Intervention de Thierry Mandon

Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 15h00
Liberté du commerce dans les groupements d'intérêt économique — Présentation

Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d’abord excuser Mme Pinville qui ne pouvait absolument pas être libre aujourd’hui et l’a beaucoup regretté. Elle m’a chargé de vous apporter un certain nombre d’éléments en réponse à la proposition de loi que vous venez de présenter, monsieur le rapporteur.

Celle-ci aborde un problème dont chacun ici, j’en suis sûr, reconnaîtra qu’il se pose. À ce vrai problème, elle apporte des réponses qu’il faut regarder précisément et analyser. C’est à travers ce triptyque classique – le problème, les réponses, l’analyse des réponses – que je me propose de vous transmettre les explications que Mme Pinville aurait aimé vous donner elle-même.

En premier lieu, il semble utile de rappeler le contexte qui a conduit à l’initiative parlementaire. La fermeture de certains commerces, notamment le 14 juillet 2016, a entraîné le prononcé de plusieurs pénalités financières par le groupement d’intérêt économique gestionnaire du centre commercial Grand Var, situé à La Valette, dans l’agglomération de Toulon. Une pénalité de 186 624 euros a ainsi été notifiée à un commerçant de ce centre commercial le 19 juillet 2016.

Ces sanctions très conséquentes ont par la suite, heureusement, fait l’objet d’un réexamen. Il a été décidé de réduire leur montant, dans la limite de forfaits compatibles avec la bonne marche des entreprises concernées. Cet événement, qui reste isolé et résultait d’une situation de conflit antérieure au sein du centre commercial, a toutefois eu des répercussions au niveau national : certaines fédérations professionnelles ainsi que des syndicats ont saisi le Gouvernement à ce propos.

Cette proposition de loi, répondant à cet événement, vise donc à interdire, dans les contrats des groupements d’intérêt économique, toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et jours fériés. Votre commission a limité cette mesure aux dimanches du maire et aux jours fériés.

Les conséquences d’une telle proposition sont à analyser de près. Tout d’abord, cette question touche, vous l’avez rappelé, au principe du repos dominical. Sans remettre en question le principe du repos hebdomadaire donné prioritairement aux salariés le dimanche, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a élargi les possibilités d’ouverture dominicale aux commerces de détail. Elle a mis en place des dérogations sur des bases géographiques, avec la création des zones touristiques internationales – ZTI –, des zones touristiques – ZT – et des zones commerciales – ZC –, sans oublier le régime de certaines gares caractérisées par une « affluence exceptionnelle de passagers », précisé par un arrêté du 9 février 2016. Elle a également permis d’augmenter de cinq à douze le nombre des dimanches dits « du maire ».

L’objectif de la réforme était d’assouplir et de rendre plus cohérent le régime du travail dominical, en évitant notamment le recours à de nouvelles dérogations sectorielles. Le respect du volontariat, la nécessité d’un accord et la définition de garanties et compensations sont dorénavant les contreparties à l’ouverture dominicale.

La dynamique enclenchée par la loi étant encore récente, il serait malvenu de briser la cohérence d’ensemble de ces dispositifs. En outre, un Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales, comportant plusieurs collèges, a été créé par arrêté du 20 juin 2016 et installé le mardi 21 juin afin d’évaluer la réforme de l’ouverture dominicale des commerces, d’en suivre la promotion internationale, d’en mesurer les effets sur le commerce, l’activité économique et l’emploi.

Si votre proposition de loi était adoptée, elle s’articulerait difficilement avec plusieurs dispositifs du code du travail concernant l’ouverture dominicale et les jours fériés des commerces. En effet, pour produire des effets, ces dispositifs nécessitent à l’intérieur des zones concernées un effet de masse ou d’entraînement.

Son articulation devrait également se combiner avec les règles du code du travail applicables aux jours fériés, actualisées par l’article 8 de la loi du 8 août 2016, dite « loi El Khomri ». Les règles actualisées prévoient qu’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche définit les jours fériés chômés. À défaut, l’employeur fixe les jours fériés chômés.

Il convient également de rappeler que la mission des GIE de commerçants exerçant au sein d’un centre commercial est d’assister ces mêmes commerçants dans leur développement économique, en adoptant une politique commerciale cohérente à travers des opérations collectives.

L’adhésion au GIE procède d’une démarche volontaire de la part du commerçant, qui fait le choix de s’implanter dans un centre commercial et d’adhérer, afin de pouvoir bénéficier de ces opérations commerciales collectives. Les commerçants sont libres d’adhérer ou non au GIE et nul ne peut les y forcer.

Prévoir, comme le fait la proposition de loi, qu’est réputée non écrite, c’est-à-dire inexistante, une clause qui imposerait l’ouverture le dimanche ou les jours fériés à des commerces d’un centre commercial revient à priver le groupement d’intérêt économique de la possibilité de réaliser des opérations commerciales collectives, démarches qui n’ont de sens que si elles sont partagées par tous : première difficulté.

Seconde difficulté : la mesure proposée n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact ni d’avis circonstanciés. Il nous semble donc nécessaire que cette proposition puisse faire l’objet d’un réexamen approfondi et approprié en commission.

Les questions qui se posent – qu’il s’agisse des baux commerciaux, des règlements intérieurs des centres commerciaux, ou des autres formes juridiques, comme les associations, pouvant jouer le même rôle que les GIE –, méritent une véritable réflexion, peut-être un peu plus large. En tout état de cause, nul n’est obligé de se soumettre à un GIE. A contrario, interdire qu’un GIE librement constitué puisse prévoir ce type de clause constituerait une entorse à la liberté des contrats.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement trouverait utile que la commission réexamine ce texte, pour trouver les solutions qui peuvent être apportées au problème que votre proposition de loi a le mérite de signaler, monsieur le rapporteur.

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