Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 8 novembre 2016 à 15h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, permettez-moi de citer trois mots pour conclure ce long combat législatif que nous avons mené ensemble : loyauté, justice, éthique.

La loyauté réside dans notre mode de travail, dans l’attitude qui a présidé à nos relations. Entre les parlementaires et le Gouvernement – je veux saluer le travail que nous avons engagé, pour notre part, avec Stéphane Le Foll, Emmanuel Macron puis Martine Pinville –, les échanges étaient empreints de cette loyauté, dans les accords comme dans les désaccords, afin de trouver des solutions ensemble. Cette loyauté a aussi régné dans notre dialogue permanent avec les forces économiques, celles de l’artisanat – en ce qui me concernait –, des PME et du monde agricole, dans leur diversité. Le temps de la loyauté est le temps de l’écoute, du dialogue, de la recherche de compromis et de solutions communes.

Cette loyauté, nous l’avons également trouvée dans nos relations avec le Sénat, dans un alignement des astres assez rare entre le Gouvernement et le Parlement, entre la majorité et l’opposition. Sur 95 % des sujets, l’Assemblée nationale et le Sénat ont trouvé des accords, au nom de la lutte contre la crise mais aussi de valeurs partagées. Sans en faire un principe universel, je veux en tirer une simple leçon : lorsqu’on s’écoute, lorsqu’on prend le temps d’analyser les causes de la crise, lorsqu’on est attaché à des valeurs communes, on est capable de trouver des chemins communs. Il est inutile d’hystériser les débats, de sortir ses drapeaux : on peut, de manière pragmatique, se rassembler et trouver des solutions, comme nous l’avons fait sur l’ensemble des sujets économiques.

Je veux le dire avec force : nous rencontrons aujourd’hui, sur nos territoires, la satisfaction du monde de l’artisanat et du monde agricole. Je pense notamment aux éleveurs et à ceux qui ont le plus souffert des crises du passé. Nous avons su analyser ces crises, et nous avons compris qu’elles étaient le fruit de mesures ultralibérales et désinvoltes. Qu’il s’agisse des décisions prises en matière de quotas laitiers ou des dispositions de la loi de modernisation de l’économie – la loi LME – ayant entraîné un déséquilibre au sein des filières, ces mesures avaient dépouillé, appauvri et fragilisé le secteur de la production, exposé aux vents mauvais de ceux qui cherchent en permanence la baisse des coûts au détriment de la dignité humaine, du respect des producteurs et de nos écosystèmes.

Nous avons réintroduit ce principe de loyauté dans les négociations en amont et en aval, avec l’obligation pour les grands groupes agroalimentaires, les géants du secteur, de publier leurs comptes et d’être transparents. Nous avons imposé la prise en compte des coûts de production et de la valeur ajoutée dans les négociations en amont et en aval des filières, celles qui relient les producteurs aux transformateurs et les transformateurs aux distributeurs. Nous avons considéré que les droits à produire n’étaient pas commercialisables dans les années à venir.

Nous avons introduit un principe nouveau, celui de la lutte contre l’accaparement des terres. La politique foncière est capitale, parce qu’elle est la mère de toutes les politiques agricoles et agroalimentaires, et nous savions que le droit des sociétés comportait une faille qu’il nous fallait combler. Ce sujet avait été évoqué lors de la discussion de la loi d’avenir pour l’agriculture, mais il n’avait pas pu aboutir. Les « lanceurs d’alerte » – entre guillemets ! – qu’ont été les fonds spéculatifs chinois ayant sévi dans l’Indre nous ont aidés à mobiliser nos forces et à trouver, dans un dialogue avec le Gouvernement, des solutions dont j’espère qu’elles produiront leur effet, car la maîtrise publique du foncier est une politique qui permet le maintien des patrimoines naturels, du bien commun et de l’égalité des chances dans le renouvellement des générations d’entrepreneurs sur nos territoires.

Le second mot-clé sur lequel je veux m’attarder est l’éthique. Comme la loyauté, ce mot a pu paraître désuet, alors qu’il est extrêmement moderne. Sans éthique, sans justice, il n’y a pas d’effort possible. La plainte que nous entendons, qui nourrit tous les populismes et toutes les peurs sur nos territoires, naît souvent de la révolte contre l’indolence et contre l’indécence que constitue l’inégalité des chances entre ceux qui trichent et ceux qui respectent la loi. Il n’y a pas de jour, sur nos territoires, où un député ou un sénateur n’entend pas cette plainte des entrepreneurs qui exercent leur métier de façon loyale et qui ne supportent plus la concurrence de ceux qui ne respectent ni les règles sociales, ni les règles environnementales, ni aucune règle éthique. Retrouver de l’éthique et de la justice, c’est redonner du sens à l’économie, c’est permettre à chacun de gagner.

Mes chers collègues, nous pouvons comprendre qu’il y ait une compétition, que les meilleurs gagnent, que certains se lèvent plus tôt, fabriquent du meilleur pain, de plus beaux meubles ou construisent de plus belles maisons, mais personne ne peut comprendre qu’un entrepreneur remporte un marché parce qu’il n’a pas payé ses salariés ou les charges sociales, parce qu’il a triché sur la nature des matériaux ou parce qu’il a profité d’un rapport léonin. Nous devons trouver cette éthique, qui doit redevenir le gouvernail de nos politiques publiques. Nous devons porter ces combats au-delà des frontières de la France, en Europe, avec courage.

De la lutte contre les paradis fiscaux à la lutte contre le travail détaché, il y a un récit : c’est celui de la loi Sapin 2, que nous portons de façon collégiale et que nous voterons unanimement, je l’espère, dans quelques instants. Ce récit doit nous mener vers d’autres combats : je pense au devoir de vigilance des sociétés mères sur leurs filiales et leurs sous-traitants. Pendant toute la durée de cette législature, nous aurons contribué à rendre la mondialisation plus heureuse et l’économie plus saine. C’est la chance de la France et la chance de l’Europe.

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