Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

« Les Jeux olympiques doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs ». À la veille de l'ouverture des Jeux olympiques à Londres, je n'ai pu résister à ouvrir mon propos par cette citation de Pierre de Coubertin. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur et madame les présidents de commission, mesdames les rapporteures, chers collègues, l'image de la femme dans la société, le respect de ses droits et de sa dignité sont bien au coeur de nos débats. Comme vous le disiez au Sénat, madame la garde des sceaux, « ce texte tient du symbole et de la volonté politique ».

Non, les femmes victimes de harcèlement sexuel – car ce sont très majoritairement des femmes – ne peuvent pas attendre. Depuis le 4 mai dernier, la décision du Conseil constitutionnel d'abroger l'article qui définissait de manière trop imprécise le harcèlement sexuel a anéanti des dizaines de procédures : on imagine la colère, le désarroi et le découragement des victimes, d'autant qu'elles côtoient parfois à nouveau leur bourreau.

Il nous faut aussi répondre à celles et ceux qui veulent porter plainte. Nous avons adopté une définition à la fois large et précise qui doit permettre de poursuivre les auteurs de harcèlement sexuel sous toutes ses formes. Ce comportement est abusif. Il ne relève ni de l'agression sexuelle ni du viol mais il est tout aussi destructeur. La reconnaissance de la culpabilité de l'agresseur joue un rôle essentiel pour la reconstruction de la victime.

C'est pourquoi, mesdames les ministres, nous avons accepté, dès notre installation dans cette nouvelle mandature, de travailler en urgence sur ce texte de loi même si nous aurions aimé prendre plus de temps pour le compléter.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, que j'ai l'honneur de présider, a rendu un rapport coordonné par Ségolène Neuville et a formulé douze recommandations.

J'ai la plus grande confiance, madame la ministre des droits des femmes, en votre capacité d'écoute et en votre volonté de prendre en compte ce travail. Je dois vous dire le plaisir que nous aurons à travailler ensemble. Nous avons déjà pu apprécier, lors de votre audition mercredi dernier, vos qualités d'écoute et votre volonté de mettre l'enjeu de l'égalité entre les femmes et les hommes au coeur de toutes les politiques. Mais je dois dire aussi le formidable espoir que la présence et la visibilité de votre ministère dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault suscitent dans les associations qui se battent pour les droits des femmes et dans toute la société, particulièrement parmi les femmes qui vivent l'injustice et la précarité.

Vous trouverez la délégation, à vos côtés, pour être à la fois aiguillon et soutien.

Dans le temps court imparti au début de ce débat, je voudrais souligner deux priorités pour la délégation :

Il s'agit d'abord de la nécessité de mieux connaître ce phénomène longtemps absent du code pénal, sous-estimé dans son impact sur les victimes et sous-évalué dans son ampleur, comme l'ont souligné les orateurs précédents.

En 2000, la grande enquête nationale sur les violences faites aux femmes, la seule dont nous disposions à ce jour en France, a révélé qu'en France, une femme mourrait tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Ce chiffre a sidéré et marqué durablement les esprits car nul n'imaginait l'ampleur du phénomène.

Cette même enquête soulignait que 8 % des femmes interrogées avaient subi dans les douze derniers mois des faits de harcèlement, souvent classés dans la catégorie « blague » ou « drague ». Certaines d'entre elles ont déclaré avoir subi des avances non désirées plus de dix fois, d'autres tous les jours.

L'usage d'images pornographiques sur le lieu de travail s'ajoute comme élément perturbateur et déstabilisant. Parmi les femmes interrogées, 15 % disent y être exposées. En majorité, elles ne veulent ou ne peuvent pas réagir contre l'agresseur : souvent, elles s'arrêtent, voire démissionnent de leur emploi.

Ce harcèlement, plutôt qu'une expression de mépris, traduit une volonté de domination. C'est pourquoi nous tenons aux facteurs aggravants inscrits dans notre texte.

En 2010, l'Observatoire national de la délinquance a pu établir que 5 000 adultes et 8 000 mineurs avaient subi des agissements de ce type, chiffres étayés par l'enquête réalisée en Seine-Saint-Denis.

Alors, mesdames les ministres, si nous voulons sensibiliser l'opinion, en particulier les publics scolaires, dispenser des formations auprès des magistrats, des policiers, des gendarmes, des médecins, encourager les représentants du personnel à accompagner leurs collègues, mener des actions spécifiques dans l'enseignement supérieur et dans le milieu sportif, il nous faut disposer d'une nouvelle enquête nationale sur les violences faites aux femmes avec un volet consacré au harcèlement sexuel. C'est un préalable indispensable et une priorité.

Nous demandons également la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes, qui soit surtout une plateforme de collaboration entre tous les acteurs engagés dans la lutte contre les violences.

Contre cette plaie sociale qu'est le harcèlement sexuel, une réponse pénale sécurisée est indispensable. Ce texte devrait permettre de l'établir.

Pour faire reculer ce fléau ainsi que toutes les violences contre les femmes, pour orienter les politiques publiques et les rendre efficaces, il faut conduire en même temps des actions de prévention, d'information et de formation.

Les dispositions que nous prenons aujourd'hui ne seront efficaces que si la parole des victimes est libérée : 68 % des femmes victimes déclarent n'avoir jamais parlé de ce qu'elles ont subi. À cet égard, je salue le formidable travail d'accompagnement que réalisent les associations, à qui il faudrait donner beaucoup plus de moyens.

Le silence est le pire ennemi des femmes. Au terme de son procès, une victime s'est écriée : « Cela valait la peine : la justice m'a rendu justice ». C'est pour cela que nous sommes ici un 24 juillet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

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