Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Les articles 2 et 2 bis ont trait à la répression des discriminations pouvant résulter des faits de harcèlement. Une modification a été apportée par le biais d'un amendement déposé à l'initiative de votre rapporteure, qui vise à protéger le témoin autant que la victime, lorsque le témoin est victime de discriminations.

L'article 3 concerne la modification du code du travail. Votre commission a souhaité supprimer la mention « dans le cadre de relations de travail ». Puisque cette précision touche au code du travail, on peut en effet la considérer comme superfétatoire.

La commission a en revanche choisi de reprendre explicitement dans le code du travail la définition de l'incrimination, sans renvoi au code pénal. Le Gouvernement approuve également cette décision dans la mesure où elle reprend le procédé utilisé pour la modification de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires. Cela a l'avantage de donner une autonomie à cette incrimination dans le code du travail, et permettra une pratique judiciaire plus aisée.

Les articles suivants concernent l'harmonisation avec les codes du travail en vigueur dans les territoires d'outre-mer.

Un certain nombre de sujets seront abordés tout à l'heure au cours de la discussion. Certains d'entre eux ont été longuement discutés par votre commission, non seulement au cours de notre audition, mais également au cours de travaux ultérieurs. Les comptes rendus en témoignent, ainsi que le rapport de la commission.

Le soutien apporté aux victimes de harcèlement sexuel est l'un de ces sujets. L'action publique de soutien aux victimes s'est éteinte au moment où l'incrimination de harcèlement sexuel a disparu des textes. Avant d'envisager ce qu'il est possible de faire pour elles, je souhaite vous donner quelques éléments dont dispose la chancellerie, qui sont tirés, pour l'essentiel, des casiers judiciaires.

Entre 1994 et 2003, de 30 à 40 condamnations pour harcèlement sexuel ont été prononcées chaque année. En 2004, le nombre de condamnations s'est élevé à 63. Entre 2005 et 2010, il a varié entre 70 et 85 par an. Presque toutes ces condamnations – 78 % d'entre elles – font l'objet de peines assorties de sursis. Pour le reste, 17% sont suivies d'amendes, dont le montant moyen est de 1 000 euros. Le pourcentage d'appel est de 25% : c'est une proportion élevée.

La durée moyenne entre le dépôt de la plainte et le prononcé du jugement est d'environ 27 mois. Le coût moyen de la procédure, qui inclut notamment les honoraires d'avocat, est de 13 000 à 20 000 euros. Lorsque l'on considère ces éléments, que l'on sait qu'environ 1 000 plaintes sont déposées chaque année, qui aboutissent à 80 condamnations, et lorsque l'on voit le coût et les délais de ces procédures, on comprend que des solutions doivent être trouvées pour les victimes qui se sont vu opposer l'extinction de l'action publique du fait de la suppression de l'incrimination.

Parmi ces solutions, l'une a été proposée par votre rapporteure, dans un amendement qui a été retiré lors des travaux en commission mais qui reviendra certainement au cours de la discussion en séance. Des demandes ont par ailleurs été formulées par des députés concernant l'aide juridictionnelle.

Avant de vous dire ce qu'il est possible de faire sur ces deux points, je rappelle que le 10 mai dernier, la Chancellerie a adressé aux parquets une circulaire invitant les procureurs généraux à indiquer, dans le cadre des enquêtes et de leurs réquisitions, qu'il est possible de requalifier les plaintes pour harcèlement sexuel soit en harcèlement moral, soit en violences volontaires – éventuellement avec préméditation –, soit en tentatives d'agression sexuelle. J'ai adressé le 7 juin dernier une autre circulaire aux parquets pour leur demander de faire remonter à la Chancellerie les éléments techniques et juridiques qui permettraient de savoir dans quelle mesure des requalifications ont été prononcées dans les procédures en cours.

Sur 130 procédures – incluant les enquêtes, les informations judiciaires et les audiences en cours –, 50 ont fait l'objet de requalifications, soit un taux d'environ 40%. Les parquets ont été actifs grâce aux réunions qui ont été organisées dans un certain nombre de ressorts de cour d'appel pour sensibiliser les procureurs à cette possibilité de requalification. Il y a donc eu 50 requalifications, mais aussi 16 extinctions d'action publique.

À la lumière de ces éléments, il apparaît nécessaire de prendre les victimes en considération. Je me suis engagée au Sénat à inviter les parquets généraux, par voie de circulaire, à informer par écrit les victimes de la possibilité dont elles disposent de recourir à la juridiction civile, même si l'action publique est éteinte dans le cadre de la procédure pénale.

Une question reviendra sans doute au cours du débat sur les articles. Elle porte sur la possibilité d'inscrire dans la loi une facilitation – le terme n'est pas très usité – …

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