Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 16 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteurs :

Dans son Livre blanc pour l'avenir de la santé, le CNOM recommande aussi de créer un numerus clausus régionalisé. Il a été fait référence au CNOM, et certains de ceux qui siègent ici ont eu des responsabilités ordinales importantes dans les départements ; je ne doute pas qu'ils suivront à la lettre les préconisations du CNOM, qui disait aussi qu'il serait bon de créer un « parcours post-DES de territoire » pour inciter à « l'exercice volontaire dans les territoires sous-médicalisés » – c'est ce que je propose. J'ai été frappé que les jeunes médecins ne s'installent qu'après huit à dix ans ; ma proposition rejoint donc leur souhait, puisqu'elle leur permet de s'installer tout en poursuivant leur formation grâce à la télémédecine. Enfin, j'ai entendu M. Door parler de liberté, mais je ne me souviens pas l'avoir entendu s'exprimer avec autant de force quand, en 2010, la liberté d'installation des biologistes a été mise par terre ; pourtant, la liberté ne se segmente pas.

Je remercie M. Vercamer pour ses propos, ceux que tient l'élu d'un département où la sous-densité médicale est particulièrement marquée. Pour m'avoir soutenu d'emblée, il sait parfaitement que mon objectif est que nous avancions collectivement, par étapes, puisque la somme de petites mesures nous permettra d'arriver à nos fins.

Mme Orliac a également insisté sur la coercition, notion sur laquelle je me suis déjà expliqué. J'insiste sur le fait que l'absence de barrières territoriales peut cacher des barrières financières. Seul M. Accoyer a eu le courage de rappeler que 25 % des installations nouvelles sont le fait de médecins formés à l'étranger. J'avais demandé, lors du débat sur le PLFSS, que les conseils de l'ordre valident les diplômes des médecins étrangers travaillant en France ; je me suis heurté à un refus. Il est anormal que les conseils de l'ordre soient d'une exigence totale pour les médecins exerçant en médecine libérale et ne fassent pas preuve de la même exigence pour les médecins hospitaliers. Ils sont plus de 30 000, de l'aveu même du président du CNOM, pour lesquels l'intégralité des diplômes n'a pu être validée comme assurant une parfaite efficience des soins. Il y a là une formidable hypocrisie qu'il faut soit assumer collectivement, soit dénoncer – je préfère la dénoncer.

Enfin, si l'on vous en croit, madame Orliac, il suffirait de faire la promotion de son territoire pour attirer des médecins ; cela me paraît quelque peu réducteur. À constater que la désertification médicale commence à 15 kilomètres de Toulouse, ville considérée, avec Bordeaux, comme celle où l'on a le plus envie de s'installer, on déduit qu'il ne suffit pas d'être l'ambassadeur de son territoire, ce que nous sommes tous. Beaucoup de collectivités ont mis sur la table des moyens considérables, et cela s'est soldé par des échecs. Mais j'ai constaté que vous étiez favorable à trois de mes propositions.

Je vous remercie, madame Fraysse, pour les mots que vous avez eus. C'est au législateur de prendre ses responsabilités, et ce n'est pas facile, mais l'approche que vous proposez me convient. Formé par les hôpitaux publics, je suis partisan d'un équilibre entre médecine libérale et médecine publique – d'ailleurs, vous-même avez salué le rôle de la médecine libérale. Vos propos, empreints d'une modération que je salue, montrent qu'il nous appartient d'avancer sur cette difficile question.

Denis Jacquat est revenu sur la notion de coercition, mais, comme l'a rappelé Mme la présidente, la médecine générale est également une spécialité. D'ailleurs, savez-vous que les jeunes internes souhaitent que la durée de formation des généralistes passe à dix ans ? Auparavant, un généraliste était formé en sept ans ; maintenant, c'est en neuf ans. Je comprends que les jeunes veuillent quatre ans d'internat de médecine générale. Cette volonté d'être mieux formés et de mieux prendre en charge leurs patients est tout à leur honneur – je pense moi-même que la formation doit être continue et s'inscrire dans le temps –, mais si la formation dure plus longtemps, alors l'installation aussi prendra encore plus de temps, et la fracture ne fera que s'aggraver.

