Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du 2 novembre 2016 à 17h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Je supplée, au pied levé, Xavier Breton qui a eu quelques soucis de transport.

Madame la ministre, la Cour des comptes rappelle qu'en raison de leur nombre, les enseignants représentent à eux seuls près de la moitié des agents publics employés par l'État, soit 17 % du budget général. Le Gouvernement s'est entêté, au détriment d'autres ministères, dans l'application d'une augmentation des effectifs des enseignants alors même qu'on la sait inopérante. Cela n'a pas amélioré la performance de notre système scolaire, qui se situe au dix-huitième rang sur trente-quatre dans le classement des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Cette augmentation s'est faite au détriment des enseignants eux-mêmes puisque, comme indiqué dans le rapport de la Cour des comptes, ces derniers ont un salaire inférieur de 15 % à 20 % à celui de leurs homologues de l'Union européenne. Il aurait fallu dégager des marges de manoeuvre pour y remédier. Enfin, c'est ce que nous pensions. Nous nous trompions puisque plus 7,7 milliards d'euros ont été dépensés de manière inefficiente durant ce quinquennat, et cela ne va pas s'arrêter étant donné que ces dépenses engagent l'État pour des dizaines d'années. Vous avez décidé de laisser une énorme facture à vos successeurs. Dans un contexte de finances publiques gravement déficitaires, alors que nous laissons 2 000 milliards d'euros de dettes publiques à nos enfants, nous sommes plus que sceptiques sur l'efficience de votre méthode : toujours du quantitatif au détriment du qualitatif.

En commission, la semaine dernière, notre rapporteur a expliqué que vous aviez attendu le redressement des comptes – qui ne nous apparaît pas évident du tout – pour agir maintenant sur ce qui aurait dû vous préoccuper dès le départ, à savoir une revalorisation du métier d'enseignant après la suppression des heures supplémentaires défiscalisées. Vous nous annoncez donc que vous allez revaloriser les salaires des enseignants, ce qui est juste, mais sur plusieurs années, en commençant timidement en 2017 et en poursuivant la tendance jusqu'en 2020. Vous laissez, une fois de plus, la facture à vos successeurs.

Si je suis favorable à la revalorisation du métier d'enseignant, je trouve aussi qu'il faudrait absolument mettre dans la balance une formation continue obligatoire. D'ailleurs, la mission d'information sur la formation des enseignants, que j'ai eu l'honneur de présider, a démontré que la formation continue était le parent pauvre de l'éducation nationale. Ce n'est pas le rapporteur Michel Ménard qui me contredira.

Vous proposez une revalorisation et une évaluation d'un nouveau type. Vous annoncez la fin des notes chiffrées sans nous donner plus de précisions. Est-ce un nouvel égalitarisme qui ne dit pas son nom, dissimulé derrière une méritocratie dont on ne connaît pas les règles ? Madame la ministre, votre majorité a souhaité consolider le socle – et c'est tant mieux – mais il faut avouer que l'on se perd dans des indicateurs qui changent trop souvent. La disparition de l'évaluation en fin de CM2 rend certains tableaux du « bleu » budgétaire incompréhensibles. On aurait aimé trouver davantage de visibilité.

Je relève les efforts qui sont faits en faveur des élèves handicapés, mais je suis un peu inquiet concernant le taux de couverture et d'affectation dans les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), qui baisse d'un point par rapport aux notifications, à la fois à l'école et au collège. C'est un domaine dans lequel nous ne devons pas relâcher nos efforts.

Xavier Breton avait été, avec Yves Durand, l'auteur d'un excellent rapport sur la réforme des rythmes scolaires. Mon collègue Breton n'est toujours pas convaincu des bienfaits de cette réforme dont les magistrats de la rue Cambon ont eu du mal à évaluer le coût réel. Cette réforme, effectuée à marche forcée, ne s'applique pas de la même manière sur tout le territoire. C'est surtout l'intérêt pédagogique des organisations proposées sur le terrain qui laisse plus d'un observateur de l'école songeur. Tout ça pour ça !

De manière plus générale, il y aurait beaucoup à dire sur la rentrée de 2016 et mes collègues ne manqueront pas de vous interroger sur le sujet. Permettez-moi d'exprimer nos inquiétudes sur la réforme du collègue, guidée par une idéologie égalitariste qui va engendrer bien plus d'inégalités réelles que l'élitisme qu'elle prétend combattre. Vous y voyez du progrès mais, pour notre part, nous constatons que tous les symboles de l'excellence et du goût de l'effort à l'école sont remis en cause. Nous ne partageons pas vos analyses sur l'enseignement des langues anciennes ou les filières bilangues. La mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires, au détriment des matières fondamentales, ressemble à une véritable usine à gaz. Ces EPI répondent à l'objectif de « désennuyer » les élèves comme si l'école devait avant tout divertir. En fait, ils risquent d'accentuer les carences de notre système éducatif et, comme toujours, de desservir les élèves les plus en difficulté. Le vivre-ensemble a pris le pas sur la transmission des savoirs.

Enfin, sur la forme, cette réforme traduit un mépris pour les enseignants, auxquels cette réforme a été imposée sans concertation et qui ont été obligés de l'appliquer dans des délais extrêmement courts.

Pour terminer, je vous soumets deux questions. Que reste-t-il aujourd'hui de la grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République ? Si certains enfants n'accèdent plus aux études supérieures, n'est-ce pas parce que, dès l'école primaire, on n'exige plus rien d'eux ?

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