Intervention de Pascal Terrasse

Réunion du 7 novembre 2016 à 16h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - affaires culturelles - affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Terrasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'action extérieure de l'Etat :

En 2017, le budget de la mission « Action extérieure de l'État » dépassera les 3 milliards d'euros. À périmètre constant, c'est-à-dire sans tenir compte du programme temporaire qui a financé la COP 21 l'année dernière, la baisse est d'environ 30 millions d'euros, soit à peu près 1 %.

Cette diminution fait suite à des efforts considérables. Depuis 2012, sur le périmètre de la mission, 604 emplois ont été supprimés. En dix années, le ministère aura réduit ses effectifs de 15 %.

Dans le même temps, la France a adapté son réseau diplomatique à l'évolution du monde en renforçant sa présence dans un certain nombre de pays émergents. La réduction de vingt-six ambassades au format de « poste de présence diplomatique », réalisée en deux temps et avec souplesse, est une vraie réussite, comme j'ai pu le constater. Elle libérera au total 200 emplois et permet de simplifier les procédures. De même, l'exercice « Grands postes », qui revoit les effectifs des ambassades les mieux dotées au regard de leurs missions, aura libéré 315 emplois en quatre ans.

Je dois cependant constater, monsieur le ministre, que le mouvement de baisse des crédits et des effectifs atteint désormais sa limite, comme l'a indiqué la présidente de la commission des affaires étrangères. Sur le périmètre de la mission, les effectifs ne diminuent pas. Globalement, en 2017, les suppressions d'emplois consulaires ou culturels sont contrebalancées, à un poste près, par des créations d'emplois de gardes de sécurité ou de coopérants dans le domaine de l'antiterrorisme. Cela montre que les marges de manoeuvre sont très réduites.

Certaines charges diminuent, comme les contributions aux opérations de maintien de la paix, notamment grâce à la baisse de notre quote-part au budget des Nations unies ; mais d'autres charges augmentent, en premier lieu pour protéger les communautés et intérêts français à l'étranger. Les dépenses d'entretien de l'immobilier augmentent également, avec la baisse de la prise en charge par le compte d'affectation spéciale.

De même, en matière de bourses scolaires pour les élèves français du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), si la dotation est en retrait, c'est pour tenir compte d'une soulte héritée des exercices antérieurs. Conformément à l'engagement pris en 2012, les montants de bourses effectivement versés vont continuer à croître. Le montant de cette soulte est de 12 millions d'euros.

Ce sera d'ailleurs ma première question, monsieur le ministre : envisagez-vous un bilan de la mise en oeuvre de la réforme des bourses scolaires ? Nous en avions parlé il y a peu. Cela permettrait d'examiner les propositions d'ajustement des critères afin de diminuer encore le reste-à-charge des familles. Je saisis cette occasion pour vous dire que, si nous souhaitons demain maîtriser les dépenses de droits de scolarité, il ne serait pas inutile de faire en sorte que nos postes, en particulier les ambassadeurs ou leurs représentants, puissent être présents dans les comités de gestion, avec voix délibérative. L'État doit maîtriser les coûts de scolarité.

Concernant l'ensemble du budget, nous devons prendre conscience que le mouvement de baisse globale des effectifs sur le réseau diplomatique ne peut plus se poursuivre, sauf à porter atteinte aux capacités de la France à disposer d'une diplomatie en prise avec les réalités.

Il n'y aura pas de solution miracle. Je pense en particulier à la question de la masse salariale, qui a fait l'objet de polémiques en raison de la part importante de l'indemnité de résidence à l'étranger. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir donné instruction à vos services de me communiquer les éléments confidentiels sur ces rémunérations, au titre des prérogatives de rapporteur spécial que confère la loi organique relative aux lois de finances.

J'ai pu constater que cette indemnité est justifiée par les surcoûts des séjours à l'étranger, parfois très significatifs. L'indemnité reconnaît aussi la mobilisation des effectifs et je souhaite saluer l'engagement de chaque instant des femmes et des hommes de notre corps diplomatique. Nous avons tous pu mesurer leur investissement lors de nos déplacements dans le réseau.

Partout en Europe, une indemnité équivalente existe et est exemptée d'impôt sur le revenu. Certains pays font cependant coexister plusieurs indemnités distinctes : pour le logement, l'ameublement, les véhicules, ou encore les déplacements vers le pays d'origine pour motif familial. Ils imputent les dépenses sur les crédits de fonctionnement, ce qui diminue l'effet sur la masse salariale. Mais ces systèmes complexes obligent à mobiliser des équipes de gestionnaires. Les Britanniques envisagent d'ailleurs de modifier leur système actuel pour se rapprocher du système forfaitaire que nous pratiquons.

Néanmoins, monsieur le ministre, il est essentiel de veiller à ce que les montants les plus importants correspondent bien, dans tous les postes, à des niveaux de sujétions et de responsabilités effectifs. C'est une garantie d'équité et d'acceptabilité. Pouvez-vous nous dire vos intentions à cet égard ?

Pour continuer de répondre aux nouveaux besoins de notre diplomatie, des créations d'emplois seront nécessaires à terme, je pense en particulier au réseau de l'action culturelle extérieure de l'État, pilier fondamental de l'influence française.

Monsieur le ministre, il est indispensable de ne pas laisser s'installer le sentiment d'un délaissement de l'action culturelle extérieure. C'est un piège de penser que les instituts culturels peuvent absorber toutes les baisses de dotations en développant des ressources propres ou en nouant des partenariats.

Sans moyens humains qualifiés, il n'est pas possible de susciter des partenariats dans les pays hôtes. Et pour que ces partenariats débouchent sur des cofinancements, une participation minimale de la France est toujours exigée. Diminuer les crédits d'intervention du programme 185, comme c'est encore le cas cette année, c'est prendre le risque de se priver de tout effet de levier.

Pourtant notre réseau culturel s'est modernisé et nos agents sont devenus de véritables professionnels de l'ingénierie culturelle. C'est pour cette raison qu'ils méritent d'être consacrés comme un levier majeur de l'influence française.

Je n'ai pas déposé d'amendement à ce sujet, mais je souhaite que, suite à nos débats, des arbitrages vous soient favorables. Sachez que nous serons à vos côtés.

J'attire enfin votre attention sur la nécessité de sauvegarder le statut spécifique des établissements à autonomie financière (EAF), qui permettent aux services culturels des ambassades d'obtenir des cofinancements.

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