Monsieur Noguès, globalement, nous sommes d'accord sur nombre des dispositions que je propose. Vous avez été choqué par le dispositif de cumul emploi-retraite ; vous voyez que je ne considère pas qu'une idée est bonne ou mauvaise selon qu'elle émane d'une travée ou d'une autre de l'hémicycle de l'Assemblée nationale. À Châteaudun, trois médecins ont soixante-neuf ans. Comment faire s'ils arrêtent d'exercer ? Je le dis avec gravité. Samedi dernier, dans un cabinet, nous avons frôlé la bagarre quand quatre personnes sont arrivées et qu'il n'y avait pas de médecin. Les gens veulent être pris en charge ! Je veux bien entendre tous les arguments, mais, à un moment, il faut regarder la situation en face, et ne pas faire dire à un mot le contraire de ce qu'il veut dire. Qu'on ne parle donc pas de vraie liberté d'installation avec l'examen national classant !

Isabelle Le Callennec me demandait comment réguler dans les zones sous-dotées et qui définit ces zones. Ce sont les agences régionales de santé qui le font. Dans ma région, auparavant, nous avions des statistiques de 2011 ou 2012, mais cela s'est un peu amélioré. Il faut travailler avec les élus locaux, parce qu'ils ont une vision de leur territoire. Pour ma part, je sais parfaitement quand les médecins qui exercent sur le territoire que je représente prendront leur retraite. La compilation et le traitement des statistiques à l'échelle d'une région, et d'autant plus maintenant qu'elles sont très grandes, entraîne du retard à l'allumage. Que l'on implique les élus, cela me va très bien. Quant à la sanction prévue pour les médecins qui s'installent dans les zones surdotées, elle n'est pas financière ; ils n'ont plus de conventionnement, ce qui reprend l'amendement Le Houerou.

M. Liebgott a également eu des propos courageux. À la suite d'un petit accident à l'Assemblée qui m'a valu un tendon déchiré, j'ai vu ce qu'il en coûtait d'être hors nomenclature. Quand on parle d'égalité devant les soins, cela me fait sourire l'espace d'un instant. J'ai également pu mesurer quelles complications pouvaient entraîner les délais d'attente pour un examen d'imagerie par résonance magnétique ou pour des échographies quand on n'a pas accès à des professionnels.

Merci, monsieur Viala, pour votre contribution. Beaucoup d'argent public – de l'État, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales – a été mis sur la table, via de nombreux dispositifs incitatifs. Vous l'avez dit, comme Isabelle Le Callennec, les élus ont leur mot à dire ; c'est important. Nous sommes, d'une certaine manière, le réceptacle des difficultés rencontrées tant par les professionnels de santé que par la population. D'ailleurs, que disent nos concitoyens ? « Que font-ils ? Ont-ils conscience de ce drame qui s'aggrave ? » Et nous nous étonnons de poussées d'extrémisme et de populisme dans nos territoires aussi bien ruraux qu'urbains ! Jean-Pierre Door parlait de la primaire, mais je ne m'inscris pas dans cette perspective, ce n'est pas mon sujet. J'ai rappelé les engagements pris par François Hollande en 2012, dont nous savons ce qu'ils sont devenus. Je ne me place pas du tout sur un terrain politique, j'ai simplement rappelé, au détour d'une phrase, quelles propositions de loi les ministres actuels avaient signé, quels engagements avaient été pris. Nous devons tous faire oeuvre de modestie – c'est Roselyne Bachelot qui a contribué à égratigner la liberté d'installation, nous l'avons vu avec les biologistes.

Monsieur Robiliard, c'est vous qui êtes allé le plus loin dans le sens d'un encadrement de l'installation. Vous avez insisté sur le manque de médecins dans nos hôpitaux publics. C'est une vraie difficulté, car nous sommes confrontés à de véritables mercenaires. Il y a 900 millions d'euros de dettes dans les hôpitaux ! Êtes-vous allés voir, chers collègues, dans les comptes d'exploitation des hôpitaux, combien coûtent ces mercenaires, qui décident de leur lieu d'exercice ? Cet été, l'hôpital de Bourges a failli fermer ses urgences, mais des situations analogues se rencontrent en de nombreux autres endroits.

