Intervention de Éric Straumann

Réunion du 25 octobre 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Straumann, rapporteur :

Le titre III de la loi ALUR contenait également une série de dispositifs visant à moderniser le secteur du logement social. Cette modernisation avance, malgré quelques retards et certaines pratiques de contournement de la loi. La création de l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) par le décret du 23 décembre 2014 a été réalisée dans de bonnes conditions. D'après les dirigeants de l'agence, que nous avons auditionnés, la fusion de la Mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) et de l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (ANPEEC) s'est globalement bien passée et le climat social au sein de cette nouvelle agence est aujourd'hui apaisé.

Le décret du 13 mai 2015 a, par ailleurs, permis d'améliorer les procédures de contrôle des bailleurs sociaux en instaurant un principe de collégialité et un droit de réponse des organismes contrôlés. En 22 mois, de janvier 2015 à octobre 2016, l'ANCOLS a contrôlé 82 organismes de logement social et fut à l'origine d'une sanction record d'un montant d'un million d'euros contre l'office public de l'habitat (OPH) de Puteaux, en raison d'attributions irrégulières. Toutefois, le travail d'études de l'ANCOLS est contesté par une partie du monde HLM qui considère que d'autres institutions, comme la Cour des comptes, assurent déjà cette mission.

Le transfert de la tutelle des OPH communaux aux EPCI compétents en matière d'habitat, prévu à l'article 114 de la loi ALUR, se passe, lui aussi, globalement de manière satisfaisante. Ce processus risque cependant d'être perturbé par le mouvement de fusion-recomposition d'un nombre significatif d'intercommunalités qui doit intervenir, en application de la loi NOTRe, à la même date que le changement de rattachement des OPH, à savoir le 1er janvier 2017. Malheureusement, le décret du 23 août 2016 n'a apporté aucune réponse à cette situation particulière. Nous espérons donc que les préfets agiront avec pragmatisme pour accorder un délai supplémentaire de quelques semaines aux EPCI concernés par une fusion. Par ailleurs, certaines communes, principalement dans la région Île-de-France, cherchent à contourner la loi en transférant le patrimoine de leur office HLM à une société d'économie mixte (SEM) dont l'actionnariat est majoritairement communal. Environ une vingtaine de cas auraient été recensés. En réponse, les préfets ont mis en place un contrôle étroit sur ces transferts et une disposition du projet de loi « Égalité et citoyenneté » a renforcé leurs pouvoirs sur ce point.

Enfin, la loi ALUR a modernisé la réglementation relative aux organismes HLM, afin de leur permettre de répondre à de nouveaux besoins et à de nouveaux enjeux. Toutefois, plus de deux ans et demi après la promulgation de la loi, force est de constater que ces nouvelles compétences, pourtant réclamées par les organismes eux-mêmes, ont été peu utilisées pour l'instant. Ainsi, la possibilité de vendre des logements non sociaux à une personne privée – pratique appelée « VEFA (vente en l'état futur d'achèvement) inversée » – n'a jusqu'à présent été utilisée qu'une seule fois, à Paris, malgré l'assouplissement apporté par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite loi « Macron »). L'Union sociale pour l'habitat (USH) nous a indiqué vouloir faire connaître à ses adhérents cette nouvelle possibilité et la faire entrer dans la culture des maîtres d'ouvrage sociaux. En ce qui concerne les sociétés d'économie mixte (SEM) de construction et de gestion de logements sociaux, la publication très tardive, le 6 juin 2016, du décret sur la procédure d'agrément, a pu bloquer certains projets de développement de SEM. Par ailleurs, selon la fédération des entreprises publiques locales et les associations de locataires, un décret est toujours en attente au sujet de la participation, avec voix délibérative, des représentants des locataires aux conseils d'administration des SEM. Nous appelons donc le Gouvernement à le publier au plus vite.

J'en viens maintenant à la seconde partie de notre rapport relative à l'urbanisme. Le titre IV de la loi ALUR contient une série de mesures visant à la fois à moderniser le contenu des documents d'urbanisme et à encourager la montée en puissance des intercommunalités dans leur pilotage, afin que la planification stratégique soit réalisée à l'échelle géographique la plus pertinente. Ces deux objectifs semblent aujourd'hui être en passe d'être atteints même si la réforme territoriale issue de la loi NOTRe, intervenue postérieurement à la loi ALUR, perturbe cette dynamique dans certains territoires.

Tous les acteurs auditionnés par vos rapporteurs ont indiqué qu'ils observaient un fort mouvement en faveur du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) depuis la promulgation de la loi ALUR, ce qui est confirmé par les chiffres. D'après le ministère du logement, le nombre de PLUi engagés est ainsi passé de 100 en 2013 à plus de 300 en 2015. La part de la population française appartenant aux communes couvertes par un PLUi approuvé ou pour lequel un PLUi est en cours d'élaboration a doublé en un an en passant de 13,5 % en 2014 à 29,7 % en 2015.

