Intervention de Pascale Crozon

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

L'article 222-33 du code pénal, qui définissait et réprimait le harcèlement sexuel, aura finalement failli à ces deux objectifs. Insuffisamment précis, car reposant sur une tautologie selon laquelle le harcèlement était défini comme le fait de harceler, il a été abrogé pour non-conformité au principe de légalité des délits et des peines, mais, avant même cette abrogation, il ne permettait pas de poursuivre et de sanctionner les multiples formes que revêt ce phénomène.

En effet, les quelque mille plaintes et 80 condamnations prononcées ces dernières années ne rendent pas compte de l'ampleur des faits qui se produisent chaque année dans nos entreprises, nos administrations, nos universités ou nos associations. Nous manquons à ce sujet d'études récentes, et je vous remercie, madame la ministre des droits des femmes, de vous être engagée à créer l'observatoire qui nous manque tant dans notre lutte contre les violences de genre, mais, à l'évidence, les estimations faisant état de 4 à 14 % de femmes confrontées chaque année à des avances non désirées sur leur lieu de travail sont sans commune mesure avec les données pénales dont nous disposons. C'est pourquoi un observatoire est indispensable.

Les raisons en sont multiples. La difficulté de porter plainte est une caractéristique partagée, nous le savons, par l'ensemble des infractions sexuelles. Elle est particulièrement grande dans le contexte professionnel et renforcée par la difficulté des victimes à disposer de preuves de comportements insidieux et cachés. Enfin, la définition antérieure du harcèlement sexuel dans notre code pénal, qui nécessitait d'établir un « but d'obtenir des faveurs sexuelles », traduisait une conception restrictive de notre droit en la matière.

Voilà pourquoi ce projet de loi ne se contente pas de rétablir le délit de harcèlement sexuel tel que nous l'avons connu, dans ses différentes rédactions, entre 1992 et 2012. Il en propose deux approches distinctes et complémentaires, que représentent, d'une part, le harcèlement sexuel par répétition, et, d'autre part, le harcèlement par chantage sexuel. Je sais que cette double définition fait débat et mérite d'être une nouvelle fois expliquée.

La définition du harcèlement par répétition est largement inspirée par les directives européennes, ce que notre Assemblée avait d'ailleurs tenté de faire à l'occasion de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes. Elle permettra de prendre en compte une plus grande diversité de situations, en visant les propos ou agissements répétés et à connotation sexuelle, sifflets, propos désobligeants, gestes obscènes ou déplacés, exposition à l'homophobie ou à la transphobie.

Chacun de ces comportements pris individuellement n'est pas nécessairement d'une grande gravité. C'est bien leur répétition qui dégrade les conditions de travail de celui et surtout de celle qui en est la cible, avec des conséquences parfois lourdes pour sa santé ou sa carrière.

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