Bérengère Poletti a bien fait de rappeler le rôle des femmes en médecine. Il faut accepter les évolutions. En 1981, quand nous étions internes, nous nous battions pour que les congés de maternité des internes soient indemnisés, car ils ne l'étaient pas.

Gérard Bapt, certes, le constat est partagé, mais la présidente a très bien répondu à cette critique adressée à ce qui serait une proposition de loi d'opportunité : en l'occurrence, c'est la troisième fois que je la présente.

Bernard Perrut a insisté sur les qualités qu'il trouvait à un internat régional, aux stages de douze mois, au fait que l'on sorte les internes des centres hospitalo-universitaires, ce à quoi la conférence des doyens est favorable. Il a aussi beaucoup parlé d'aménagement du territoire, mais cette proposition de loi y participe. Il est bien beau de parler d'aménagement du territoire, mais quels actes suivent les belles déclarations en faveur d'un rééquilibrage entre villes et campagnes ?

Merci à vous aussi, Madame Delaunay, qui connaissez merveilleusement ce domaine. J'entends bien votre propos, selon lequel il ne faut pas changer la donne sitôt une convention signée, mais vous m'accorderez que nous avons mis en place beaucoup de dispositifs. Il serait bon que nous disposions d'un bilan – je reprends là une idée exprimée par Mme Fraysse. J'ai, pour ma part, travaillé avec un excellent administrateur du service de la culture et des questions sociales ; il nous faut encore compiler des données, mais il serait bon que nous les examinions sans tabou. J'ai parlé des internes qui remboursent les aides qu'ils ont reçues pendant leur formation ; c'est un phénomène récurrent et qui semble s'aggraver. Il apparaît que l'incitation financière ne suffit pas et qu'il faut inventer quelque chose.

Merci aussi à Jean-Louis Costes, dans le propos de qui j'ai reconnu un élu rural engagé au service de son territoire en proie à de véritables difficultés. Jean-Louis Costes a souligné que des aides financières importantes ont été apportées, sans que cela se révèle toujours efficace. Il a dit que la situation était « intenable ». C'est un propos responsable, dont je le remercie.

M. Siré a évoqué la nécessité d'une réorganisation complète des systèmes de soins. Nous serons d'accord sur ce point. En l'occurrence, la réponse doit être structurelle, mais il est compliqué de réformer de fond en comble. Il est déjà compliqué de rassembler sur une proposition de loi telle que celle-ci !

Bernard Accoyer est le seul à l'avoir dit : 25 % des médecins qui exercent actuellement en France ont été formés à l'étranger. Des villes se font démarcher par des cabinets divers et variés, qui leur offrent de trouver un médecin contre 20 000 euros. Et quel est le résultat ? Sur les cinquante et un médecins que compte ma circonscription, sept sont étrangers. Je ne veux être désagréable avec personne, mais qualité de prescription et efficacité thérapeutique ne sont pas forcément au rendez-vous. Soyons fiers de la formation délivrée en France !

Enfin, merci à Rémi Delatte pour sa contribution. Je ne peux cependant pas le suivre dans son refus de réguler l'installation.

Un dernier mot avant l'examen des articles : je ne l'ai pas dit au début, sciemment, mais il y a un vrai problème de reconnaissance du rôle majeur que jouent les professionnels de santé, quels qu'ils soient. La meilleure preuve en est le tarif de la consultation, dont je ne sais depuis combien de temps il est fixé à 23 euros. Cette règle est contournée, vous le savez très bien ; des statistiques parfaitement pertinentes sont sorties récemment : cela coûte en fait 42 euros. Quant à la consultation à l'hôpital, qui, du coup, a augmenté, en raison du moindre nombre de médecins en villes, elle coûte 400 euros. Les finances publiques sont ainsi grevées parce que nous n'avons pas su organiser une médecine de qualité. Il y a, nous le savons très bien, des conventionnements spécifiques pour les généralistes qui reçoivent des enfants, des personnes âgées, mais il fallait avoir le courage de revaloriser la consultation. Nous devons tous balayer devant notre porte. Favorisons la reconnaissance, la revalorisation des carrières et faisons en sorte que notre très belle médecine, très menacée, suscite l'enthousiasme. Ce château de cartes, naguère exemplaire, s'écroulera-t-il ? Ou ferons-nous oeuvre de courage et de détermination ?

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