Intervention de Gilles Lurton

Réunion du 7 novembre 2016 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la secrétaire d'État, je regrette l'absence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Je comprends que les contraintes de son emploi du temps l'empêchent d'être présente ce soir : les commissions élargies sont cependant fixées longtemps à l'avance selon un calendrier très précis. Mais peut-être est-elle souffrante, auquel cas je lui souhaite un bon rétablissement.

Loin des satisfecit et des compliments successifs répétés par les ministres et les orateurs de la majorité à l'occasion de ces différentes missions, j'exprimerai ce soir, au nom du groupe Les Républicains, une forte inquiétude face au budget que vous nous présentez. Inquiétude de voir un certain nombre de dépenses qui ne me paraissent pas financées ou, ce qui est pareil, dont vous laisserez la charge à vos successeurs.

En effet, chaque année depuis 2012, nous constatons une hausse particulièrement importante du programme 183 relatif à la « protection maladie », notamment pour ce qui est de l'aide médicale d'État. Mais le pire est de constater une baisse tout aussi importante des crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », alors que tout devrait nous conduire à augmenter ce programme ou au moins à le stabiliser.

Notre constat reste le même : la loi de finances initiale pour 2016 prévoyait pour le programme 204 des autorisations d'engagement à 496 millions d'euros. Ils ne sont plus que 431 millions pour ce projet de loi de finances.

Dans le même temps, les autorisations d'engagement pour le programme 183 passent de 752 millions dans la LFI 2016 à 823 millions dans ce PLF.

Je tiens à rappeler que, dans la LFI de 2013, la prévention était dotée d'un budget de 700 millions d'euros, et la protection sociale de 588 millions d'euros. L'inversion des courbes avec ce gouvernement, c'est pour la santé !

Certes, derrière ces chiffres, il existe des situations humaines tragiques que nous n'oublions pas. Et c'est d'ailleurs pour cela qu'il nous faut être encore plus rigoureux. Certes, nous sommes le pays des droits de l'Homme, la France est une terre d'accueil, et nous ne pouvons y renoncer ! C'est d'ailleurs notre fierté.

Mais cette générosité doit être maîtrisée, et elle ne peut en aucun cas s'accommoder d'une dérive des comptes. Or, à l'évidence, vous ne maîtrisez plus rien et c'est la principale faiblesse de ce budget !

La Cour des comptes, dont je m'aperçois malheureusement que les avis ne sont que très rarement écoutés, souligne, année après année, l'insoutenabilité de la trajectoire prise par le budget de cette mission. Dans son rapport sur l'exécution du budget 2015, son constat est sévère sur ce qu'elle appelle « la dérive des dépenses d'AME de droit commun » qu'elle qualifie d'un « défaut de qualité et de sincérité ». Notre collègue Claude Goasguen l'a évoqué il y a quelques instants.

Nous pensons urgent de réformer les conditions d'octroi de l'aide médicale d'État. Nous maintenons qu'un système qui offre la gratuité des soins à des personnes en situation irrégulière sur notre territoire ne doit et ne peut pas être plus généreux que celui auquel ont accès les Français modestes qui cotisent et paient, souvent avec difficulté, une complémentaire santé.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2016, la Cour des comptes constate une nouvelle fois que « les niveaux individuels de prise en charge pour les personnes qui cotisent, s'érodent sur une longue période ».

Cette situation s'accompagne de lourdes conséquences : des restes à charge parfois très élevés, 2 750 euros en moyenne en cas d'hospitalisation et 1 300 euros en moyenne sur un an hors hospitalisation ; des soins bucco-dentaires pour les Français assurés qui ne sont plus remboursés par l'assurance maladie qu'à hauteur de 33 %, si bien que de nombreux patients sont obligés de renoncer aux soins ; le recours à une complémentaire santé représentant un coût très significatif pour les ménages et posant de réelles questions d'égalité d'accès aux soins.

De tels constats nécessitent évidemment une plus grande maîtrise des dépenses de santé, mais également une grande prudence dans la gestion des dispositifs offerts aux personnes qui ne cotisent pas, pour éviter un rejet de nos concitoyens d'un système de protection sociale très protecteur pour les premiers et beaucoup moins pour ceux qui paient tout. C'est une question de justice sociale.

Certes, il ne s'agit pas du même circuit de financement, mais la comparaison reste parlante. Vous nous dites avoir « sauvé la sécu », alors que le déficit de la branche maladie, à en croire les hypothèses les plus optimistes, restera à 2,6 milliards d'euros en 2017, auxquels il convient d'ajouter 1 milliard d'euros de coût de l'AME... Ces dépenses, rappelons-le, sont financées à crédit sur les générations futures. Là aussi, c'est une question de justice !

Je regrette d'autant plus la diminution des crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » que toute la politique de la nouvelle agence nationale de santé publique que vous avez créée et que nous avons récemment approuvée dans le projet de loi de ratification d'ordonnance en octobre, est orientée vers la prévention et la protection des populations. C'est du moins ce que nous a affirmé son directeur, M. Bourdillon, lorsque nous l'avons rencontré ; c'est une profonde conviction de son équipe, c'est aussi la mienne.

Madame la secrétaire d'État, cette diminution du programme 204 reste pour moi incompréhensible et contraire aux objectifs fixés. Je tiens à souligner le contresens entre la volonté de l'Agence nationale de santé publique et la diminution des crédits qui lui permettraient de mener à bien ses objectifs.

Le sujet est loin d'être épuisé, mais nous persistons à considérer que, à force de vouloir donner plus que ce que l'on a au détriment d'autres dépenses pour lesquelles cotisent une majeure partie des Françaises et des Français, vous allez vers système certes généreux mais dont vous avez rendu le coût et la gestion insoutenables à long terme.

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