgétés. Ainsi, le budget ne prévoit pas d'abondement supplémentaire du Fonds d'allégement des charges, en dépit des annonces du Gouvernement. Il est déjà acté que le FAC devra être abondé en loi de finances rectificative 2016, puis 2017, avec plus de 100 millions d'euros nécessaires dès 2017. Là encore, il aurait été préférable d'anticiper.

Deuxième exemple : l'aide en faveur du redressement des exploitations en difficulté (AGRIDIFF) est stable par rapport à l'année précédente, à 1,85 million d'euros, alors que la crise n'a fait que s'accentuer. Ce gel entre en contradiction avec la réalité des difficultés constatées sur le terrain.

Monsieur le ministre, je tiens également à appeler votre attention sur un sujet grave, qui va nécessiter que vous interveniez au plus haut niveau : les retards de paiement des aides PAC, les aides dues au titre du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) et des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). Je suis préoccupé au plus haut point par la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les agriculteurs qui attendent ces aides en vain. Vous avez pris la mesure de la gravité de la situation en annonçant des plans d'urgence. Au sein des comices agricoles, des salons d'élevage – à Cournon-d'Auvergne, au SPACE de Rennes –, tout le monde s'accorde à considérer qu'il faut trouver d'urgence des réponses aux problèmes de trésorerie auxquels sont confrontés les agriculteurs. Des outils existent, qu'il faut mettre en oeuvre, et c'est à juste titre que les agriculteurs attendent le versement des aides qui leur reviennent. Pour certaines exploitations, les retards de paiement s'élèvent à 20 000 euros, 30 000 euros, parfois davantage !

Dans ce domaine, les régions ont la qualité d'autorité de gestion, et les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) sont chargées d'instruire les dossiers. Les deux dernières années de gestion de la PAC par l'Agence de services et de paiement (ASP) ont été calamiteuses et ont occasionné des retards considérables dans l'instruction des dossiers. Si les difficultés rencontrées proviennent en partie de problèmes de logiciels, il est inacceptable que nous ne disposions d'aucune solution en 2016 pour apporter des réponses immédiates à nos agriculteurs. Pour leur venir en aide, pourquoi ne pas débloquer des crédits d'État ou intervenir auprès des régions ? Je suis moi-même intervenu auprès de M. Le Drian, président de ma région, la Bretagne, en espérant que son statut de ministre permettrait de débloquer la situation : hélas, il n'en a rien été. Monsieur le ministre, il est grand temps d'agir sur cette question cruciale !

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