Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du 7 novembre 2016 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame la rapporteure pour avis, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, sur le plan budgétaire, la mission « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, représente l’une des plus importantes du budget de l’État, avec une enveloppe totale de 27 milliards d’euros. Elle intègre la quasi-totalité des dépenses de recherche civile de l’État et l’essentiel de ses dépenses en matière d’enseignement supérieur : 53 % des crédits sont attribués à la recherche, 36 % à l’enseignement supérieur et 10 % à la vie étudiante.

Le présent budget augmentera de 852 millions d’euros en 2017. Ces annonces, certes importantes pour la recherche et l’enseignement supérieur, n’effacent toutefois pas une réalité structurellement difficile, à laquelle une augmentation ponctuelle ne saurait répondre.

Je mentionnerai, à titre d’exemple, la situation budgétaire des universités. J’étais présente à la soirée de l’Université d’été de la Conférence des présidents, le 31 août dernier, à laquelle assistait aussi Mme la ministre de l’éducation nationale et vous-même, monsieur le président de la commission des affaires culturelles. Mme la ministre, annonçant fièrement à cette occasion le gel des droits d’inscription, ne peut pas ne pas avoir entendu l’émoi qui alors s’exprima. Les présidents seraient-ils insensibles à la situation sociale des étudiants, que cette mesure est censée satisfaire ? Non, bien entendu. Mais ils savent ce qu’elle signifie : moins de moyens et plus d’étudiants dans les universités, alors qu’elles sont malades de leurs budgets en déficit structurel, en tout cas pour huit d’entre elles. Et celles qui présentent un budget à l’équilibre ne le doivent qu’au gel de postes d’enseignants, devenus la variable d’ajustement.

Quant au patrimoine, un tiers est vétuste ou en mauvais état. La part des surfaces considérées comme correctes a diminué, la rénovation du bâti étant l’autre variable d’ajustement. De fait, on a honte de l’état de certains bâtiments universitaires. Les comparaisons internationales sont, de ce point de vue, cruelles.

Ma circonscription est limitrophe de la Suisse, et je vous invite à regarder l’offre et l’immobilier universitaires de ce pays, qui attire de plus en plus d’étudiants français. C’est le cas de l’École polytechnique fédérale – EPFL – de Lausanne, par exemple, où certains professeurs français, comme Vincent Peillon, ne dédaignent pas d’enseigner.

L’autonomie des universités, qui est l’une des réformes majeures du précédent quinquennat, aurait dû être poursuivie, en leur accordant le droit de recruter professeurs et étudiants, et celui de fixer le montant des droits d’inscription.

Vous n’avez en fin de compte, au cours du présent quinquennat, proposé aucune réforme de structure. Vous avez même rogné l’autonomie budgétaire des universités en leur infligeant des dépenses supplémentaires et en les spoliant d’une part de leurs fonds propres. Et ce n’est pas l’augmentation budgétaire ici annoncée – laquelle s’appliquera quelques semaines avant la fin du quinquennat – qui peut constituer une réponse crédible. La paupérisation de l’université est un fait.

La réforme de l’autonomie doit être poursuivie et amplifiée afin de doter les universités d’une stratégie et d’une gouvernance qui servent réellement de socle pour proposer des formations et des recherches de qualité aux étudiants et aux chercheurs. Cela pose évidemment la question de la sélection à l’entrée de l’université.

L’un des faits majeurs, depuis 2013, est l’augmentation massive du nombre de nouveaux étudiants : de 25 000 par an, ils sont aujourd’hui 40 000, soit presque deux fois plus. Ce « boom » démographique était prévisible, et les réseaux sociaux relaient à l’envi les images d’amphithéâtres saturés et d’étudiants prenant leurs cours à même le sol. Un étudiant sur deux seulement est satisfait dans son premier choix. Cela pose de nombreuses questions, auxquelles l’annonce du Président de la République de porter 60 % d’une classe d’âge au niveau du supérieur ne répond aucunement. Une telle évolution aggraverait même le problème. Je rappelle que, aujourd’hui, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur atteint 44 % pour une classe d’âge. Sans adaptation structurelle et budgétaire, cette annonce n’a donc aucune chance d’aboutir, et sa pertinence n’est pas davantage démontrée.

À cela s’ajoute le lancinant problème de l’échec universitaire : 60 % des étudiants échouent en licence. Comment ignorer le cri d’alarme des enseignants universitaires et des présidents sur le niveau insuffisant de savoir de certains étudiants, prolongement tragique du phénomène observé dans le secondaire ? Le bac, auquel tous accèdent peu ou prou, ne valide plus le socle de savoirs indispensables à la réussite.

Le tirage au sort écarte injustement de bons étudiants. Monsieur le secrétaire d’État, je vous reconnais un courage, le courage d’avoir affronté la question de la sélection à l’entrée en master. Certes, la situation était devenue juridiquement intenable, mais vous avez assumé cette clarification et reconnu ce qui était déjà un état de fait dans de nombreuses formations. On se doute du combat que vous avez dû mener en coulisses, et que l’on devine à l’opération de camouflage sémantique, le mot « sélection », véritable chiffon rouge – y compris pour votre ministre de tutelle –, étant remplacé par celui, pudique, de « recrutement », mais dans un nombre encore trop restreint de masters.

Sans doute est-il important de répondre à l’afflux croissant d’étudiants, mais il faut aussi répondre à la concurrence mondiale à laquelle sont soumises nos universités. Pourquoi avoir supprimé les bourses au mérite, concept honni en ce qu’il distingue les meilleurs étudiants, mais sur la base de critères sociaux ?

La véritable démocratisation, puisque vous avez conclu sur ce point en le corrélant à l’exigence de qualité de l’enseignement, consiste à offrir des formations de qualité – de cela, nous sommes d’accord – dans des locaux dignes et un espoir d’insertion professionnelle pour des jeunes que le chômage frappe, même quand ils sont diplômés, et ce dans des proportions insupportables.

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