Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 15h00
Statut de l'île de clipperton — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chère Barbara Pompili, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cher Philippe Folliot, chers collègues, je suis très heureuse de me trouver à cette tribune aujourd’hui, pour discuter un texte, qui est assez étranger aux préoccupations que nous avons souvent dans cet hémicycle.

Je tiens à saluer la ténacité et le travail de notre collègue, Philippe Folliot, qui a su mettre à nouveau un coup de projecteur sur un territoire authentique et unique au monde, dans le prolongement du rapport qu’il m’avait remis en juin 2016. Il sait apparemment partager sa passion puisque tous, sur les bancs de cet hémicycle, voient maintenant l’intérêt que présente ce bout de territoire.

Je crois me souvenir que, lors de notre premier entretien au sujet de Clipperton, Philippe Folliot m’avait confié que son intérêt pour ce territoire très éloigné était venu d’un atlas qui lui avait été offert alors qu’il était enfant. J’encourage donc chacun à offrir des atlas, qui permettent aux enfants de rêver : ils contribueront à ce que notre planète soit parfaitement connue et exploitée.

Cela a été dit, Philippe Folliot est le premier parlementaire a s’être rendu sur l’île de Clipperton, à propos de laquelle il a fourni un rapport assez nuancé : l’île, que tout le monde pense paradisiaque, présente un lagon pollué et les rats y sont nombreux. Exploitée correctement, elle pourrait toutefois être magnifique et d’un grand intérêt pour notre pays. Clipperton pourrait notamment accueillir une station d’observation scientifique internationale et une base météorologique, pour des coûts d’investissement relativement modestes.

Le rapport que M. Folliot a remis sur Clipperton - île de la Passion contient des propositions concrètes, constructives et réalistes, qui ont permis au ministère des outre-mer, avec le ministère de la défense, de prendre immédiatement des mesures conservatoires, comme d’y envoyer des bâtiments de la marine nationale et de commencer le nettoyage de l’île. Ainsi, le bâtiment multi-missions – B2M – D’Entrecasteaux a effectué une mission à Clipperton pour étudier comment neutraliser les stocks de munitions américaines, qui datent de la seconde guerre mondiale, et entreprendre des actions de nettoyage. Quant au B2M Bougainville, il a été chargé des opérations de destruction des munitions, lesquelles ont achevé le travail de nettoyage. Nous avons donc immédiatement commencé à travailler selon les préconisations du rapport.

Le député Folliot, qui est tenace, propose maintenant une nouvelle étape visant notamment à mieux formaliser le statut de l’île de Clipperton. S’interroger sur ce sujet, c’est questionner la place de notre pays dans le monde, en général, et dans le Pacifique Nord, en particulier. Clipperton, petite île assez méconnue voire insignifiante pour certains, représente une partie de la souveraineté de la France : exploiter au mieux ses richesses est pertinent et utile pour notre pays.

Le premier enjeu attaché à cette proposition de loi a donc trait à la souveraineté nationale et au statut de l’île. Il suffirait de réaliser un petit sondage dans la rue pour constater que les Français ne savent pas que Clipperton appartient à la France. Notre pays a cependant un intérêt évident à disposer d’un point d’ancrage dans le Pacifique Nord. C’est pourquoi cette petite île fait l’objet de convoitises : après avoir été découverte en 1711 par deux commandants de frégates françaises, elle a été colonisée par les États-Unis, puis par le Mexique, jusqu’en 1917. Il a fallu l’arbitrage du roi Victor-Emmanuel III, en 1931, pour qu’elle soit définitivement attribuée à la France. Jusqu’à aujourd’hui, cette histoire nous conduit à faire des compromis avec le Mexique, afin que ce pays ne conteste pas notre souveraineté.

Clipperton n’est pas habitée. C’est la raison pour laquelle elle n’est ni un département, ni une région d’outre-mer, mais elle est administrée par le ministère des outre-mer. La présence française est assurée par le passage régulier d’une frégate venue de Polynésie française, et par des débarquements occasionnels. Les terres françaises les plus proches sont les îles Marquises, à 4 000 kilomètres. Quant à Tahiti, qui peut surveiller l’île, elle se trouve à plus de 5 000 kilomètres. Le haut-commissaire de la Polynésie française exerce par délégation l’administration de cet îlot.

Tous les orateurs ont rappelé aujourd’hui la situation des TAAF, lesquelles comptent de nombreux territoires non habités. Sur les îles Juan de Nova ou Tromelin, où nous nous sommes rendus, la présence française est assurée par de petits détachements de l’armée, qui se relaient régulièrement, afin de ne pas trop souffrir de l’éloignement. Cette solution est donc possible.

On peut se féliciter des avancées statutaires de cette proposition de loi visant à doter Clipperton d’une organisation administrative appropriée. Nommer un administrateur supérieur, assisté dans sa mission par un conseil consultatif, comme c’est le cas pour les TAAF, est de nature à permettre à l’île de progresser. En donnant un statut clair à Clipperton, la France s’honorera de réaffirmer haut et fort sa présence, et de balayer ainsi le sentiment d’abandon de ce territoire que les pays voisins peuvent exprimer ou ressentir.

Si Clipperton n’est pas dotée d’une organisation suffisante, elle présente toutefois un réel intérêt pour les scientifiques. J’avais été étonnée, en organisant une réunion sur le sujet, de me trouver face à une salle Colbert pleine de personnalités, toutes spécialistes de Clipperton. Elles avaient rappelé les expéditions menées sur ce territoire afin de l’étudier et d’observer certains phénomènes climatiques et scientifiques – mission de Jean-Louis Étienne en 2005, de scientifiques américains en 2013 et, plus récemment, expédition dirigée par le géographe Christian Jost.

La création d’un conseil consultatif permettra de mieux encadrer ces études, qui pourront être utiles à l’analyse non seulement de Clipperton et du Pacifique, mais aussi d’autres phénomènes qui deviennent préoccupants, telle que la montée des eaux, sujets qui ont été abordés lors de la COP21.

À un moment où l’Atlantique comme la Méditerranée souffrent de surpêche, je voudrais rappeler que Clipperton est entourée d’une zone économique exclusive, de l’ordre de 430 000 kilomètres carré. Ceux utilisent cette zone sous-exploitée ne versent que peu de royalties à notre pays : une base sur Clipperton permettrait de mieux rentabiliser la richesse de l’espace maritime associé à l’île. Aujourd’hui, faute de présence suffisante, nous ne pouvons pas lutter contre la forte pêche illégale, qui est connue.

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