Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 8 novembre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, malheureusement, les années se suivent et se ressemblent.

Depuis cinq ans, ce sont les mêmes sujets qui reviennent devant nous sans être tranchés, nous donnant le sentiment d’un temps perdu. Concernant d’abord la carte des sous-préfectures, après plusieurs faux départs en 2012 et en 2013, il aura fallu attendre 2016 pour que le ministre Bernard Cazeneuve nous annonce une réforme qui « n’est pas le grand soir des sous-préfectures », mais qui se veut néanmoins « historique, car elle n’a pas de précédent depuis Raymond Poincaré ».

En réalité vous ne changez pas grand-chose, et c’est sans doute ce que vous pouviez faire de mieux, tant ce réseau incarne l’armature de la République sur nos territoires et vaut infiniment mieux que les lectures purement comptables que l’on pourrait être tenté d’en avoir ici ou là. Ce que nous espérons sur ce sujet, madame la secrétaire d’État, c’est qu’il n’y ait pas une réforme cachée consistant à remplacer insidieusement des sous-préfectures par des maisons de l’État sans sous-préfet à leur tête.

Ensuite, 2017 nous est annoncée comme étant la grande année de mise en oeuvre du « plan préfecture nouvelle génération », qui n’est en réalité qu’une réforme des services de délivrance de titres. Elle est utile, sans doute un peu tardive, et en tout cas insuffisante. Alors que la simplification nous a été annoncée comme le grand chantier du Président de la République, il a manqué depuis cinq ans une véritable réflexion sur le rôle du corps préfectoral dans notre pays. Celui-ci pourrait être pourtant la clé du déverrouillage administratif que les Français appellent de leurs voeux avec un sentiment d’urgence.

En effet, les différentes réformes de l’administration territoriale menées ces dernières années, y compris celles qu’a engagées l’ancienne majorité, ont abouti à une régionalisation des services de l’État, c’est-à-dire à leur éloignement du citoyen et des acteurs locaux. Or, dans le même temps, la réglementation a connu une complexification croissante – il serait inutile de rappeler tous les textes adoptés, la mention de la loi ALUR évoque à elle seule bien des choses dans nos esprits – qui a engendré un besoin encore plus grand de proximité et de soutien des acteurs locaux.

En d’autres termes, il y a, d’un côté, une complexification du droit, et, de l’autre, un éloignement de l’administration. Ce double mouvement entraîne des blocages administratifs, et un sentiment d’abandon et parfois d’exaspération se développe dans nos territoires ruraux chez ceux qui entreprennent ; agriculteurs, artisans, chefs d’entreprise.

À ce titre, les documents budgétaires que vous nous fournissez chaque année comportaient un indicateur de performance passionnant, le délai d’instruction des dossiers relatifs aux installations classées pour la protection de l’environnement et des dossiers déposés au titre de la loi sur l’eau. Je le scrutais chaque année et le commentais ; il a mystérieusement disparu. Cela devient une habitude, ces derniers temps, au ministère de l’intérieur : à l’instar des chiffres en matière de sécurité, les indicateurs dont les chiffres ne sont pas bons sont supprimés, car c’est beaucoup plus simple. Les derniers chiffres étaient en effet effarants : ils révélaient que le délai d’instruction moyen était passé entre 2012 et 2014 de 263 jours à 320 jours. Qu’il faille 320 jours pour obtenir une autorisation administrative dans notre pays est tout à fait consternant.

Voilà une illustration parfaite de l’une des trop nombreuses lourdeurs administratives auxquelles vous auriez pu remédier ces cinq dernières années. Malheureusement, vous ne l’aurez pas fait. Pour notre part, nous sommes persuadés qu’il faut les conditions d’un véritable réarmement juridique du corps préfectoral, en se réservant de renforcer le pouvoir discrétionnaire des préfets dans notre droit. Il faut leur redonner, par la loi, un pouvoir renforcé d’interprétation de la norme en fonction d’un intérêt général qui doit s’apprécier également localement. Nous avons la chance de disposer d’un corps préfectoral, préfets et sous-préfets – et je sais que je suis entendu en haut lieu en m’exprimant dans cet hémicycle –, de très grande qualité qui fait un travail de proximité et constitue un modèle pour de nombreux pays dans le monde ; de grâce, utilisons-le !

Enfin, dernier sujet mais non des moindres : la carte nationale d’identité électronique. Une fois n’est pas coutume, le ministre de l’intérieur cherche à minimiser avec une modestie soudaine sa performance. Elle est pourtant remarquable : on va passer d’un fichier de 17 millions de titres, celui des passeports, à un fichier en comportant potentiellement 60 millions. Ce « fichier des honnêtes gens », pour reprendre l’expression qu’un certain Jean-Jacques Urvoas avait employée dans une autre vie, permettra de mieux lutter contre le terrorisme, contre la délinquance ou encore contre la fraude, et nous y sommes donc tout à fait favorables.

Sur la méthode en revanche, vous avouerez qu’un peu plus de transparence n’aurait pas fait de mal sur un sujet aussi sensible, madame la secrétaire d’État.

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