Intervention de Laurent Furst

Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 15h00
Statut de l'île de clipperton — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Furst :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes amenés cet après-midi à examiner la proposition de loi de notre collègue Philippe Folliot visant à donner un statut juridique à l’île de Clipperton. Je souhaite rendre hommage à Philippe car la proposition de loi qu’il soumet à notre examen est l’aboutissement d’une intense réflexion, d’un intérêt profond. Je ne peux passer sous silence le livre qu’il a coécrit : France sur mer : un empire oublié. Je n’oublie pas non plus que cette proposition de loi est profondément inspirée du rapport que Philippe a remis en février 2016 à la ministre des outre-mer.

Clipperton, les Terres australes et antarctiques françaises, ces miettes d’empire que beaucoup ne sauraient placer sur une carte du monde, notre collègue Philippe Folliot les connaît très bien pour y être allé. Il est le seul dans cet hémicycle à pouvoir témoigner de la réalité de l’île, pour s’y être rendu pendant cette législature. J’ai moi-même assisté à une réunion sur le sujet avec l’administration des Terres australes et antarctiques françaises, réunion qu’il a animée avec brio, faisant preuve de sa parfaite connaissance du sujet.

Qu’est-ce que Clipperton ? Ce sont 305 années de souveraineté française. L’île de La Passion est française et demeure à ce jour notre seule possession dans le Pacifique Nord. La souveraineté française y a été reconnue en 1931 par la Cour internationale de La Haye. Mais si la France a fait reconnaître ses droits à cette occasion, elle n’a que rarement montré de l’intérêt pour cette île et les eaux qui l’entourent.

L’île doit son nom au flibustier anglais John Clipperton, dont la légende dit qu’il y aurait laissé un trésor de guerre. Le vrai trésor de Clipperton est ailleurs : 435 000 kilomètres carrés de zone économique exclusive, soit un vingt-cinquième des eaux territoriales de notre pays. Admettez que pour un îlot de deux kilomètres carrés, ce n’est pas si mal !

Ce sont surtout 26 % de plus que la zone économique exclusive des trois façades maritimes de la métropole. Cet espace maritime présente un intérêt certain, tant il regorge de richesses potentielles. Ses ressources halieutiques sont importantes : Clipperton est au coeur d’une réserve de thonidés connue et exploitée. Comme le soulignait Philippe Folliot dans son rapport, si la France se lançait dans une politique volontariste d’octroi de droits de pêche, elle pourrait récolter 1 à 5 millions d’euros, dont Clipperton pourrait profiter. En la matière, il convient de s’inspirer de ce qui se fait autour des Kerguelen pour la pêche de la légine et de la langouste.

L’île de La Passion possède des ressources minières insoupçonnées : elle se situe à l’extrémité ouest d’un périmètre du Pacifique Nord particulièrement riche en nodules polymétalliques. Les estimations de l’Ifremer donnent le tournis quant aux réserves potentielles : 34 milliards de tonnes de nodules, dont 7,5 milliards de tonnes de manganèse et 340 millions de tonnes de nickel. Il est probable que les eaux territoriales de Clipperton regorgent d’une partie de ces richesses. À cet égard, l’arrêté pris par la ministre de l’environnement vient a priori geler toute perspective d’exploration et de connaissance du potentiel réel. Il serait intéressant d’entendre le Gouvernement sur ce sujet.

Sa situation géostratégique présente un intérêt grandissant : le Pacifique, bordé par l’Amérique, d’une part, et par l’Asie de l’Est d’autre part, jouera de toute évidence, dans le monde de demain, le premier rôle. Clipperton, en permettant à la France d’être géographiquement présente dans la zone, est et sera demain sa vigie.

Ces trois éléments constituent un potentiel considérable. L’Histoire dira si ce potentiel deviendra richesse ou restera en l’état. Dans cette attente, nous avons aujourd’hui à protéger ce lieu inconnu du peuple de France mais présentant pour notre nation un intérêt certain.

Quelle attention porte la France à ces richesses ? Aucune ! Non seulement nous n’entendons pas profiter de ce trésor, mais, pire encore, nous le laissons stagner dans ce bout du monde.

Car l’île de la Passion est polluée et pillée. Les courants marins y rejettent chaque année les déchets de l’activité humaine. C’est une très grande dépollution à laquelle nous devrions procéder pour redonner à l’île sa vraie splendeur. L’île de Clipperton a servi par le passé comme dépôt de divers encombrants, en particulier de munitions lors de la seconde guerre mondiale. Même si ces dernières ont été déminées, c’est toute une île qu’il faut nettoyer.

Par ailleurs, les ressources halieutiques de l’île de Clipperton sont pillées, notamment ses thons, péchés au mépris des règles que nous fixons. L’enjeu dépasse largement la seule lutte contre la pêche clandestine : c’est la loi française qu’il faut faire respecter dans les eaux de Clipperton, c’est notre souveraineté qu’il faut affirmer.

Nettoyer, dépolluer, assurer la souveraineté française à Clipperton sont les actions prioritaires à mener pour cette île. Ensuite viendra la valorisation des ressources, qui justifiera les efforts que nous aurons entrepris. Alors, pourquoi ne le faisons-nous pas ?

La vérité, mes chers collègues, c’est que Clipperton dérive aujourd’hui sans statut solide. Malgré les efforts et le soin avec lesquels la marine nationale et notre administration en Polynésie française y assurent une présence, à la mesure des moyens qui leur sont alloués, je me dis parfois que c’est Clipperton, non les Kerguelen, que nous aurions dû nommer l’île de la Désolation.

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