Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

…le moyen de faciliter, donc, le prononcé de dommages et intérêts par les juridictions correctionnelles.

La loi du 10 juillet 1991 détermine un niveau de ressources pour pouvoir bénéficier de l'aide juridictionnelle. Néanmoins l'article 6 de cette loi prévoit des dérogations, notamment lorsque le cas de la personne est digne d'intérêt, soit au regard du litige lui-même, soit au regard de circonstances particulières. Les plaintes pour harcèlement sexuel correspondent à ces deux critères à la fois : l'article 6 de la loi sur l'aide juridictionnelle devrait donc jouer. Je ne manquerai pas de le signaler aux bureaux d'aide juridictionnelle.

Parmi les autres sujets qui seront abordés au cours du débat – notamment l'identité de genre, la minorité de quinze ans, l'aide aux victimes et les procédures civiles dont je viens de vous parler – figure la question du harcèlement moral. Les risques de la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre le harcèlement moral ont été examinés au cours des travaux sur le projet de loi, avant et au cours de la discussion de ce texte au Sénat. La Cour de cassation s'est prononcée le 10 juillet : elle a décidé de ne pas transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel, considérant que celui-ci s'est déjà prononcé sur la définition du harcèlement moral. Par conséquent, le risque d'annulation de cette infraction est éliminé.

Cela ne règle pas totalement la question de la perturbation de l'échelle des peines au sein du code pénal. Un certain nombre d'atteintes aux biens sont bien plus sévèrement punies que des atteintes aux personnes. C'est un chantier lourd auquel nous allons nous atteler. Pour l'instant, le Gouvernement propose un amendement afin d'aligner le quantum de peine sanctionnant le harcèlement moral sur celui prévu en matière de harcèlement sexuel. La peine encourue pour harcèlement moral passerait ainsi d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Voilà pour l'économie générale du texte. Nous avons voulu un texte rigoureux, de façon à affirmer notre refus de l'impunité et de la banalisation du harcèlement sexuel, et à prendre réellement en compte cette infraction dont nous connaissons les effets dévastateurs. Cette rigueur se retrouve dans la définition de l'incrimination, sous ses formes diverses, dans la coordination entre les différents codes concernés – code du travail, code pénal, code de procédure pénale, loi de 1983 portant statut général des fonctionnaires –, dans la répression des discriminations, la protection des témoins, la protection des personnes en formation et des stagiaires, l'aggravation des peines, l'alignement du quantum de peine concernant le harcèlement moral, et la couverture par cette loi de l'intégralité du territoire de la République – puisque l'Hexagone et toutes les collectivités d'outre-mer sont concernées. Nous avons voulu cette rigueur pour que le message soit clair.

Les femmes constituent la très large majorité des personnes victimes de harcèlement sexuel, mais elles ne sont pas les seules. Ces victimes sont d'abord des personnes, des citoyennes, des sujets de droit, dont ni la liberté ni l'intégrité physique et psychique ne peuvent être altérées par autrui sans conséquences. Ce projet de loi n'est donc pas un texte compassionnel. Il réaffirme un droit valable pour tous : le droit de ne pas être soumis à la domination d'autrui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Nous savons à quel point il est difficile, parfois, de rassembler les preuves nécessaires, aussi bien en ce qui concerne les faits que le refus de la victime.

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