Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du 15 novembre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Politique des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette mission du projet de loi de finances porte un nom qui suscite à lui seul beaucoup d’espoirs, tant il recouvre des attentes que nos concitoyens expriment partout, par-delà, d’ailleurs, les considérations qui agitent le Landerneau politicien quasiment quotidiennement. C’est pourquoi, je ne m’attendais pas à ce qu’elles s’invitent à cette tribune dans la bouche de l’orateur précédent…

Aujourd’hui, plus que jamais, c’est bien dans ces creusets de la vie de notre pays que s’expriment les véritables dynamiques de la France, à travers les énergies, le plus souvent fédérées, d’acteurs publics, privés et associatifs, qui n’ont d’autre dessein que celui de faire vivre leur pays et évidemment les habitants qui y résident.

C’est dans ces mêmes territoires que s’expriment les plus grandes inquiétudes, auprès des élus locaux que nous sommes encore pour la plupart d’entre nous, et dont les permanences ne désemplissent pas d’entrepreneurs lassés de l’incompréhension de l’État, de gens en recherche d’emploi désespérés, de jeunes en situation d’impasse. C’est encore dans ces territoires que se lisent les inégalités frappantes de certaines politiques publiques, quand, par exemple, les uns sont uniformément raccordés à la fibre optique, tandis que les autres accèdent péniblement au téléphone filaire, sans parler de la téléphonie mobile. C’est enfin dans ces territoires que s’élève le besoin criant de plus de considération de la part de l’État pour les besoins essentiels de la vie moderne, lesquels n’en sont pas moins évolutifs.

Face à tout cela, que propose votre projet de budget ? Je suis bien obligé d’endosser l’étiquette de diseux que vous venez de nous coller sur le dos, monsieur Bricout, pour vous répondre. Une baisse globale des crédits, pour la deuxième année consécutive, puisque les crédits inscrits pour cette mission ne sont que de 729 millions d’euros contre 770 il y a un an. Des priorités que nous partageons, pour l’essentiel, mais qui cachent des actions peu abouties.

Votre effort à l’égard de la ruralité a pris la forme des tout nouveaux contrats de ruralité sortis de vos innombrables comités interministériels de la ruralité. L’appellation est racoleuse, mais le contenu l’est bien moins : ils ne sont dotés, dans ce PLF, que de 216 millions d’euros d’autorisations d’engagement, prélevés sur des fonds déjà existants, comme c’est annoncé dans le « bleu ».

Que dire, si ce n’est qu’il s’agit là d’un recyclage, d’un énième effet d’annonce qui masque mal le fait que vous n’ayez aucune mesure nouvelle ? En témoigne d’ailleurs l’impossibilité quasi généralisée dans les préfectures d’élaborer ces contrats de ruralité, au moment même où la loi NOTRe entendait mettre un terme au principe des financements croisés. Les moyens alloués au maintien des services publics dans les zones les plus fragiles sont quasiment inexistants, ce qui explique en grande partie l’inexorable déménagement auquel on assiste jour après jour, malgré les efforts sans relâche des élus locaux.

Les contrats de plan État-région – CPER – 2015-2020 reposent sur des axes fondateurs partagés entre les régions et l’État, mais leur entrée en vigueur est sans cesse différée – aujourd’hui au prétexte de la prise en compte des conséquences des fusions de régions –, si bien que l’on s’achemine presque inévitablement vers quatre années blanches, à l’expiration du dernier contrat signé. Et je ne fais que mentionner l’absence totale d’abondement de certaines lignes, s’agissant notamment des programmes routiers structurants.

Que dire enfin de la politique de déploiement des maisons de services au public, si ce n’est qu’au-delà de l’accompagnement financier de l’investissement, l’État ne peut pas se défausser du suivi de la présence effective de services opérationnels dans ces structures, au risque de mettre en péril les équilibres déjà précaires des budgets des collectivités territoriales auxquelles elles sont adossées ?

Un autre objectif affiché de ce PLF est de desservir 100 % de la population en télécommunications fixes et mobiles et de faire du numérique une opportunité pour les territoires les plus fragiles. Là encore, on ne peut que souscrire à l’objectif, mais lorsqu’on y regarde de près, le compte n’y est pas du tout. Aucune mesure coercitive n’est prise pour amener les opérateurs à équiper ces zones en réseaux ou, a minima, pour y exploiter les réseaux déjà payés avec l’argent du contribuable local. Les plans déployés actuellement font peser sur les habitants des zones les plus défavorisées une terrible double peine qui se résume ainsi : payer beaucoup plus, infiniment plus, pour être beaucoup moins bien, infiniment moins bien servis.

De manière générale enfin, votre refus d’obstacle, pour la deuxième fois de suite, face à la réforme annoncée de la dotation globale de fonctionnement – la DGF – accroît les inégalités. Les territoires ruraux risquent ainsi d’être hors d’état non pas d’investir – tous ou presque ont déjà dû y renoncer – mais d’assurer la pérennité de services et d’équipements indispensables à la vie moderne.

Vous l’aurez compris, ce projet de budget ne nous satisfait pas. Sous couvert d’objectifs que nous pourrions en partie partager, il masque un manque d’ambition total. Il ne propose aucune vision d’un aménagement moderne du territoire national qui valorise les atouts de chaque partie de notre pays. Il n’apporte aucune correction des inégalités physiques ou démographiques. Il est une simple duplication ou, au mieux, un recyclage de mesures déjà existantes, qui n’améliorent en rien la vie de nos concitoyens.

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