Intervention de Philippe Goujon

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Madame la Présidente, mesdames les ministres, chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans un continuum, celui de la lutte contre les violences menée durant tout le quinquennat précédent. Parce que la loi doit s'adapter en permanence aux mutations de la violence, nous avons renforcé la protection des victimes, mieux réprimé les violences faites aux femmes – nos collègues Geoffroy et Zimmermann sont là pour en témoigner –, ainsi qu'aux personnes les plus vulnérables, à savoir les personnes âgées et les enfants. Nous avons également incriminé les violences de groupe et amélioré la protection des personnes chargées d'une mission de service public.

Mais, si ce projet de loi vise à mieux réprimer le harcèlement sexuel, c'est moins en raison de la volonté du Gouvernement de poursuivre cet indispensable travail de protection, que de la décision du Conseil constitutionnel qui, pour être incontestable, n'en crée pas moins un vide juridique très préjudiciable.

Il est regrettable, pour commencer, que le Conseil constitutionnel n'ait pas prévu l'entrée en vigueur différée de sa décision – comme ce fut le cas pour la réforme de la garde à vue – car les répercussions sont douloureuses pour les victimes qui attendaient que justice leur soit rendue. Je pense notamment à une quinzaine de personnes pour qui l'action publique s'est interrompue après de longs mois de procédure, faute de pouvoir requalifier les faits, et qui, parce qu'elles dépassent les plafonds de ressources de l'aide juridictionnelle, hésitent à engager des poursuites civiles. Ces victimes se trouvent ainsi doublement pénalisées, ne pouvant obtenir ni réparation morale, ni réparation financière. La condition de ressources devrait être levée et il faudrait leur permettre d'obtenir une réparation intégrale

Malgré ses graves conséquences, la décision du Conseil constitutionnel nous a incités à distinguer entre différents types d'agissements. Ainsi, la définition que nous avons donnée de l'élément matériel du délit de harcèlement sexuel par chantage sexuel, même si elle laisse une grande part d'appréciation au juge, permettra d'éviter la confusion entre les incriminations d'agression sexuelle ou de viol, d'une part, et celle de harcèlement sexuel, d'autre part. Ainsi amendée en commission des lois, cette nouvelle définition suffira-t-elle à nous prémunir contre une nouvelle censure constitutionnelle, laquelle, cette fois, serait fatale au texte ?

De même, s'il faut se féliciter de l'aggravation des peines encourues par rapport au texte initial, n'est-il pas finalement choquant que le harcèlement sexuel soit toujours moins puni que le vol, alors qu'il s'agit bien d'un acte de violence ? Une révision de l'échelle des peines semble opportune, afin de rétablir la primauté de la sanction pour les atteintes aux personnes.

Si certaines circonstances aggravantes prévues par ce texte sont pleinement justifiées – je pense à la vulnérabilité économique –, en revanche, d'autres le sont moins, en particulier celle relative aux mineurs de quinze ans. En effet, une personne de seize ans est encore mineure, et toutes les situations ne peuvent pas forcément être couvertes par l'abus d'autorité : que dire par exemple d'un mineur de seize ans, émancipé par ses parents, et qui serait victime d'un harcèlement sexuel dans le cadre d'une recherche de logement ? De plus, la partie du texte visant les relations de travail exclut de fait les mineurs de quinze ans.

La circonstance aggravante de vulnérabilité due à l'âge, introduite à l'alinéa 8 de l'article 1er, peut être appliquée aux mineurs et il aurait peut-être été plus simple de réécrire cet alinéa, plutôt que de faire de la minorité une circonstance aggravante indépendante.

S'il me paraît logique de revenir à la majorité civile, et non pénale, pour protéger les victimes, je récuse, comme d'autres orateurs avant moi, et notamment Guy Geoffroy, l'idée qui consisterait à distinguer entre les victimes, selon leur identité, et plus seulement leur orientation sexuelle : on ne saurait introduire dans la loi l'identité de genre, à la faveur d'un tel texte. Les victimes de harcèlement sexuel, en effet, n'ont pas à faire l'objet de discrimination : devant l'universalité de la loi, elles sont toutes égales et doivent toutes être protégées de la même façon.

Puisque cette égalité de traitement doit concerner aussi bien le secteur public que le secteur privé, l'enseignement supérieur ne saurait demeurer un îlot d'impunité, ainsi que vous l'avez noté, madame la ministre. Aussi, nous ne devons pas nous satisfaire que les étudiants et les doctorants restent dépourvus de moyens d'action face à d'éventuels agissements de harcèlement sexuel de la part de leurs maîtres de conférences, professeurs ou directeurs de thèses. Cette situation m'a conduit à déposer des amendements relatifs au fonctionnement du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, afin que la cause de ces victimes soit entendue.

Comme nous le mesurons avec ce projet de loi, la loi pénale doit permettre que justice soit rendue aux victimes et que la lourdeur des sanctions soit dissuasive pour ceux qui seraient tentés de commettre un acte aussi répréhensible.

Avec ce nouvel arsenal législatif, c'est la société dans son ensemble qui doit maintenant se mobiliser. Puissent nos travaux attirer l'attention de nos concitoyens sur un fléau social qui mérite effectivement toute notre vigilance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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