Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 16 novembre 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Nous sommes avec ce rapport dans l'un des aspects les plus passionnants de notre travail de parlementaires, qui consiste à évaluer la loi, en l'occurrence quatre ans après son adoption – et non au bout de six mois, comme le voudraient les journalistes à propos de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

Au vu de ce que je lis à la page 50 de votre rapport, il me semble que vous auriez pu ajouter à la liste de vos propositions une recommandation concernant le MEDEF, qui considère que la loi définit le harcèlement sexuel de façon trop large et qu'en conséquence « plus de la moitié des conversations à la machine à café tombent assurément sous le coup de cette définition »…

Depuis la promulgation de la loi, nous nous sommes efforcés d'améliorer certains points sur lesquels le texte demeurait trop général où à propos desquels il comportait des lacunes. Je pense en particulier à la charge de la preuve. En 2008, la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a inversé la charge de la preuve en matière de discrimination liée au sexe, en prévoyant que c'était à la partie défenderesse et non à la victime d'apporter la preuve qu'elle n'avait pas agi pour des motifs discriminatoires. Dans le prolongement, nous avons inscrit une disposition identique concernant le harcèlement sexuel dans la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Il devrait donc théoriquement être désormais plus facile de poursuivre pour des faits de cette nature. En outre, nous voudrions faire appliquer cette disposition aux agissements sexistes, en l'inscrivant dans la loi Égalité et citoyenneté, mais définir ce qu'est un agissement sexiste est assez complexe. Quoi qu'il en soit, il y a dans cette inversion de la charge de la preuve une avancée législative qui ne doit pas rester lettre morte.

Je partage vos conclusions sur l'importance de l'information. Nous avons d'ailleurs inscrit dans la loi dite « El Khomri » l'obligation pour le CHSCT de dispenser cette information.

En ce qui concerne la proposition n° 12, non seulement j'approuve la généralisation à l'ensemble de la fonction publique de la cellule Thémis mise en place par le ministère de la Défense dans le cadre de la procédure « EVENGRAVE », suite à la parution de l'ouvrage La Guerre invisible, mais je demande de surcroît solennellement devant cette commission qu'un semblable dispositif, destiné aux fonctionnaires comme à nos collaborateurs, et parfaitement indépendant de la hiérarchie, soit mis en place dans cette maison avant la fin de la législature. Chacun sait en effet que le harcèlement existe dans n'importe quelle structure dès lors qu'elle est relativement importante.

Votre travail va nous inciter à poursuivre notre action. Il faut en particulier insister sur la formation du patronat et des partenaires sociaux. Ces derniers doivent savoir reconnaître les cas de harcèlement, car il s'agit d'un énorme facteur d'inégalité entre les femmes et les hommes. Ce sont en effet majoritairement les femmes qui sont touchées, ce qui les déstabilise et, bien souvent, freine leur carrière mais perturbe également leur vie privée. D'ailleurs, il est fréquent que le harceleur profite d'une période de fragilité personnelle de sa victime pour adopter un comportement de prédateur.

Il y a une forte demande de la part de nos concitoyens pour que la loi s'applique partout, en particulier au sein de l'université, à laquelle vous avez bien fait de faire référence : à l'occasion des auditions que la Délégation aux droits des femmes avait menées en 2014 lors de l'examen du projet de loi sur l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, un universitaire nous avait tout bonnement demandé : « Mais qu'est-ce que le harcèlement sexuel ? » Cette méconnaissance en dit long sur la nécessité de mettre en place les procédures appropriées.

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