L'article 136 de la loi ALUR, qui prévoit un transfert obligatoire au 24 mars 2017, sauf minorité de blocage, de la compétence en matière de plan local d'urbanisme à toutes les communautés d'agglomération et toutes les communautés de communes, n'est pas encore entré en application. La multiplication du nombre de PLUi depuis deux ans s'explique donc principalement par d'autres mesures incitatives inscrites dans la loi. La première incitation fut la caducité des plans d'occupation des sols (POS) au 31 décembre 2015. De nombreuses communes se sont lancées dans une démarche intercommunale à cette occasion, car la loi a prévu un report de la caducité des POS jusqu'au 31 décembre 2019 si une procédure d'élaboration d'un PLUi a été engagée avant le 31 décembre 2015. La seconde incitation, créée par la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, fut le report des délais de « grenellisation » des documents d'urbanisme si l'élaboration d'un PLUi a été engagée avant le 31 décembre 2015.

Enfin, depuis 2012, le ministère du logement et de l'habitat durable anime un « club PLUi » en partenariat avec le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU) et les associations d'élus locaux. D'après tous les acteurs auditionnés, ce club fonctionne bien. Il promeut et encourage l'élaboration des PLUi sur le territoire et apporte un appui méthodologique, juridique et financier aux EPCI qui s'engagent dans cette démarche. Le club a produit une « boîte à outils » comprenant notamment des fiches méthodologiques à destination des élus locaux et des services des collectivités locales.

Ce genre de démarche partenariale est très positif. C'est le meilleur moyen d'accompagner la mise en application d'une loi, même si des disparités territoriales demeurent encore dans la qualité du soutien des services déconcentrés de l'État.

Toutefois, la bonne dynamique en faveur du PLUi a été perturbée dans certains territoires par l'adoption de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : en application de la loi NOTRe, de nombreux EPCI vont en effet fusionner au 1er janvier 2017 afin de respecter le nouveau seuil démographique de 15 000 habitants minimum par EPCI. Selon des estimations, ce mouvement de fusion concernera environ deux EPCI sur trois.

L'année 2016 a donc été une année d'incertitude sur l'architecture institutionnelle des intercommunalités. Cette incertitude a freiné les initiatives, les élus communaux attendant de connaître le périmètre définitif des nouveaux EPCI avant de s'engager dans l'élaboration d'un PLUi. Par ailleurs, de nombreuses interrogations sont apparues sur les conditions de mise en oeuvre de la minorité de blocage prévue à l'article 136 de la loi ALUR et sur la capacité des EPCI absorbés à s'opposer au transfert de compétence. Enfin, certains territoires, notamment dans le Pays basque et en Normandie, ont fait le choix de créer des EPCI de très grande taille pour lesquels un seul PLUi semble difficile à élaborer. Afin de répondre à ces problématiques particulières, le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, en cours de discussion, a donc prévu des mesures dérogatoires dont le contenu exact doit encore être précisé.

Un même mouvement est observé en ce qui concerne les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Le durcissement de la règle de constructibilité limitée en l'absence d'un SCoT, à partir du 1er janvier 2017, a incité de nombreuses communes à se lancer dans l'élaboration de ce document. Depuis la promulgation de la loi ALUR, environ 100 nouveaux projets de SCoT ont été engagés et une nette accélération se fait sentir. Cependant, l'article 36 de la loi NOTRe a abrogé l'interdiction, pour tout nouveau SCoT, de n'être élaboré qu'à l'échelle d'un seul EPCI, par crainte que les nouveaux périmètres des EPCI soient trop grands. Cette abrogation risque de créer une confusion entre le SCoT et le PLUi si ces deux documents sont élaborés à la même échelle. Certaines des personnes que nous avons auditionnées ont, en outre, rapporté des cas d'annulation de projets de périmètre de SCoT par les préfets car le périmètre était jugé trop étendu.

Cela nous paraît d'autant plus étonnant que la création des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) par la loi NOTRe plaide pour que le SCoT soit un intermédiaire entre ce document et le PLUi et qu'il se situe donc entre l'échelle intercommunale et l'échelle régionale.

Enfin, d'après un certain nombre de personnes auditionnées, le portage politique des nouveaux SCoT a tendance à s'affaiblir. Les élus locaux s'effaceraient au profit des techniciens spécialisés, notamment parce que le SCoT serait devenu trop prescriptif et moins programmatique depuis la loi dite « Grenelle II ».

Nous estimons donc qu'il serait nécessaire, sur le modèle de ce qui est fait pour le PLUi avec le « club PLUi », de sensibiliser davantage les élus locaux aux enjeux politiques du SCoT.

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