Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le projet de loi vise tout d'abord à définir le harcèlement sexuel, en respectant les exigences constitutionnelles et tout en essayant de couvrir la totalité des situations dans lesquelles peuvent se trouver les victimes de harcèlement. Il comporte une innovation, que j'évoquais tout à l'heure et que le législateur envisageait déjà en 1992, le harcèlement par acte unique d'une particulière gravité.

Le projet de loi visait aussi, deuxième objectif, à permettre une répression à la fois adaptée à la gravité des faits et cohérente avec l'échelle des peines prévues en matière d'infractions sexuelles. Étaient ainsi édictées plusieurs formes d'incrimination et des sanctions différenciées, adaptées à chacune.

Le troisième objectif du projet de loi était de punir de façon cohérente et exhaustive les discriminations très souvent induites par le harcèlement sexuel, ce qui supposait de modifier à la fois le code du travail et le code pénal.

Le quatrième objectif – le plus noble sans doute –, était de permettre aux victimes d'agir vite et efficacement, tout en les protégeant. C'est le sens des mesures destinées à protéger les témoins, de celles qui facilitent l'assistance apportée par les associations et de celles qui répriment plus particulièrement les discriminations.

Voyons maintenant les modifications apportées au texte gouvernemental à la suite de l'adoption des amendements déposés en commission des lois du Sénat, avant le vote unanime du texte lors de la séance plénière du Sénat du 12 juillet 2012.

S'agissant de la définition du harcèlement sexuel au I et au II de l'article 1er, le Sénat a repris à son compte la distinction proposée par le Gouvernement entre les deux types de harcèlement. Il a simplement modifié la rédaction du texte pour la rendre plus claire, ce que le Gouvernement a approuvé. L'article 1er tel qu'adopté par le Sénat définit ainsi ce que j'appellerai le harcèlement simple – cette expression ne figure pas évidemment pas dans le projet de loi – comme « le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ». Le Sénat a donc choisi – j'y reviendrai – de retenir le terme de « situation » et de remplacer « actes » par « agissements ».

Les amendements adoptés par le Sénat à l'article 1er ont surtout eu pour objet de déconnecter la deuxième forme de harcèlement de la première. En résultent deux incriminations bien définies, de deux types différents : d'une part, l'incrimination pour des faits réitérés ; d'autre part, une incrimination pour des faits réitérés ou pour des faits uniques d'une particulière gravité. Ces deux incriminations permettent de couvrir l'ensemble des situations de harcèlement sexuel portées à notre connaissance.

Le III de l'article 1er détermine les sanctions applicables et définit des circonstances aggravantes.

Le projet du Gouvernement prévoyait des incriminations différenciées, et donc des sanctions différenciées. Il proposait ainsi de punir d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la première forme de harcèlement ; ce quantum de peine était celui retenu pour l'incrimination annulée par le Conseil constitutionnel. La deuxième forme de harcèlement sexuel, celle qui, réitérée ou sous la forme d'un acte unique, s'accompagne de pressions graves, était punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Le Sénat a proposé d'unifier les sanctions applicables aux deux incriminations. Le Gouvernement a approuvé ce choix, en considérant que des faits moins graves lorsqu'on les considère indépendamment les uns des autres, pouvaient avoir, s'ils étaient répétés des conséquences aussi préjudiciables pour la victime qu'un fait unique particulièrement grave. Les deux formes de harcèlement sexuel définies par l'article 1er sont donc sanctionnées par deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Le Gouvernement a proposé quatre circonstances aggravantes : l'abus d'autorité ; la minorité de la victime ; la vulnérabilité induite par l'âge, une infirmité, une déficience physique ou psychique ou un état de grossesse ; la participation de plusieurs personnes, en qualité d'auteur ou de complice, aux faits. Dans ces quatre cas, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Précisons que ces différentes circonstances aggravantes sont déjà prévues pour le viol ou les agressions sexuelles.

Le Sénat a décidé de conserver ces quatre types de circonstances aggravantes et les peines prévues par le projet de loi.

S'est toutefois manifestée, au cours des débats que nous avons eus lors des auditions en commission des lois du Sénat, puis lors de l'examen du texte par ladite commission et en séance publique, une préoccupation particulière : la question de la vulnérabilité économique et sociale et de la dépendance. Il ressort effectivement de l'examen des situations de harcèlement que la vulnérabilité économique et sociale est de nature à désinhiber encore davantage les auteurs de ces agissements ; il convenait de prendre en considération cette circonstance. Le Gouvernement a déposé, à ce propos, un amendement dont la rédaction a convenu aux sénateurs, qui l'ont adopté à l'unanimité. Une cinquième circonstance aggravante est ainsi reconnue par le texte : « lorsque les faits sont commis […] en profitant de la particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l'auteur ».

L'article 2 du projet de loi a pour objet d'insérer dans le code pénal un nouvel article 225-1-1 qui permettra de sanctionner les discriminations qui sont souvent induites par le harcèlement sexuel.

Par ailleurs, la question de l'incidence de l'orientation ou de l'identité sexuelle sur le harcèlement a été l'objet de débats assez vifs. La liste des motifs de discrimination interdits comprenait déjà ceux des moeurs et de l'orientation sexuelle. Y a été ajoutée, par voie d'amendement, celui de l'identité sexuelle. Il s'agit de protéger les transsexuels, puisque le débat a essentiellement porté sur la nécessaire protection des transsexuels. Je suppose que le sujet reviendra lors de l'examen des articles et des amendements. Nous débattrons probablement des concepts d'identité sexuelle et d'identité de genre.

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