Intervention de Pascale Crozon

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Eh oui, monsieur Poisson, mais je doute de la pertinence d'introduire une notion aussi complexe, sans la définir, au détour d'un amendement nocturne. Je souhaite poursuivre le travail que j'avais engagé avec Michèle Delaunay sous la précédente législature et suis sensible au souhait du Gouvernement d'en discuter – vous l'avez redit, madame la ministre – par le biais d'une proposition de loi.

Outre le délit de harcèlement sexuel lui-même, le présent projet de loi crée dans son article 2 un délit de discrimination consécutif au harcèlement sexuel. Il s'agit d'incriminer les mesures de rétorsion qui interviendraient au motif qu'une personne a refusé de se soumettre au harceleur. Je me félicite qu'à mon initiative, notre commission ait étendu la portée de ce délit aux mesures visant les témoins, et ce afin de faciliter l'établissement de preuves. Enfin, nous débattrons d'une réécriture de cet article qui permettrait notamment de distinguer clairement les deux délits, celui de harcèlement et celui de discrimination. Ainsi, une femme qui serait licenciée du seul fait qu'elle aurait refusé, par exemple, une invitation à dîner de son supérieur, ne pourra pas le poursuivre pour harcèlement sexuel. Mais, en revanche, elle peut sûrement le poursuivre pour discrimination.

Dans ses articles 3 à 6, le projet de loi tire toutes les conséquences du rétablissement de ces deux délits dans le code du travail, les codes en vigueur à Mayotte et outre-mer, ainsi que dans le statut général de la fonction publique.

Notre commission a eu à trancher un débat légistique que nos collègues sénateurs avaient laissé ouvert. Je veux ici rappeler qu'à l'inverse du code pénal, le code du travail doit obligatoirement être accessible par l'ensemble des salariés sur leurs lieux de travail, et ce dans l'objectif de faciliter leur pleine information sur leurs droits. C'est la raison pour laquelle nous avons considéré que l'introduction de difficultés techniques rendant peu accessible la définition du délit serait contraire à notre objectif. Nous avons donc procédé à une réécriture in extenso qui donnera lieu à un certain nombre d'amendements de coordination. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de l'annonce que vous nous avez confirmée d'une campagne de communication qui sera menée à la rentrée pour expliquer cette nouvelle loi et inciter les victimes à s'exprimer. Comme vous le voyez, notre assemblée partage cette même préoccupation.

Je conclus mon intervention en présentant deux dispositions nouvelles que je souhaite voir adopter par notre Assemblée.

Tout d'abord, le Gouvernement a pris l'initiative d'un amendement qui rétablit la cohérence des peines encourues pour harcèlement moral, sur la base de celles votées par le Sénat pour le harcèlement sexuel. Nos auditions ont démontré l'importante concomitance des deux infractions et le fait que bien des victimes du harcèlement sexuel préfèrent d'ores et déjà porter plainte pour harcèlement moral. Comme je l'ai dit précédemment, la nouvelle définition du harcèlement sexuel inspirée du droit communautaire renforce encore un peu plus la porosité entre ces deux délits. Il m'apparaissait donc nécessaire de maintenir une cohérence en matière de peines et je salue, madame la garde des sceaux, votre initiative qui rejoint nos réflexions.

Enfin, il me semble essentiel que le législateur, dont la responsabilité est pleinement engagée vis-à-vis des victimes dont les procédures ont été annulées, assume sa mission de les rétablir autant que possible dans leurs droits. Bien sûr, il n'est pas question de remettre en cause le principe de non-rétroactivité, qui est une garantie de notre démocratie. Mais nous pouvons faciliter les procédures civiles qui n'ont pas été interrompues par la décision du Conseil constitutionnel. C'est la raison pour laquelle je vous propose, afin d'éviter que les victimes reprennent leurs procédures à zéro et engagent de nouveaux frais de justice, que le tribunal correctionnel demeure compétent en matière civile dans les affaires où l'action pénale se trouve éteinte du fait de la décision constitutionnelle. Cette possibilité, qui est prévue par l'article L. 470-1 du code de procédure pénale, ne me semble présenter aucun risque juridique, et m'apparaît de nature à simplifier la suite des parcours judiciaires que les victimes ont empruntés depuis plusieurs années.

Mes chers collègues, ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel a été voté à l'unanimité au Sénat. Je veux y voir une prise de conscience de notre société quant au caractère intolérable de tels comportements et aussi le signe que l'abrogation du délit aura finalement permis de mieux prévenir et réprimer ce fléau. J'attends de notre Assemblée qu'elle travaille dans le même esprit de concertation et de dialogue, et espère qu'elle réservera le même sort à ce projet que le Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

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